Devoir de Philosophie

fixa longtemps les montagnes et les arbres, et même les visages, comme s'il voulait se les rappeler pour l'éternité.

Publié le 30/10/2013

Extrait du document

fixa longtemps les montagnes et les arbres, et même les visages, comme s'il voulait se les rappeler pour l'éternité. Il garda sa dernière visite pour la ferme de Trask. Il n'y était pas allé depuis des mois. Adam n'était plus un homme jeune, les garçons avaient onze ans, et Lee... Mon Dieu ! Lee n'avait pas changé. Il accompagna Samuel. « Il y avait longtemps que je voulais vous voir, dit Lee, mais j'ai tant à faire. Et je fais en sorte d'aller à San Francisco au moins une fois par mois. - Je comprends, dit Samuel. Lorsque l'on sait qu'un ami est proche, on ne va pas le voir, et puis il disparaît et on voudrait se châtier pour ne pas l'avoir vu plus fréquemment. - J'ai su au sujet de votre fille. Je regrette. - J'ai reçu votre lettre, Lee. Je l'ai gardée, elle était pleine de bonnes choses. - Des choses chinoises, dit Lee. Je crois que plus je vieillis, plus je deviens Chinois. - Vous avez quelque chose de changé, Lee. Qu'est-ce que c'est ? - C'est ma natte, Mr. Hamilton. Je l'ai coupée. - Ah ! Oui. C'est cela. - Nous l'avons tous coupée. Ne saviez-vous pas ? L'impératrice douairière est morte. La Chine est libre. Les Mandchous ne sont plus nos maîtres et nous ne portons plus de natte, c'est une proclamation du nouveau gouvernement. Il ne reste plus une natte dans tout le Céleste Empire. - -Cela fait-il une différence, Lee ? - Pas très grande. C'est plus facile, mais on a une impression de vide du côté de la nuque qui est assez gênante. Il est difficile de s'habituer à une commodité. - Comment va Adam ? - Bien. Mais il n'a pas beaucoup changé. Je me demande comment il était, avant. - Je me le suis demandé aussi. Son printemps a été court. Les garçons doivent être grands. - Ils le sont. Je suis content d'être resté ici. J'ai appris beaucoup de choses en les regardant grandir et en les aidant à vivre. - Leur avez-vous appris le chinois ? - Non, Mr. Trask ne voulait pas et je crois qu'il avait raison. C'eût été une complication inutile. Mais je suis leur ami, oui, leur ami. Ils admirent leur père, mais je crois qu'ils m'aiment. Ils sont très différents, vous ne pouvez savoir à quel point. - Dans quel sens, Lee ? - Vous les verrez lorsqu'ils rentreront de l'école. Ils sont comme les deux côtés d'une même médaille. Cal est intelligent, sombre et observateur, et son frère... c'est un garçon que l'on aime avant qu'il ait parlé, et plus encore après. - Vous n'aimez pas Cal ? - Je me surprends à le défendre... contre moi-même. Il lutte pour vivre, alors que son frère n'a pas à lutter. - Il se passe la même chose dans ma couvée, dit Samuel. Je ne comprends pas pourquoi. On eût pu croire qu'avec la même éducation et le même sang, ils se seraient ressemblés, mais non, ils sont complètement dissemblables. « Plus tard, Samuel et Adam descendirent la route ombragée vers l'entrée du vallon, d'où l'on voyait la Salinas. « Resterez-vous pour dîner ? demanda Adam. - Je ne veux pas être le responsable du meurtre de quelques poulets, dit Samuel. - Lee a fait un pot-au-feu. - Alors, dans ce cas... « Adam avait une épaule plus basse que l'autre à la suite de sa blessure. Son visage était dur et impassible et son regard englobait l'ensemble, mais ignorait les détails. Les deux hommes s'arrêtèrent sur la route et regardèrent la vallée, verdoyante après les premières pluies. Samuel demanda doucement : « Ne ressentez-vous pas quelque honte à laisser cette terre en friche ? - Je n'ai aucune raison de la cultiver, répondit Adam. Nous en avons déjà parlé. Vous croyiez que je changerais ? Je n'ai pas changé. - Prenez-vous plaisir à souffrir ? demanda Samuel. Vous croyez-vous grand et tragique ? - Je ne sais pas. - Pensez-y. Peut-être jouez-vous un rôle sur une grande scène devant une salle vide. « Un léger agacement perça dans la voix d'Adam : « Pourquoi venez-vous me sermonner ? Je suis content de vous voir, mais pourquoi essayez-vous de scruter en moi ? - Pour voir si la colère n'est pas morte en vous. Je suis un vieux fouineur. Cette terre est en friche, et, à côté de moi, il y a un homme en friche. Je n'aime pas le gaspillage, car je n'ai jamais pu me le permettre. Est-ce agréable de laisser envahir sa vie par le chiendent ? - Que puis-je faire d'autre ? - Faire un nouvel essai. « Adam fit face à Samuel. « J'ai peur d'essayer, dit-il. Je préfère continuer ainsi. Peut-être n'ai-je plus ni force ni courage. - Et vos enfants ? Les aimez-vous ? - Oui... oui. - Aimez-vous l'un plus que l'autre. - Pourquoi dites-vous cela ? - Je ne sais pas quelque chose dans votre voix. - Rentrons «, dit Adam. Ils marchèrent lentement sous les arbres. Soudain Adam demanda : « Avez-vous jamais entendu dire que Cathy fût à Salinas ? Dites, l'avez-vous entendu dire ? - Et vous ? - Oui, mais je ne le crois pas, je ne peux pas le croire. « Samuel marcha silencieusement dans une ornière de la route. Son esprit connaissait la même préoccupation que celui d'Adam et, avec lassitude, il sentit revivre une pensée qu'il croyait morte. Il finit par dire : « Elle ne vous a jamais quitté ? - C'est vrai. Mais j'ai oublié le coup de feu, je n'y repense plus. - Je ne puis vous dire comment vivre votre vie, dit Samuel. Je sais qu'il serait préférable que vous quittiez les souterrains de vos « peut-être « et que vous reveniez à la surface où souffle le vent. Tout en vous parlant, je passe au crible mes souvenirs comme un homme qui tamiserait les balayures sur le plancher d'un bar pour recueillir la poussière d'or qui tombe entre les lames d'un parquet. C'est de l'artisanat, tout au plus. Vous êtes un homme trop jeune pour cribler des souvenirs, Adam, mais vous devriez-vous fabriquer de nouveaux pour qu'un jour la moisson soit plus riche dans le tamis. « Adam avait penché la tête en avant et ses mâchoires saillaient, tant il les serrait. Samuel le regarda furtivement : « C'est cela, dit-il, mordez-y à pleines dents. Comme nous défendons nos erreurs ! Vous dirai-je ce que vous faites, pour que vous ne croyiez pas l'avoir inventé ? Lorsque vous êtes au lit, après avoir soufflé la chandelle, elle apparaît à la porte, une petite lumière derrière elle, et vous voyez sa chemise de nuit remuer légèrement. Elle vient doucement vers votre lit, et vous, retenant votre respiration, vous repoussez les couvertures pour la recevoir et vous glissez votre tête sur l'oreiller pour lui faire de la place. Vous sentez le parfum de sa peau, comparable à nul autre au monde... - Arrêtez ! cria Adam. Nom de Dieu ! Arrêtez. Je vous interdis de fouiller dans ma vie. Vous êtes comme un coyote qui renifle une vache morte.

« « Ne ressentez-vous pasquelque honteàlaisser cetteterre enfriche ? – Je n’aiaucune raisondelacultiver, répondit Adam.Nousenavons déjàparlé.

Vous croyiez quejechangerais ? Jen’ai paschangé. – Prenez-vous plaisiràsouffrir ? demanda Samuel.Vouscroyez-vous grandet tragique ? – Je nesais pas. – Pensez-y.

Peut-êtrejouez-vous unrôle surune grande scènedevant unesalle vide. » Un léger agacement perçadanslavoix d’Adam : « Pourquoi venez-vousmesermonner ? Jesuis content devous voir,mais pourquoi essayez-vous descruter enmoi ? – Pour voirsila colère n’estpasmorte envous.

Jesuis unvieux fouineur.

Cetteterreest en friche, et,àcôté demoi, ilya un homme enfriche.

Jen’aime paslegaspillage, carje n’ai jamais pume lepermettre.

Est-ceagréable delaisser envahir savie par le chiendent ? – Que puis-je faired’autre ? – Faire unnouvel essai. » Adam fitface àSamuel. « J’ai peurd’essayer, dit-il.Jepréfère continuer ainsi.Peut-être n’ai-jeplusniforce ni courage.

– Et vosenfants ? Lesaimez-vous ? – Oui… oui. – Aimez-vous l’unplus quel’autre. – Pourquoi dites-vouscela ? – Je nesais pasquelque chosedansvotre voix. – Rentrons », ditAdam. Ils marchèrent lentementsouslesarbres.

Soudain Adamdemanda : « Avez-vous jamaisentendu direqueCathy fûtàSalinas ? Dites,l’avez-vous entendu dire ? – Et vous ? – Oui, maisjene lecrois pas,jene peux paslecroire. » Samuel marcha silencieusement dansuneornière delaroute.

Sonesprit connaissait la même préoccupation quecelui d’Adam et,avec lassitude, ilsentit revivre unepensée qu’il croyait morte.Ilfinit pardire : « Elle nevous ajamais quitté ? – C’est vrai.Mais j’aioublié lecoup defeu, jen’y repense plus. – Je nepuis vous direcomment vivrevotre vie,ditSamuel.

Jesais qu’il serait préférable que vous quittiez lessouterrains devos « peut-être » etque vous reveniez àla surface où souffle levent.

Toutenvous parlant, jepasse aucrible messouvenirs commeunhomme qui tamiserait lesbalayures surleplancher d’unbarpour recueillir lapoussière d’orqui tombe entreleslames d’unparquet.

C’estdel’artisanat, toutauplus.

Vous êtesun homme tropjeune pourcribler dessouvenirs, Adam,maisvousdevriez-vous fabriquer de nouveaux pourqu’un jourlamoisson soitplus riche dansletamis. » Adam avaitpenché latête enavant etses mâchoires saillaient,tantilles serrait. Samuel leregarda furtivement : « C’est cela,dit-il, mordez-y àpleines dents.Comme nousdéfendons noserreurs ! Vous dirai-je ceque vous faites, pourquevous necroyiez pasl’avoir inventé ? Lorsquevous êtes aulit, après avoirsoufflé lachandelle, elleapparaît àla porte, unepetite lumière derrière elle,etvous voyez sachemise denuit remuer légèrement.

Ellevient doucement vers votre lit,etvous, retenant votrerespiration, vousrepoussez lescouvertures pourla recevoir etvous glissez votretêtesurl’oreiller pourluifaire delaplace.

Voussentez le parfum desapeau, comparable ànul autre aumonde… – Arrêtez ! criaAdam.

NomdeDieu ! Arrêtez.

Jevous interdis defouiller dansmavie. Vous êtescomme uncoyote quirenifle unevache morte.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles