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Fonction et puissance de la presse

Publié le 26/04/2011

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Selon votre préférence, résumez le texte suivant en respectant son mouvement, ou bien analysez-le en distinguant et ordonnant les thèmes et en vous attachant à rendre compte de leurs rapports.    Après ce résumé ou cette analyse, vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.    Fonction et puissance de la presse    ... Il n'y a qu'un journal qui puisse venir déposer au même moment dans mille esprits la même pensée. Les journaux deviennent donc plus nécessaires à mesure que les hommes sont plus égaux et l'individualisme plus à craindre. Ce serait diminuer leur importance que de croire qu'ils ne servent qu'à garantir la liberté; ils maintiennent la civilisation. Je ne nierai point que, dans les pays démocratiques, les journaux ne portent souvent les citoyens à faire en commun des entreprises fort inconsidérées; mais, s'il n'y avait pas de journaux, il n'y aurait presque pas d'action commune. Le mal qu'ils produisent est donc bien moindre que celui qu'ils guérissent.    Un journal n'a pas seulement pour effet de suggérer à un grand nombre d'hommes un même dessein; il leur fournit les moyens d'exécuter en commun les desseins qu'ils auraient conçus d'eux-mêmes... Il arrive souvent, en effet, dans les pays démocratiques, qu'un grand nombre d'hommes qui ont le désir ou le besoin de s'associer ne peuvent le faire, parce qu'étant tous fort petits et perdus dans la foule, ils ne se voient point et ne savent où se trouver. Survient un journal qui expose aux regards le sentiment ou l'idée qui s'était présentée simultanément, mais séparément, à chacun d'entre eux. Tous se dirigent aussitôt vers cette lumière, et ces esprits errants, qui se cherchaient depuis longtemps dans les ténèbres, se rencontrent enfin et s'unissent. Le journal les a rapprochés, et il continue à leur être nécessaire pour les tenir ensemble.    Pour que chez un peuple démocratique une association ait quelque puissance, il faut qu'elle soit nombreuse. Ceux qui la composent sont donc disséminés sur un grand espace, et chacun d'eux est retenu dans le lieu qu'il habite par la médiocrité de sa fortune et par la multitude des petits soins qu'elle exige. Il leur faut trouver un moyen de se parler tous les jours sans se voir, et de marcher d'accord sans s'être réunis. Ainsi il n'y a guère d'association démocratique qui puisse se passer d'un journal...    C'est le fractionnement extraordinaire du pouvoir administratif, bien plus encore que la grande liberté politique et l'indépendance absolue de la presse, qui multiplie si singulièrement le nombre des journaux en Amérique. Si tous les habitants de l'Union étaient électeurs, sous l'empire d'un système qui bornerait leur droit électoral au choix des législateurs de l'État, ils n'auraient besoin que d'un petit nombre de journaux, parce qu'ils n'auraient que quelques occasions très importantes, mais très rares, d'agir ensemble; mais, au-dedans de la grande association nationale, la loi a établi dans chaque province, dans chaque cité, et pour ainsi dire dans chaque village, de petites associations ayant pour objet l'administration locale. Le législateur a forcé de cette manière chaque Américain de concourir journellement avec quelques-uns de ses concitoyens à une œuvre commune, et il faut à chacun d'eux un journal pour lui apprendre ce que font les autres...    J'attribuerais également la puissance croissante des journaux à des raisons plus générales que celles dont on se sert souvent pour l'expliquer.    Un journal ne peut subsister qu'à la condition de reproduire une doctrine ou un sentiment commun à un grand nombre d'hommes. Un journal représente donc toujours une association dont ses lecteurs habituels sont les membres. Cette association peut être plus ou moins définie, plus ou moins étroite, plus ou moins nombreuse; mais elle existe au moins en germe dans les esprits, par cela seul que le journal ne meurt pas.    Ceci nous mène à une dernière réflexion qui terminera ce chapitre. Plus les conditions deviennent égales, moins les hommes sont individuellement forts, plus ils se laissent aisément aller au courant de la foule et ont de peine à se tenir seuls dans une opinion qu'elle abandonne. Le journal représente l'association; l'on peut dire qu'il parle à chacun de ses lecteurs au nom de tous les autres, et il les entraîne d'autant plus aisément qu'ils sont individuellement plus faibles.    L'empire des journaux doit donc croître à mesure que les hommes s'égalisent.    Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique.

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