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Frédéric Gaussen, Le monde

Publié le 27/04/2011

Extrait du document

Il y a plusieurs façons d'entendre le mot « génération «. Il peut désigner les gens ayant eu une expérience historique commune particulièrement frappante. Ainsi parle-t-on de la génération de la guerre de 1914, ou de la Résistance, ou de celle de Mai 1968. On peut aussi identifier une génération à une classe d'âge : tous les gens ayant eu 20 ans dans les années 50 ou 70. On peut enfin penser à l'expérience familiale : la génération des enfants, par opposition à celle des parents et des grands-parents. Trois approches qui entraînent en fait des définitions et des contenus bien différents.    Pour qu'un événement crée une génération, il faut qu'il ait un caractère global (qu'il touche pratiquement tous les individus d'un même âge), qu'il soit assez prolongé pour avoir le temps de marquer, et suffisamment éprouvant pour que chacun ait de bonnes raisons de s'en souvenir. C'est pourquoi une guerre fait particulièrement bien l'affaire... Il faut aussi que « cet événement fondateur « fasse l'objet ensuite d'une célébration collective, que son souvenir soit entretenu et magnifié. C'est l'interprétation posthume de l'événement qui fait une génération, plus que l'événement lui-même. Ainsi peut-on parler de génération pour les acteurs de la guerre de 1914, mais non pas pour la guerre de 1939-45 (sauf pour la tranche très minoritaire de ceux qui ont participé à la Résistance) ou à la guerre d'Algérie. Dans ces deux derniers cas, la mauvaise conscience nationale provoquée par ces événements a entraîné un effet d'oubli, de gommage volontaire. Loin de se regrouper pour exalter les souvenirs communs, les survivants s'évitent et se taisent.    La génération à caractère sociologique est, à l'inverse, beaucoup plus vaste et englobe à la limite, tous les individus nés à une même époque, et ayant eu les mêmes expériences scolaires et enfantines. Plus tard, ils s'apercevront qu'il y a entre eux une relation invisible faite du même air respiré, d'émotions partagées à l'écoute des mêmes airs, au souvenir des mêmes danses et des mêmes coiffures. « De notre temps... « c'est-à-dire lorsque nous étions jeunes ensemble, lorsqu'on vibrait aux mêmes choses, qu'on pleurait devant les mêmes visages. Ce sont des souvenirs ténus, impalpables, mais plus importants que toutes les professions de foi. Ceux auxquels on tient plus que tout parce qu'ils nous ont fait ce que nous sommes.    L'homogénéisation des sociétés modernes (...) ne peut évidemment que renforcer cet effet de génération-là... Transportés par les médias à travers les frontières, les mots de passe et les signes de connivence réunissent les jeunes du monde entier dans des émotions commîmes. Mêmes airs, mêmes danses, mêmes vêtements, mêmes révoltes, mêmes rêves...    Cet ensemble d'expériences liées à la vie personnelle, à la conduite quotidienne, est bien ce qui forge une génération, et lui permet d'affirmer son identité face à celles qui précèdent. C'est là que se situe le nœud des fameux « conflits de générations « qui rythment l'évolution des sociétés. Les études... sur les relations parents-enfants montrent que les opinions des uns et des autres diffèrent relativement peu sur la politique et la religion. Là, l'héritage fonctionne bien. En revanche, le divorce est certain pour la morale personnelle et les attitudes culturelles. Et les différences vont toujours dans le même sens : celui d'une plus grande permissivité chez les jeunes.    Ainsi, contrairement à ce qu'on pense souvent, ce n'est pas sur le terrain le plus idéologique (la politique ou la religion) que se situent les ruptures entre les générations, mais sur celui considéré comme le plus important par les jeunes eux-mêmes : la façon de vivre, le rapport avec le corps, la manifestation des sentiments. C'est sur ce terrain que se construit l'identité d'une génération et que les parents cessent d'être des initiateurs et des modèles pour devenir des gêneurs, parfois des adversaires.    Frédéric Gaussen, Le monde, 16 novembre 1981.    Vous ferez de ce texte à votre choix un résumé (en suivant le fil du développement) ou une analyse (en mettant en relief la structure logique de la pensée, sans vous attacher à l'ordre linéaire du texte).    Vous choisirez dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé, vous en préciserez les données et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une conclusion.   

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