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G. GUSDORF, La vertu de force

Publié le 21/06/2012

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De la violence

« La paix, affirme Spinoza, n'est pas l'absence de la guerre, mais

une vertu qui naît de la force de l'âme «.La non-violence authentique

est toujours démonstration de force ; elle affirme à sa manière une sorte

de confiance désespérée dans la sagesse humaine : Gandhi finit par tomber,

victime d'un de ses compatriotes fanatiques, et cette mort dément

sa foi en la consacrant, puisqu'elle lui permet de réaliser jusqu'au bout

l'idéal du juste souffrant. La violence a eu le dernier mot, ou du moins

l'avant-dernier, car l'exemple reste, et l'enseignement de ce« fakir maigre

et nu «, méprisé par Churchill au temps des premières luttes pour

la libération de l'Inde. La non-violence n'est pas une fin en soi, pas

plus d'ailleurs que le respect de la vie : ce qui compte d'abord, c'est

la justice et la vérité, dont la cause doit être maintenue avec la fermeté

qui convient. Le juste, capable de donner sa vie pour ses amis, capable

aussi de se faire violence,

« RÉSUMÉ QUESTIONS DE VOCABULAIRE DISCUSSION l'avant-dernier, car l'exemple reste, et l'enseignement de ce« fakir mai­ gre et nu », méprisé par Churchill au temps des premières luttes pour la libération de l'Inde.

La non-violence n'est pas une fin en soi, pas plus d'ailleurs que le respect de la vie : ce qui compte d'abord, c'est la justice et la vérité, dont la cause doit être maintenue avec la fermeté qui convient.

Le juste, capable de donner sa vie pour ses amis, capable aussi de se faire violence, si besoin est, pour se ramener dans le droit chemin, ne respecte pas comme une idole des règles de non-intervention, et saura aussi bien traiter son prochain comme il se traite lui-même.

Il faut éviter de se faire du respect une idée superstitieuse, comme s'il dessinait autour de chaque être une zone neutre, inviolable quoi qu'il arrive.

Il y a sans doute un droit d'asile de chacun chez soi, comme aussi un droit d'hospitalité et d'accueil qui ne peut être forcé.

Mais la rencontre d'autrui suppose le refus de ce no man's land dont cha­ cun serait le prisonnier, et le souci même de servir des valeurs implique une attitude de sympathie active et non d'indifférente neutralité.

On connaît l'histoire espagnole de ce courtisan puni pour avoir, violant les interdits de l'étiquette, porté la main sur la reine qu'un cheval emballé entraînait à la catastrophe.

Le prochain ne mérite pas plus de respect que la reine d'Espagne, et, devant quelqu'un qui se trompe ou se perd, la non-intervention est l'attitude même de l'infidélité.

La non­ violence est une utopie, parce que, dans la vie en commun, il faut tou­ jours faire violence à quelqu'un, et chaque homme tue la femme qu'il aime, comme dit Oscar Wilde dans la « Ballade de la prison de Rea­ ding ».

A bien plus forte raison ne faut-il pas respecter la bêtise, ni le mal établi, ni l'erreur ou la violence.

Il est des situations extrêmes où, pour· l'honneur du genre humain, l'insurrection devient un devoir sacré.

C'est ainsi que se dessine la possibilité d'une bonne violence à côté de la mauvaise.

La pédagogie libertaire de l'éducation sans contrainte ni punition a partout abouti à un échec : elle se faisait une idée utopi­ que du respect de l'enfant, qui a besoin en fait d'être conduit, de sen­ tir s'exercer sur soi une autorité réelle et qui, s'il n'a pas eu de père, risque fort de gâcher sa vie à la poursuite des paternités les plus abusi­ ves.

La recherche de la violence pour la violence est à coup sûr néfaste, et les bourreaux d'enfants font horreur.

Mais il est une violence péda­ gogique, non étrangère à l'amour, et qui d'ailleurs rapproche au lieu de séparer :l'enfant a besoin d'affection et de sécurité, ce qui n'exclut pas une gifle à l'occasion, ou une punition, pourvu que le rapport pro­ fond reste intact, qui le lie à ses parents.

Et nous sommes tous là-dessus restés enfants ; dans nos relations avec autrui, la violence aussi est un langage, l'attestation d'une sincérité, la recherche d'un contact plus authentique par-delà la rupture du statu quo, une sorte d'invocation désespérée de la personne à la personne.

La hâte, l'impatience peuvent avoir une vertu à la fois libératrice et éducatrice, non pas en deçà du respect, mais au-delà ; elles peuvent être les agents de réalisation de la générosité, et Jésus lui-même promettait aux violents le royaume de Dieu.. »

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