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hésitant que la guillotine (dont il a prétendu dans ses factums qu'elle travaille trop lentement) exerce son office : out au plus deux ou trois misérables têtes par jour, ce qui est véritablement une bagatelle, en comparaison des récédentes fêtes nationales de la plaine des Brotteaux.

Publié le 30/10/2013

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hésitant que la guillotine (dont il a prétendu dans ses factums qu'elle travaille trop lentement) exerce son office : out au plus deux ou trois misérables têtes par jour, ce qui est véritablement une bagatelle, en comparaison des récédentes fêtes nationales de la plaine des Brotteaux. Par contre, il dirige brusquement toute son énergie contre les extrémistes, contre les organisateurs de ses propres fêtes et les exécuteurs de ses propres commandements : le Saül révolutionnaire devient soudain un saint Paul humanitaire. Il se dresse carrément ontre le parti opposé, il voit dans les amis de Chalier une « arène d'anarchistes et de révoltés « ; il dissout rusquement une ou deux douzaines de comités révolutionnaires. Et il se produit alors quelque chose de très remarquable : la population de Lyon angoissée et mortellement effrayée voit, tout à coup, son sauveur dans Fouché, le héros des mitraillades. Et les révolutionnaires de Lyon, à leur tour, écrivent une série de lettres furieuses, l'accusent de tiédeur, de trahison et d' « oppression des patriotes «. Ces volte-face hardies, ces façons sans pudeur de passer en plein jour dans le camp adverse, cette manière de se réfugier auprès du vainqueur sont le secret de Fouché, dans les luttes de la Révolution. Elles seules lui ont sauvé la vie. Il a misé sur les deux tableaux. Si, maintenant, il est accusé à Paris de clémence excessive, il peut se prévaloir du millier de tombes et des façades détruites de Lyon. Si, au contraire, on l'accuse d'être un massacreur, il peut mettre en avant les accusations des Jacobins qui lui reprochent son « modérantisme «, sa modération trop grande. Il peut, suivant le côté d'où vient le vent, sortir de sa poche droite une preuve de son inexorabilité, et de sa poche gauche une preuve de son humanité ; il peut désormais se présenter aussi bien comme le bourreau que comme le sauveur de Lyon. Et, en fait, grâce à ce tour d'habile prestidigitation, il réussira plus tard à faire peser toute la responsabilité des massacres sur son collègue, plus ouvert et plus droit, Collot d'Herbois. Mais il ne réussira à tromper que la postérité : à Paris, veille implacablement Robespierre, son ennemi, qui ne peut pas lui pardonner d'avoir supplanté à Lyon son homme de confiance, Couthon. Il connaît, depuis la Convention, cet être de duplicité ; il poursuit, l'Incorruptible, tous les changements de front et toutes les manoeuvres de Fouché, qui maintenant s'empresse de s'abriter contre l'ouragan. Or, la méfiance de Robespierre a des griffes de fer, auxquelles on n'échappe pas. Le 12 Germinal, il arrache au Comité de Salut public un décret menaçant, qui ordonne à Fouché de se rendre aussitôt à Paris, pour justifier sa conduite à Lyon. Celui qui, pendant trois mois, a cruellement présidé un tribunal est obligé maintenant de comparaître lui-même devant un tribunal. Devant un tribunal, et pourquoi donc ? Parce qu'il a fait massacrer en trois mois deux mille Français ? On pourrait supposer que c'est comme collègue de Carrier et des autres bourreaux en série. Mais ce n'est qu'alors qu'on reconnaît le génie politique de la volte-face de Fouché, d'une impudeur stupéfiante : non ; il a à se disculper d'avoir opprimé l'extrémiste « Société populaire «, d'avoir persécuté les patriotes jacobins. Le « mitrailleur de Lyon «, l'exécuteur de deux mille victimes, est accusé (inoubliable farce de l'histoire !) du plus noble délit que connaisse le genre humain, - d'un excès d'humanité.   III   La lutte avec Robespierre   1794 Le 3 avril, Joseph Fouché est informé que le Comité de Salut public lui ordonne de se rendre à Paris pour se ustifier ; le 5, il monte en voiture. Seize coups sourds accompagnent son départ, seize déclics de la guillotine ui, pour la dernière fois, accomplit, sur son ordre, son tranchant office. Et encore, ce jour-là, deux toutes dernières condamnations sont prononcées en hâte, deux condamnations très étranges, car les deux attardés du rand massacre, qui doivent cracher leur tête dans le panier (suivant la joviale expression du temps), qui sont-ils onc ? Le bourreau de Lyon et son aide en personne. Ceux-là mêmes qui, sur les ordres de la réaction, ont uillotiné Chalier et ses amis, qui, ensuite, sur les ordres de la Révolution, ont guillotiné, avec sérénité, les éactionnaires par centaines, doivent maintenant passer, eux aussi, sous le couperet. Avec la meilleure volonté, n ne peut découvrir clairement dans les dossiers du tribunal quel crime leur est reproché ; probablement ne ont-ils sacrifiés que pour qu'ils ne puissent raconter aux successeurs de Fouché et à la postérité trop de choses ur Lyon. Les morts sont encore ceux qui gardent le mieux le silence. uis la voiture se met en marche. Fouché doit réfléchir à toutes sortes de choses, avant d'arriver à Paris. Du moins, il peut se dire, à titre de consolation, que rien encore n'est perdu ; il a à la Convention plus d'un ami influent, surtout le grand adversaire de Robespierre, Danton : peut-être réussira-t-on à faire échec à cet homme terrible. Mais comment pourrait-il deviner, lui, Fouché, que dans ces heures fatidiques de la Révolution les événements vont beaucoup plus vite que les roues d'une diligence sur la route de Lyon à Paris ; que déjà depuis deux jours son ami intime Chaumette est en prison, que la géante tête de lion de Danton a été la veille poussée par Robespierre sous le couperet de la guillotine, qu'aujourd'hui même Condorcet, le chef spirituel de la droite, erre affamé dans les environs de Paris, et que le lendemain, pour échapper au tribunal, il s'empoisonnera ? Tous ont été abattus par un seul homme et précisément cet homme, Robespierre, est l'ennemi politique le plus acharné de Fouché ; ce n'est qu'à son arrivée à Paris, le 8 au soir, que celui-ci apprend toute l'étendue du péril au-devant duquel il vient d'accourir. Dieu sait combien il a dû peu dormir, la première nuit de son retour à Paris, le proconsul Joseph Fouché ! Dès le lendemain, il se rend à la Convention, attendant avec impatience l'ouverture de la séance. Chose étrange, la vaste salle ne semble pas vouloir se remplir ; la moitié, oui, plus de la moitié des places restent vides. À coup sûr, il doit y avoir plusieurs députés en mission ou occupés ailleurs ; mais quel vide singulier là-bas, à droite, où siégeaient autrefois les chefs, les Girondins, ces magnifiques orateurs de la Révolution ! Où sont-ils donc ? Les vingt-deux plus hardis, Vergniaud, Brissot, Piéton, etc., ont fini sur l'échafaud, ou bien se sont réfugiés dans le suicide, ou encore ont été, dans leur fuite, dévorés par les loups. La majorité a proscrit soixante-trois de leurs amis qui avaient osé les défendre ; d'un seul coup, d'un coup terrible, Robespierre s'est débarrassé d'une centaine de ses adversaires de droite. Mais son poing n'a pas frappé avec moins d'énergie les propres rangs de la « Montagne «, Danton, Desmoulins, Chabot, Hébert, Fabre d'Églantine, Chaumette et deux douzaines d'autres, - tous ceux qui s'étaient levés contre sa volonté, contre sa vanité dogmatique, il les a précipités dans la fosse à chaux. Tous ont été supprimés par cet homme sans apparence, ce petit homme maigre - à la figure terne et bilieuse, au front bas et fuyant, aux yeux myopes couleur d'eau, - qu'avaient caché longtemps derrière elles les silhouettes géantes de ses prédécesseurs. La faux du temps lui a ouvert la voie : depuis que Mirabeau, Marat, Danton, Desmoulins, Vergniaud, Condorcet sont tombés, c'est-à-dire le tribun, l'agitateur, le guide, l'écrivain, l'orateur et le penseur de la jeune république, il est désormais tout cela à lui seul ; il est Pontifex maximus, dictator et triumphator. Fouché regarde avec inquiétude son adversaire, autour duquel maintenant tous les serviles députés se pressent avec un respect ostentatoire et qui accepte ces hommages avec une impassibilité inébranlable ; drapé dans sa « Vertu « qui lui sert de cuirasse, inaccessible, impénétrable, l'Incorruptible parcourt l'arène d'un oeil de myope, avec la fière conscience que plus personne maintenant n'osera s'élever contre sa volonté. Mais quelqu'un l'ose, cependant ; quelqu'un qui n'a plus rien à perdre, Joseph Fouché, et qui demande la parole pour justifier sa conduite à Lyon. Cette demande de justification devant la Convention est un défi au Comité de Salut public, car ce n'est pas la Convention, mais le Comité, qui désire de lui des explications. Mais lui s'adresse à l'Assemblée des représentants de la nation, comme étant l'instance la plus haute et la seule véritable. L'audace de cette demande est indéniable ; néanmoins, le président lui donne la parole. D'ailleurs Fouché n'est pas le premier venu ; on a cité trop souvent son nom dans cette salle : ses mérites, ses rapports, ses actes ne sont pas encore oubliés. Fouché monte à la tribune et lit un long exposé. L'Assemblée écoute, sans l'interrompre, sans un signe d'applaudissement ou de désapprobation. Même à la fin du discours, pas une main ne bouge, car la Convention est devenue timorée. Une année de guillotine a ôté tout courage moral à ces hommes. Ceux qui, autrefois, s'abandonnaient librement à leur conviction comme à une passion, qui se jetaient bruyamment, hardiment et

«   III   La lutte avecRobespierre   1794 Le 3avril, Joseph Fouché estinformé queleComité deSalut public luiordonne deserendre àParis pourse justifier ; le5, ilmonte envoiture.

Seizecoups sourds accompagnent sondépart, seizedéclics delaguillotine qui, pour ladernière fois,accomplit, surson ordre, sontranchant office.Etencore, cejour-là, deuxtoutes dernières condamnations sontprononcées enhâte, deuxcondamnations trèsétranges, carlesdeux attardés du grand massacre, quidoivent cracherleurtêtedans lepanier (suivant lajoviale expression dutemps), quisont-ils donc ? Lebourreau deLyon etson aide enpersonne.

Ceux-làmêmesqui,surlesordres delaréaction, ont guillotiné Chalieretses amis, qui,ensuite, surlesordres delaRévolution, ontguillotiné, avecsérénité, les réactionnaires parcentaines, doiventmaintenant passer,euxaussi, souslecouperet.

Aveclameilleure volonté, on nepeut découvrir clairement danslesdossiers dutribunal quelcrime leurestreproché ; probablement ne sont-ils sacrifiés quepour qu’ils nepuissent raconter auxsuccesseurs deFouché etàla postérité tropdechoses sur Lyon.

Lesmorts sontencore ceuxquigardent lemieux lesilence. Puis lavoiture semet enmarche.

Fouchédoitréfléchir àtoutes sortesdechoses, avantd’arriver àParis.

Du moins, ilpeut sedire, àtitre deconsolation, querien encore n’estperdu ; ilaà la Convention plusd’un ami influent, surtoutlegrand adversaire deRobespierre, Danton :peut-être réussira-t-on àfaire échec àcet homme terrible.

Maiscomment pourrait-il deviner,lui,Fouché, quedans cesheures fatidiques delaRévolution les événements vontbeaucoup plusviteque lesroues d’une diligence surlaroute deLyon àParis ; quedéjà depuis deux jours sonami intime Chaumette estenprison, quelagéante têtedelion deDanton aété laveille poussée par Robespierre souslecouperet delaguillotine, qu’aujourd’hui mêmeCondorcet, lechef spirituel deladroite, erre affamé danslesenvirons deParis, etque lelendemain, pouréchapper autribunal, ils’empoisonnera ? Tous ont étéabattus parunseul homme etprécisément cethomme, Robespierre, estl’ennemi politique leplus acharné deFouché ; cen’est qu’àsonarrivée àParis, le8au soir, quecelui-ci apprend toutel’étendue dupéril au-devant duquelilvient d’accourir.

Dieusaitcombien iladû peu dormir, lapremière nuitdeson retour àParis, le proconsul JosephFouché ! Dès lelendemain, ilse rend àla Convention, attendantavecimpatience l’ouverturedelaséance.

Choseétrange, la vaste sallenesemble pasvouloir seremplir ; lamoitié, oui,plus delamoitié desplaces restent vides.Àcoup sûr, ildoit yavoir plusieurs députésenmission ouoccupés ailleurs ; maisquelvidesingulier là-bas,àdroite, où siégeaient autrefoisleschefs, lesGirondins, cesmagnifiques orateursdelaRévolution ! Oùsont-ils donc ?Les vingt-deux plushardis, Vergniaud, Brissot,Piéton,etc.,ontfini surl’échafaud, oubien sesont réfugiés dansle suicide, ouencore ontété, dans leurfuite, dévorés parlesloups.

Lamajorité aproscrit soixante-trois deleurs amis quiavaient osélesdéfendre ; d’unseulcoup, d’uncoup terrible, Robespierre s’estdébarrassé d’une centaine deses adversaires dedroite.

Maissonpoing n’apas frappé avecmoins d’énergie lespropres rangsdela « Montagne », Danton,Desmoulins, Chabot,Hébert,Fabred’Églantine, Chaumetteetdeux douzaines d’autres, – tous ceux quis’étaient levéscontre savolonté, contresavanité dogmatique, illes aprécipités danslafosse à chaux. Tous ontétésupprimés parcethomme sansapparence, cepetit homme maigre–àla figure terneetbilieuse, au front basetfuyant, auxyeux myopes couleurd’eau,–qu’avaient cachélongtemps derrièreelleslessilhouettes géantes deses prédécesseurs.

Lafaux dutemps luiaouvert lavoie : depuis queMirabeau, Marat,Danton, Desmoulins, Vergniaud,Condorcetsonttombés, c’est-à-dire letribun, l’agitateur, leguide, l’écrivain, l’orateuret le penseur delajeune république, ilest désormais toutcelaàlui seul ; ilest Pontifex maximus, dictatoret triumphator.

Fouchéregarde avecinquiétude sonadversaire, autourduquel maintenant touslesserviles députés se pressent avecunrespect ostentatoire etqui accepte ceshommages avecuneimpassibilité inébranlable ; drapé dans sa« Vertu » quiluisert decuirasse, inaccessible, impénétrable, l’Incorruptible parcourtl’arèned’unoeilde myope, aveclafière conscience queplus personne maintenant n’oseras’élever contresavolonté. Mais quelqu’un l’ose,cependant ; quelqu’unquin’aplus rienàperdre, JosephFouché, etqui demande laparole pour justifier saconduite àLyon. Cette demande dejustification devantlaConvention estundéfi auComité deSalut public, carcen’est pasla Convention, maisleComité, quidésire delui des explications.

Maisluis’adresse àl’Assemblée desreprésentants de lanation, comme étantl’instance laplus haute etlaseule véritable.

L’audacedecette demande est indéniable ; néanmoins,leprésident luidonne laparole.

D’ailleurs Fouchén’estpaslepremier venu ;onacité trop souvent sonnom dans cette salle : sesmérites, sesrapports, sesactes nesont pasencore oubliés.

Fouché monte àla tribune etlit un long exposé.

L’Assemblée écoute,sansl’interrompre, sansunsigne d’applaudissement oudedésapprobation.

Mêmeàla fin dudiscours, pasune main nebouge, carlaConvention est devenue timorée.

Uneannée deguillotine aôté tout courage moralàces hommes.

Ceuxqui,autrefois, s’abandonnaient librementàleur conviction commeàune passion, quisejetaient bruyamment, hardimentet. »

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