Devoir de Philosophie

Jean Onimus, L'École n° 17, 9 juin 1973 (texte)

Publié le 28/03/2011

Extrait du document

Partie du programme abordée : Problème de société.    Conseils pratiques : Résumé assez simple (hormis le dernier paragraphe, dense et « touffu «). Discussion : il faut se méfier des développements « hors sujet « (ne pas traiter des « difficultés morales « en soi : on doit les lier aux facilités « matérielles «). On pourra aussi se demander si cette « commodité « est partagée équitablement par tous (le texte date de 1973).    Difficulté du sujet : **    Sujet    Contraction de texte    Si l'on définit la violence comme l'emploi de moyens d'actions qui portent atteinte à l'intégrité physique, psychique ou morale, on peut dire que la société moderne, sous ses allures les plus démocratiques ou les plus libérales, est une société violente. Certes, aucune société ne peut laisser libre cours à l'irruption sauvage des pulsions et des instincts ; la vie sociale impose l'apprentissage d'une discipline. Mais lorsque le dressage est trop parfait, à la fois totalitaire et insidieux, on assiste à une aliénation (1) qui, pour être discrète, voire invisible, n'en est pas moins profonde (...) il suffit de songer aux effets traumatisants de la publicité, au conditionnement des cerveaux par les propagandes et des sensibilités par l'impact incessant des images, à l'influence de ces systèmes d'émulation et de compétition établis du haut en bas de la société. L'énergie vitale est ingénieusement canalisée, exploitée en vue du rendement. L'individu est manipulé sans qu'il s'en aperçoive et lentement privé de l'espace vital indispensable à son autonomie.    À cette violence feutrée et sophistiquée, il faut lier, comme sa conséquence, un autre comportement tout à fait typique de notre temps : c'est l'indifférence.    Car l'indifférence (le manque de réaction affective, c'est-à-dire d'émotion, de colère ou de tendresse) est une forme de violence fort répandue dans nos sociétés industrialisées où les relations sont plus techniques qu'humaines, où le décor, bien que fonctionnel et commode (ou peut-être à cause de cela), manque d'âme, n'éveille ni sympathie ni joie de vivre. Les hommes, marqués par ce décor, sont aussi froids que lui. On a signalé, par exemple, la passivité croissante des gens devant les accidents d'automobile : d'une part, ils ont été, dès l'enfance, saturés d'images cruelles et, pour ainsi dire, saturés de sang ; ils ont acquis ainsi une insensibilité que favorise, d'autre part, le cadre entièrement mécanisé et rationalisé de la vie urbaine. Le monde très dur dans lequel nous vivons risque de nous rendre, à son image, durs et sans cœur.    La civilisation organisée, rationnelle, que nous sommes en train de construire se montre d'autant plus pénible à vivre au point de vue moral qu'elle devient plus riche et plus commode sur le plan matériel. Elle développe alors son antidote, qui est une culture brutale. La sensibilité et l'imagination, brimées par l'expérience quotidienne, cherchent une compensation dans l'imaginaire et dans l'irréel. Alors, dans nos avenues, au milieu des buildings qui consacrent la puissance de notre génie, on voit d'immondes officines où la technique se met au service des instincts les plus élémentaires ; à côté, voici des cinémas où la violence animale que le décor humain prétend ignorer s'étale en images d'un cynisme sans limites. Non loin de là, voici des galeries d'art où, sous les formes les plus variées, parfois admirables et émouvantes, des gens ont tenté d'exprimer leur révolte et leur désespoir. Les violences qui ont pour causes des distorsions (2) économiques et sociales sont, à plus ou moins brève échéance, guérissables et, d'ailleurs, en voie de guérison. Mais il est dans la nature même du progrès technique, tel qu'il est actuellement pratiqué, de développer un type nouveau d'agression qui nous atteint au plus profond de notre être : en le frustrant de satisfactions qui lui sont indispensables, on réveille Je sauvage dans le civilisé.    Jean Onimus, L'École n° 17, 9 juin 1973.    (1) Aliénation : dépossession de soi-même au profit d'une chose extérieure.    (2) Distorsions : déséquilibres qui engendrent des injustices.    Résumé (8 points)    Vous résumerez ce texte en 150 mots, une marge de 10 % en plus ou en moins est autorisée. Vous indiquerez obligatoirement sur votre copie le nombre de mots de votre résumé.    Vocabulaire (2 points)    Expliquez les deux expressions :    - « dressage totalitaire et insidieux «,    - « systèmes d'émulation «.    Discussion (10 points)    Pensez-vous, comme l'auteur, que « la civilisation organisée, rationnelle, que nous sommes en train de construire se montre d'autant plus pénible à vivre au point de vue moral qu'elle devient plus riche et plus commode sur le plan matériel « ?    Justifiez votre point de vue en vous appuyant sur des exemples précis.   

Liens utiles