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John LOCKE (1632-1677) Le problème de Molyneux Il faut [.

Publié le 21/10/2016

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John LOCKE (1632-1677) Le problème de Molyneux Il faut [...] observer, concernant la perception, que souvent les idées reçues par la sensation sont, chez les adultes, modifiées par le jugement, sans qu'on le remarque. Quand on met devant les yeux un globe rond de couleur uniforme (par exemple d'or, d'albâtre ou de jais), il est certain que l'idée imprimée ainsi dans l'esprit est celle d'un cercle plat diversement ombragé, avec plusieurs niveaux de luminosité et de brillance parvenant à l'œil. Mais à la longue nous nous sommes habitués à percevoir quel type de manifestation les corps convexes produisent habituellement sur nous, quelles transformations sont produites sur les reflets lumineux par la variation de forme sensible des corps ; d'où le jugement, par habitude acquise, transforme aussitôt les manifestations en leurs causes ; de sorte que, saisissant la forme dans ce qui n'est en réalité qu'ombres et couleurs variées, le jugement prend cette réalité pour une marque de la forme et il se donne la perception d'une forme convexe de couleur uniforme, alors que l'idée que nous en recevons n'est que celle d'une surface diversement colorée, ce qui est évident en peinture. À ce propos, j'introduirai ici un problème posé par le docte et éminent Molyneux, qui promeut avec intelligence et application l'authentique savoir ; il a bien voulu m'envoyer il y a quelques mois la lettre que voici : Supposez un homme né aveugle puis devenu maintenant adulte ; par le toucher il a appris à distinguer un cube et une sphère du même métal et approximativement de la même taille, de sorte qu'il arrive à dire quand il sent l'un et l'autre, quel est le cube et quelle est la sphère. Supposez ensuite qu'on place le cube et la sphère sur une table et que l'aveugle soit guéri. Question : est-ce que par la vue, avant de les toucher, il pourra distinguer et dire quel est le globe et quel est le cube ? À cette question, le questionneur précis et judicieux répond : Non, car bien qu'il ait acquis l'expérience de la façon dont un globe et un cube affectent son toucher, il n'est pas encore parvenu à l'expérience que ce qui affecte de telle manière son toucher doit affecter de telle manière sa vision ; ou qu'un angle saillant du cube qui a appuyé sur sa main de façon inégale apparaîtra à son œil comme il le fait avec le cube. Je rejoins cet homme de réflexion, que je suis fier d'appeler mon ami, dans sa réponse à son problème : je suis d'avis que l'aveugle ne sera pas capable, à la première vision, de dire avec certitude quel est le globe et quel est le cube, s'il les voit seulement, alors qu'il pourrait sans erreur les nommer d'après le toucher et les distinguer avec certitude par la différence des figures ressenties. J'ai cité ce problème et je le livre à mon lecteur comme une occasion de noter ce qu'il doit à l'expérience, au progrès et aux notions acquises là même où il estime n'en avoir jamais bénéficié ni reçu d'aide. D'autant plus que cette personne observatrice ajoute encore qu' à l'occasion de ce livre, il a posé ce problème à diverses personnes très ingénieuses et il n'en a guère rencontré qui lui ait donné d'emblée la réponse qui lui paraît vraie, avant d'être convaincue en entendant ses raisons. 00020000007000000C9F6B,Essai sur l'entendement humain, Livre II, chap. 9, § 8, trad. J.-M. Vienne, Paris, Vrin, 2001, p. 236-238.
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« Non, car bien qu'il ait acquis l'exp?rience de la fa?on dont un globe et un cube affectent son toucher, il n'est pas encore parvenu ? l'exp?rience que ce qui affecte de telle mani?re son toucher doit affecter de telle mani?re sa vision?; ou qu'un angle saillant du cube qui a appuy? sur sa main de fa?on in?gale appara?tra ? son ?il comme il le fait avec le cube. Je rejoins cet homme de r?flexion, que je suis fier d'appeler mon ami, dans sa r?ponse ? son probl?me?: je suis d'avis que l'aveugle ne sera pas capable, ? la premi?re vision, de dire avec certitude quel est le globe et quel est le cube, s'il les voit seulement, alors qu'il pourrait sans erreur les nommer d'apr?s le toucher et les distinguer avec certitude par la diff?rence des figures ressenties.

J'ai cit? ce probl?me et je le livre ? mon lecteur comme une occasion de noter ce qu'il doit ? l'exp?rience, au progr?s et aux notions acquises l? m?me o? il estime n'en avoir jamais b?n?fici? ni re?u d'aide.

D'autant plus que cette personne observatrice ajoute encore qu' ? l'occasion de ce livre, il a pos? ce probl?me ? diverses personnes tr?s ing?nieuses et il n'en a gu?re rencontr? qui lui ait donn? d'embl?e la r?ponse qui lui para?t vraie, avant d'?tre convaincue en entendant ses raisons. 00020000007000000C9F6B,Essai sur l'entendement humain, Livre II, chap.

9, ? 8, trad.

J.-M.

Vienne, Paris, Vrin, 2001, p.

236-238.. »

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