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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 --Êtes-vous fou? répliqua Crillon. --Monsieur, il faut faire respecter la signature du roi. --Harnibieu! s'écria Crillon, vous voilà bien, vous autres gens de robe, qui vous croyez soldats parce que vous nous regardez faire la guerre. Donner un homme au prévôt parce qu'il a pris des canards.... --Et brûlé ... interrompit Rosny. --Une grange, nous le savons. Et c'est loi, dit-il à la Ramée, qui réclamais ce châtiment pour mon garde? --Oui, dit la Ramée, fort ému de ce subit tutoiement de Crillon; mais l'orgueil parla encore plus haut que l'instinct de la conservation. --Et l'on t'offrait cent pistoles de rançon? --Oui, continua la Ramée d'un demi-ton plus bas. --Eh bien! dit Crillon en s'approchant de lui les mains derrière le dos, avec un sourcil hérissé comme sa moustache, je vais te faire une autre proposition, moi, et je gage que tu ne réclameras pas après l'avoir entendue. M. de Rosny, que voilà, est un philosophe, un habile homme en fait de mots et d'articles. Il a eu la patience de t'écouter, à ce qu'il paraît, et vous vous êtes entendus et il t'a prêté mon prévôt, car c'est le mien. Moi, je vais te le donner tout à fait. Regarde un peu la belle branche de tilleul; dans trois minutes tu y vas être accroché, si dans deux tu n'as pas regagné ta tanière. --Morbleu! s'écria la Ramée épouvanté, je suis gentilhomme, et vous oubliez qu'au-dessus de vous est le roi. --Le roi? continua Crillon qui ne se possédait plus, le roi? Tu as parlé du roi, ce me semble. Bon, je te ferai couper la langue. Il n'y a de roi ici que Crillon, et le roi ne commande pas aux gardes. Je t'avais donné deux minutes, mon drôle, prends garde, je t'en retire une! Un geste de la Ramée, une vaine protestation se perdirent dans l'effrayant tumulte qui couvrit ces paroles de Crillon. Les gardes ne se possédaient plus de joie, ils battaient follement des mains et jetaient leurs chapeaux en l'air. --Une corde, prévôt, continua Crillon, et une bonne! La Ramée recula écumant de rage devant le prévôt qui faisait siffler la corde demandée. --Pardon, monsieur, dit alors Espérance au malheureux propriétaire, emportez votre argent, il est à vous. --J'emporte mieux que l'argent, répliqua la Ramée les dents tellement serrées qu'on l'entendait à peine; j'emporte un souvenir qui vivra longtemps. --Et notre entretien, monsieur la Ramée, dans ce fameux fourré désert? --Vous ne perdrez point pour attendre, dit la Ramée. Et aussitôt il fit retraite, la face tournée vers les gardes, marchant à reculons comme le tigre devant la flamme. IV. COMMENT M. DE CRILLON INTERPRÉTA L'ARTICLE IV DE LA TREVE. 27 La belle Gabrielle, vol. 1 Une immense huée salua son départ. La honte le saisit; c'en était trop depuis une heure. Poussant un cri sourd, un cri désespéré, un cri de vengeance et de terreur vertigineuse, il s'enfuit en bondissant et disparut. --Vive M. de Crillon, notre colonel! hurlèrent les deux compagnies dans leur ivresse. --Oui, dit Crillon, mais qu'on n'y revienne plus! car effectivement ce coquin avait raison; vous êtes tous des drôles à pendre! Crillon, après avoir abandonné ses deux mains à la foule qui s'empressait pour les lui baiser, se tourna vers Rosny, qui boudait et grommelait dans son coin. --Ça, dit-il, pas de rancune. Vous voyez que tous vos scrupules sont de trop avec de pareils brigands. --La loi est la loi, répliqua Rosny, et vous avez tort de vous mettre au-dessus. Les esprits, échauffés par votre faiblesse d'aujourd'hui, ne sauront plus se retenir une autre fois, et au lieu d'un homme qu'il fallait sacrifier à l'exemple, vous en sacrifiez dix. --Soit, je les sacrifierai. Mais l'occasion sera bonne, tandis qu'aujourd'hui c'eût été une cruauté stérile. --Monsieur, dit aigrement Rosny, je n'agissais qu'en vue de faire respecter les armes du roi. --Harnibieu! ne les fais-je point respecter, moi? répondit Crillon avec une vivacité de jeune homme. --Ce n'est point cela que j'entends, et par grâce, si vous avez des observations à me faire, faites-les-moi en particulier, pour que personne ne soit témoin des différends qui s'élèvent entre les officiers de l'armée royale. --Mais, mon cher monsieur Rosny, il n'y a point de différend entre nous; je suis prompt et brutal, vous êtes circonspect et lent. Cela seul suffit à nous séparer quelquefois. D'ailleurs, tout se passe en famille, devant nos gens, et je ne vois point de témoin qui nous gêne pour nous embrasser cordialement. --Excusez-moi, en voici un, répliqua Rosny en désignant Espérance à Crillon. --Ce jeune homme, c'est vrai. N'est-ce pas lui qui a offert de payer cent pistoles pour Pontis? --Lui-même, et regardez avec quelle effusion Pontis lui serre les mains. --C'est un beau garçon, ajouta Crillon, un ami de Pontis, sans doute? --Nullement; c'est un étranger qui passait et qui a pris fait et cause pour vos gardes. --En vérité! il faut que je le remercie. --Cela lui fera d'autant plus de plaisir que tout à l'heure, en arrivant, c'est vous qu'il cherchait dans le quartier des gardes. --Il m'a trouvé, alors, dit gaiement Crillon qui s'avança vers Pontis et Espérance. Ces deux derniers étaient encore en face l'un de l'autre, les mains entrelacées; Pontis, remerciant avec la chaleur d'un coeur généreux qui aime à exagérer le service rendu; Espérance, se défendant avec la simplicité IV. COMMENT M. DE CRILLON INTERPRÉTA L'ARTICLE IV DE LA TREVE. 28

« Une immense huée salua son départ.

La honte le saisit; c'en était trop depuis une heure. Poussant un cri sourd, un cri désespéré, un cri de vengeance et de terreur vertigineuse, il s'enfuit en bondissant et disparut. —Vive M.

de Crillon, notre colonel! hurlèrent les deux compagnies dans leur ivresse. —Oui, dit Crillon, mais qu'on n'y revienne plus! car effectivement ce coquin avait raison; vous êtes tous des drôles à pendre! Crillon, après avoir abandonné ses deux mains à la foule qui s'empressait pour les lui baiser, se tourna vers Rosny, qui boudait et grommelait dans son coin. —Ça, dit-il, pas de rancune.

Vous voyez que tous vos scrupules sont de trop avec de pareils brigands. —La loi est la loi, répliqua Rosny, et vous avez tort de vous mettre au-dessus.

Les esprits, échauffés par votre faiblesse d'aujourd'hui, ne sauront plus se retenir une autre fois, et au lieu d'un homme qu'il fallait sacrifier à l'exemple, vous en sacrifiez dix. —Soit, je les sacrifierai.

Mais l'occasion sera bonne, tandis qu'aujourd'hui c'eût été une cruauté stérile. —Monsieur, dit aigrement Rosny, je n'agissais qu'en vue de faire respecter les armes du roi. —Harnibieu! ne les fais-je point respecter, moi? répondit Crillon avec une vivacité de jeune homme. —Ce n'est point cela que j'entends, et par grâce, si vous avez des observations à me faire, faites-les-moi en particulier, pour que personne ne soit témoin des différends qui s'élèvent entre les officiers de l'armée royale. —Mais, mon cher monsieur Rosny, il n'y a point de différend entre nous; je suis prompt et brutal, vous êtes circonspect et lent.

Cela seul suffit à nous séparer quelquefois.

D'ailleurs, tout se passe en famille, devant nos gens, et je ne vois point de témoin qui nous gêne pour nous embrasser cordialement. —Excusez-moi, en voici un, répliqua Rosny en désignant Espérance à Crillon. —Ce jeune homme, c'est vrai.

N'est-ce pas lui qui a offert de payer cent pistoles pour Pontis? —Lui-même, et regardez avec quelle effusion Pontis lui serre les mains. —C'est un beau garçon, ajouta Crillon, un ami de Pontis, sans doute? —Nullement; c'est un étranger qui passait et qui a pris fait et cause pour vos gardes. —En vérité! il faut que je le remercie. —Cela lui fera d'autant plus de plaisir que tout à l'heure, en arrivant, c'est vous qu'il cherchait dans le quartier des gardes. —Il m'a trouvé, alors, dit gaiement Crillon qui s'avança vers Pontis et Espérance. Ces deux derniers étaient encore en face l'un de l'autre, les mains entrelacées; Pontis, remerciant avec la chaleur d'un coeur généreux qui aime à exagérer le service rendu; Espérance, se défendant avec la simplicité La belle Gabrielle, vol.

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COMMENT M.

DE CRILLON INTERPRÉTA L'ARTICLE IV DE LA TREVE.

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