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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 Pontis fut congratulé par un tonnerre d'applaudissements auxquels Espérance, toujours assis à la même place, mêla ses plus francs éclats de rire. Tout à coup les cris devinrent plus vifs et se rapprochèrent. Sans doute ils avaient été interceptés pendant quelques secondes par la convexité du monticule. Ces cris étaient poussés par un homme qu'on vit apparaître brusquement à l'entrée du quartier des gardes. Essoufflé, gesticulant avec énergie, les yeux troublés par la colère, il attira d'abord l'attention de tous les spectateurs. --C'est quelqu'un du château que nous avons dîmé, murmura Vernetel à l'oreille de Pontis. Celui-ci interrompit son repas. Les autres gardes s'interrompirent également dans leurs préparations culinaires. On en vit cacher derrière leur manteau la volaille aux trois quarts plumée. Espérance, comme tout le monde, fut frappé de l'altération empreinte sur les traits du nouveau venu, dont le visage jeune et caractérisé s'était contracté jusqu'à la laideur. Ses cheveux, plutôt roux que blonds, se hérissaient. Un frisson de fureur courait sur ses lèvres minces et pâles. C'était un homme de vingt-deux ans à peine, svelte et grand. Ses formes fines et nerveuses annonçaient une nature distinguée, rompue aux violents exercices. Dans son pourpoint vert, de forme un peu surannée, d'étoffe quasi grossière, il conservait des façons nobles et délibérées. Mais le couteau, trop long pour la table; trop court pour la chasse, qui brillait sans gaine dans sa main tremblante, révélait une de ces indomptables fureurs qui veulent s'éteindre dans le sang. Ce jeune homme avait gravi si rapidement la colline qu'il faillit suffoquer et put à peine articuler ces mots: "Où sont les chefs!" Un garde, qui essaya d'arrêter le furieux en lui opposant le rempart d'une pique, fut presque renversé. Un enseigne, accouru au bruit, s'interposa en voyant bousculer son factionnaire. --Plaisantez-vous, maître, s'écria-t-il, d'entrer ainsi le couteau à la main chez les gardes de Sa Majesté? --Les chefs! cria encore le jeune homme d'une voix sinistre. --J'en suis un! dit l'enseigne. --Vous n'êtes pas celui qu'il me faut, répliqua l'autre avec une sorte de dédain sauvage. Et comme une exclamation générale couvrait ses paroles, comme, excepté Pontis et ses convives, chacun menaçait l'insulteur. --Oh! vous ne me ferez pas peur, dit-il d'un accent de rage concentrée, je cherche un chef, un grand, un puissant, qui ait le pouvoir de punir. Rosny et le capitaine s'étaient approchés lentement pour savoir la cause de ce tumulte. Le jeune homme les aperçut. --Voilà ce qu'il me faut, murmura-t-il avec un fauve sourire. II. D'UN LAPIN, DE DEUX CANARDS, ET DE CE QU'ILS PEUVENT COÛTER DANS LE VEXIN 13 La belle Gabrielle, vol. 1 --Qu'y a-t-il? demanda Rosny, devant qui s'ouvrirent les rangs. Et il attacha son regard pénétrant sur ce visage décomposé par toutes les mauvaises passions de l'humanité. --Il y a, monsieur, répondit le jeune homme, que je viens ici demander vengeance. --Commencez par jeter votre couteau! dit Rosny. Allons, jetez-le! Deux gardes saisissant brusquement les poignets de cet homme, le désarmèrent. Il ne sourcilla point. --Vengeance pour qui? continua Rosny. --Pour moi et les miens. --Qui êtes-vous? --Je m'appelle la Ramée, gentilhomme. --Contre qui demandez-vous cette vengeance? --Contre vos soldats. --Je n'ai point ici de soldats, dit M. de Rosny, blessé du ton hautain d'un pareil personnage. --Alors, ce n'est point à vous que j'ai affaire. Indiquez-moi le chef de ceux-ci. Il désignait les gardes frémissant de colère. --Monsieur de la Ramée, reprit froidement Rosny, vous parlez trop haut, et si vous êtes gentilhomme, comme vous dites, vous êtes un gentilhomme mal élevé; ceux-ci sont des gens qui vous valent, et que je vous engage à traiter plus courtoisement. Je vous eusse déjà laissé vous en expliquer avec eux, si vous ne paraissiez venir ici pour faire des réclamations. Or, en l'absence de M. de Crillon, j'y commande, ici, et je suis disposé à vous faire justice malgré vos façons. Ainsi, du calme, de la politesse, de la clarté dans vos récits, et abrégeons! Le jeune homme mordit ses lèvres, fronça les sourcils, crispa les poings, mais subjugué par le sang-froid et la vigueur de Rosny, dont pas un muscle n'avait tressailli, dont le coup d'oeil incisif l'avait blessé comme une pointe d'épée, il respira, recueillit ses idées et dit: --A la bonne heure! J'habite avec ma famille le château que vous apercevez au bas de la colline, dans ces arbres à droite. Mon père est au lit, blessé. --Blessé? interrompit Rosny. Est-ce un soldat du roi? Le jeune homme rougit à cette question. --Non, dit-il d'un air embarrassé. --Ligueur, va! murmurèrent les gardes. --Continuez, interrompit Rosny. II. D'UN LAPIN, DE DEUX CANARDS, ET DE CE QU'ILS PEUVENT COÛTER DANS LE VEXIN 14

« —Qu'y a-t-il? demanda Rosny, devant qui s'ouvrirent les rangs. Et il attacha son regard pénétrant sur ce visage décomposé par toutes les mauvaises passions de l'humanité. —Il y a, monsieur, répondit le jeune homme, que je viens ici demander vengeance. —Commencez par jeter votre couteau! dit Rosny.

Allons, jetez-le! Deux gardes saisissant brusquement les poignets de cet homme, le désarmèrent.

Il ne sourcilla point. —Vengeance pour qui? continua Rosny. —Pour moi et les miens. —Qui êtes-vous? —Je m'appelle la Ramée, gentilhomme. —Contre qui demandez-vous cette vengeance? —Contre vos soldats. —Je n'ai point ici de soldats, dit M.

de Rosny, blessé du ton hautain d'un pareil personnage. —Alors, ce n'est point à vous que j'ai affaire.

Indiquez-moi le chef de ceux-ci. Il désignait les gardes frémissant de colère. —Monsieur de la Ramée, reprit froidement Rosny, vous parlez trop haut, et si vous êtes gentilhomme, comme vous dites, vous êtes un gentilhomme mal élevé; ceux-ci sont des gens qui vous valent, et que je vous engage à traiter plus courtoisement.

Je vous eusse déjà laissé vous en expliquer avec eux, si vous ne paraissiez venir ici pour faire des réclamations.

Or, en l'absence de M.

de Crillon, j'y commande, ici, et je suis disposé à vous faire justice malgré vos façons.

Ainsi, du calme, de la politesse, de la clarté dans vos récits, et abrégeons! Le jeune homme mordit ses lèvres, fronça les sourcils, crispa les poings, mais subjugué par le sang-froid et la vigueur de Rosny, dont pas un muscle n'avait tressailli, dont le coup d'oeil incisif l'avait blessé comme une pointe d'épée, il respira, recueillit ses idées et dit: —A la bonne heure! J'habite avec ma famille le château que vous apercevez au bas de la colline, dans ces arbres à droite.

Mon père est au lit, blessé. —Blessé? interrompit Rosny.

Est-ce un soldat du roi? Le jeune homme rougit à cette question. —Non, dit-il d'un air embarrassé. —Ligueur, va! murmurèrent les gardes. —Continuez, interrompit Rosny.

La belle Gabrielle, vol.

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D'UN LAPIN, DE DEUX CANARDS, ET DE CE QU'ILS PEUVENT COÛTER DANS LE VEXIN 14. »

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