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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 Le moine rentra. --La permission est accordée, dit-il à Crillon, et le cavalier que vous attendez peut entrer. Vous plaît-il qu'on l'amène ici, mon cher frère? --Non pas, non; dans ma chambre, si vous le voulez bien. D'ailleurs, j'y vais moi-même, ajouta Crillon, qui craignait de trahir par trop d'empressement et de respect la qualité du visiteur qui lui arrivait, et dont le billet contenait à ce sujet les plus strictes recommandations d'incognito. Le frère sortit pour chercher et conduire l'étranger dans la chambre où Crillon avait passé la nuit, et le chevalier tirant Pontis à part entre la porte et le corridor de façon à n'être pas entendu d'Espérance: --Il y a, lui dit-il, dans les poches de M. Espérance, un billet. Pontis tressaillit. --Tu le prendras et me l'apporteras, dit Crillon, mais sans qu'il s'en doute. Pontis, étourdi, cherchait une réponse. --En fouillant dans son pourpoint, garde qu'il ne s'aperçoive de rien. On dirait qu'il nous observe: rentre vite, et fais ce que je t'ai commandé aussitôt que tu en trouveras l'occasion. Après avoir dit ces mots au cadet, il envoya un sourire d'adieu à son blessé, rejoignit le moine dans le corridor, non sans avoir adressé à la cellule du frère parleur un regard tellement curieux qu'il eût assurément percé la porte si elle n'eût été faite d'un bon chêne croisé de solides pentures. Cette porte, du reste, n'était pas hermétiquement fermée, à ce qu'il paraît, car à mesure que Crillon descendait, elle s'ouvrit, poussée par l'air, sans doute, et ne se referma complètement qu'au moment où l'étranger, conduit a la chambre de Crillon, y fut introduit et s'y enferma plus vite qu'on n'eût pu s'y attendre. Nous pourrions ajouter que par l'entre-bâillement de cette porte, Crillon, s'il se fût retourné, aurait pu voir briller deux yeux capables d'éclairer l'escalier tout entier, bien qu'un capuchon gigantesque les ensevelît sous son ombre. XX. QUI VEUT LA FIN VEUT LES MOYENS Crillon, dès qu'il fut seul avec le roi, lui demanda avec empressement la cause de cette visite inattendue. Henri jeta sur un meuble le chapeau dont il s'était couvert le visage à son entrée au couvent; il respira largement l'air pur de la vallée et répondit avec une tristesse qui frappa tout d'abord le chevalier: --Il y a plusieurs causes, mon cher Crillon. La première, c'est mon inquiétude à votre sujet. Qu'est-ce que cette histoire de blessé, de garde et de grand chemin? Tout cela est donc vrai, bien que raconté par un meunier? --Malheureusement vrai, sire. --Et comme je vous vois hésiter, comme on vous a dit fort en peine, est-ce que le blessé serait M. le comte d'Auvergne? XX. QUI VEUT LA FIN VEUT LES MOYENS 149 La belle Gabrielle, vol. 1 --Pas du tout, sire, malheureusement encore. --Oh! oh! voilà qui est dur pour le fils de Charles IX. --Je ne l'aime pas, sire, et je le voudrais dans le lit où en ce moment repose, fort mal équipé, mon pauvre blessé. --Vous soupirez; ce jeune homme est-il des vôtres? --Oui, sire. On me l'a recommandé; je l'aime fort, répliqua Crillon en mâchant ses paroles comme un homme oppressé par le chagrin. --Blessé ... dans un combat? par un adversaire, par le garde qui l'accompagnait, peut-être? --Non, sire; par un assassin. --Si peu roi que je sois, mon brave Crillon, je le ferai écarteler. --Je retiens votre parole, sire. --Et le blessé vivra, n'est-ce pas? --Je l'espère. --Voilà qui est bien, dit le roi pensant déjà à autre chose. --Sire! quelle que soit votre bonne volonté, se hâta de dire Crillon, vous n'êtes point venu ici seulement pour m'entretenir de mes affaires, et je soupçonne quelque chose d'urgent dans les vôtres. --En effet, quelque chose de fort urgent. Quels sont les moines qui tiennent cette abbaye? --Des génovéfains, sire. --Je le sais bien. Mais il y a moine et moine. Ceux-ci dirigent absolument la conscience de ma maîtresse, et la poussent à des rigueurs qui me contrarient. --Je ne connaissais point nos hôtes, mais ce que vous me dites, sire, m'enchante. Nous sommes donc chez de braves gens? --Allons! allons! maître sage, moins de vertu et plus d'humanité. Ces moines m'ont paru avoir d'étranges façons: l'un est gras, l'autre est maigre; l'un ne parle jamais, l'autre parle toujours; je flaire en tout cela quelque sournoiserie. --Celui qui est maigre, s'écria le chevalier, me fait aussi un singulier effet. Le parleur, n'est-ce pas? --Je veux absolument, puisqu'il parle à tout le monde, qu'il me parle à moi, dit Henri. D'ailleurs, on a piqué ma curiosité. Gabrielle prétend que le prieur sait d'avance tout ce que je fais, et comme, en ce moment, je me trouve moi-même ne pas savoir ce que j'ai à faire pour une chose des plus importantes, nous verrons, ventre saint-gris! si le frocard est aussi bon devin qu'il en a la réputation. Qu'il me tire de l'embarras où je suis, et je le proclame lumière. C'est comme cela que, modestement, il se laisse appeler l'illustre dom Modeste. XX. QUI VEUT LA FIN VEUT LES MOYENS 150

« —Pas du tout, sire, malheureusement encore. —Oh! oh! voilà qui est dur pour le fils de Charles IX. —Je ne l'aime pas, sire, et je le voudrais dans le lit où en ce moment repose, fort mal équipé, mon pauvre blessé. —Vous soupirez; ce jeune homme est-il des vôtres? —Oui, sire.

On me l'a recommandé; je l'aime fort, répliqua Crillon en mâchant ses paroles comme un homme oppressé par le chagrin. —Blessé ...

dans un combat? par un adversaire, par le garde qui l'accompagnait, peut-être? —Non, sire; par un assassin. —Si peu roi que je sois, mon brave Crillon, je le ferai écarteler. —Je retiens votre parole, sire. —Et le blessé vivra, n'est-ce pas? —Je l'espère. —Voilà qui est bien, dit le roi pensant déjà à autre chose. —Sire! quelle que soit votre bonne volonté, se hâta de dire Crillon, vous n'êtes point venu ici seulement pour m'entretenir de mes affaires, et je soupçonne quelque chose d'urgent dans les vôtres. —En effet, quelque chose de fort urgent.

Quels sont les moines qui tiennent cette abbaye? —Des génovéfains, sire. —Je le sais bien.

Mais il y a moine et moine.

Ceux-ci dirigent absolument la conscience de ma maîtresse, et la poussent à des rigueurs qui me contrarient. —Je ne connaissais point nos hôtes, mais ce que vous me dites, sire, m'enchante.

Nous sommes donc chez de braves gens? —Allons! allons! maître sage, moins de vertu et plus d'humanité.

Ces moines m'ont paru avoir d'étranges façons: l'un est gras, l'autre est maigre; l'un ne parle jamais, l'autre parle toujours; je flaire en tout cela quelque sournoiserie. —Celui qui est maigre, s'écria le chevalier, me fait aussi un singulier effet.

Le parleur, n'est-ce pas? —Je veux absolument, puisqu'il parle à tout le monde, qu'il me parle à moi, dit Henri.

D'ailleurs, on a piqué ma curiosité.

Gabrielle prétend que le prieur sait d'avance tout ce que je fais, et comme, en ce moment, je me trouve moi-même ne pas savoir ce que j'ai à faire pour une chose des plus importantes, nous verrons, ventre saint-gris! si le frocard est aussi bon devin qu'il en a la réputation.

Qu'il me tire de l'embarras où je suis, et je le proclame lumière.

C'est comme cela que, modestement, il se laisse appeler l'illustre dom Modeste.

La belle Gabrielle, vol.

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QUI VEUT LA FIN VEUT LES MOYENS 150. »

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