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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 Gabrielle, avec une expression plus triste: --Ni en son absence, ni en sa présence, sire, dit-elle. Le temps est venu de dire la vérité, quoiqu'il m'en coûte et beaucoup, mais il faut enfin que je parle, écoutez-moi. --Quelle vérité? s'écria le roi inquiet. --Nous ne vous verrons plus.... --Oh!... --Jamais ... Mon père me l'a ordonné ... Il m'a bien fait comprendre ma situation vis-à-vis de mon roi; car ici vous êtes bien le roi, dans nos coeurs et dans nos voeux! --Ce n'est pas comme à Paris, dit Henri, essayant d'égayer Gabrielle, qui se dérida, en effet. --Allons, s'écria-t-elle, nous dirons cela plus tard. C'est inhumain de la part d'une fidèle servante d'affliger ainsi son maître, et ce serait cruel au maître d'empêcher sa servante de souper. Sire, le bain nous a retardées, il est onze heures et nous mourons de faim. --Et moi donc, ma belle. --Oh! sire, je vais vous servir. Quelle joie! j'aurai donné un festin au grand Henri! un beau festin, vous allez voir. Gratienne! Gratienne apparut. --Apporte les cerises et les groseilles. --Peste, fit le toi avec une grimace, quelle chère-lie! --Nous avons du gâteau, mon roi, un gâteau léger, croquant comme Gratienne les sait faire. --Du gâteau!... mais c'est complet. --Et ... oh! mais c'est une friandise, il faut la pardonner, sire, nous sommes gourmandes. Il y a une petite fiole de liqueur de noyau: comme vous allez vous régaler! Le roi sentit frémir son robuste appétit de chasseur et de guerrier. Un frisson lui passa sur la peau à l'aspect des cerises purpurines amoncelées sur une assiette, et surtout des groseilles au parfum aigre, et dont les grappes rouges et blanches brillaient à la lumière comme un fouillis de rubis et de topazes. La table était mise. Henri offrit un morceau de gâteau à Gabrielle; il en prit un lui-même en soupirant. Elle le regarda et comprit: --Sotte que je suis! dit-elle; le roi a faim, et je lui offre un repas de fille! --La plus belle fille du monde, ma Gabrielle, répondit Henri, ne peut offrir que ce qu'elle a. Gabrielle repoussa tristement le gâteau et les cerises. XVI. LE MOULIN DE LA CHAUSSÉE 123 La belle Gabrielle, vol. 1 --Il faut chercher, dit-elle. Gratienne! --Mademoiselle? --Mène-moi dans le bateau jusqu'à la maison. Là certainement on trouvera des provisions. --Non! non! s'écria Henri; j'aime mieux me rassasier de votre vue; je soupe en vous admirant. Je mangerai vos mains mignonnes.... --Pauvre nourriture pour l'estomac, sire! --J'y perds la faim!... --Cherchons! cherchons! dit Gabrielle en repoussant doucement Henri, qui après avoir mangé les mains entamait les bras. Il s'arrêta pour ne point déplaire à sa maîtresse, et faute d'aliments immatériels, se mit à songer aux aliments du corps. --Il me semble, dit-il, que l'on parlait tout à l'heure des monstres qui se prennent dans les vannes du moulin. N'y a-t-il pas quelque nasse tendue ou quelque hameçon qui pende? Les meuniers n'en font jamais d'autre. --Je ne sais, dit Gabrielle. --Je trouverai bien, moi. Plus d'une fois j'ai soupé à merveille dans le moulin, en maigre ... Mais qu'importe. Après quelques minutes d'une revue passée autour du bateau, le roi vit une ficelle vagabonde qui s'éloignait ou se rapprochait du plat-bord avec des tressaillements et des convulsions de bon augure. C'était en effet une des lignes que maître Denis avait grand soin de tendre chaque soir. Une belle anguille avait mordu et cherchait à rouler ses spirales autour d'un pieu quelconque pour résister à la main qui l'attirait hors de l'eau; mais le roi joignit l'adresse à la force, et amena sa proie, sur laquelle Gratienne fondit joyeusement, tandis que Gabrielle reculait avec un sentiment d'effroi. --Eh bien! voici la chair, dit Henri, mais le feu, mais l'assaisonnement? --Un peu de lard, que voici, répliqua Gratienne, un oignon que voilà, une croûte comme on les a chez un meunier, et un demi-verre du petit vin de maître Denis, voici la cruche, et je demande un quart d'heure pour servir Sa Majesté. En disant ces mots, elle disparut à l'avant du bateau, où bientôt s'éleva une flamme de copeaux et de charbons allumés sur un quartier de meule usée. --Un quart d'heure que j'emploierai bien, dit le roi, car je vais me mettre aux pieds de ma Gabrielle, et lui dirai si souvent, si tendrement mon amour, que j'amollirai son coeur farouche. La jeune fille, avec un mouvement charmant de la tête: --Oh! non, dit-elle, c'est impossible. --Rayez ce mot, ma mie. XVI. LE MOULIN DE LA CHAUSSÉE 124

« —Il faut chercher, dit-elle.

Gratienne! —Mademoiselle? —Mène-moi dans le bateau jusqu'à la maison.

Là certainement on trouvera des provisions. —Non! non! s'écria Henri; j'aime mieux me rassasier de votre vue; je soupe en vous admirant.

Je mangerai vos mains mignonnes.... —Pauvre nourriture pour l'estomac, sire! —J'y perds la faim!... —Cherchons! cherchons! dit Gabrielle en repoussant doucement Henri, qui après avoir mangé les mains entamait les bras. Il s'arrêta pour ne point déplaire à sa maîtresse, et faute d'aliments immatériels, se mit à songer aux aliments du corps. —Il me semble, dit-il, que l'on parlait tout à l'heure des monstres qui se prennent dans les vannes du moulin. N'y a-t-il pas quelque nasse tendue ou quelque hameçon qui pende? Les meuniers n'en font jamais d'autre. —Je ne sais, dit Gabrielle. —Je trouverai bien, moi.

Plus d'une fois j'ai soupé à merveille dans le moulin, en maigre ...

Mais qu'importe. Après quelques minutes d'une revue passée autour du bateau, le roi vit une ficelle vagabonde qui s'éloignait ou se rapprochait du plat-bord avec des tressaillements et des convulsions de bon augure.

C'était en effet une des lignes que maître Denis avait grand soin de tendre chaque soir.

Une belle anguille avait mordu et cherchait à rouler ses spirales autour d'un pieu quelconque pour résister à la main qui l'attirait hors de l'eau; mais le roi joignit l'adresse à la force, et amena sa proie, sur laquelle Gratienne fondit joyeusement, tandis que Gabrielle reculait avec un sentiment d'effroi. —Eh bien! voici la chair, dit Henri, mais le feu, mais l'assaisonnement? —Un peu de lard, que voici, répliqua Gratienne, un oignon que voilà, une croûte comme on les a chez un meunier, et un demi-verre du petit vin de maître Denis, voici la cruche, et je demande un quart d'heure pour servir Sa Majesté. En disant ces mots, elle disparut à l'avant du bateau, où bientôt s'éleva une flamme de copeaux et de charbons allumés sur un quartier de meule usée. —Un quart d'heure que j'emploierai bien, dit le roi, car je vais me mettre aux pieds de ma Gabrielle, et lui dirai si souvent, si tendrement mon amour, que j'amollirai son coeur farouche. La jeune fille, avec un mouvement charmant de la tête: —Oh! non, dit-elle, c'est impossible. —Rayez ce mot, ma mie.

La belle Gabrielle, vol.

1 XVI.

LE MOULIN DE LA CHAUSSÉE 124. »

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