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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 Une caisse de fer, longue de trois pieds, profonde de deux, et pleine de sequins d'or. Le chevalier pensa qu'il continuait son rêve. --Et maintenant que vous connaissez la dot et que vous connaissez la femme, votre bras, Crillon. Elle lui prit le bras avec une douce autorité. --Où me conduit le bel ange? demanda-t-il. --Tout près, tout près. Elle l'entraînait vers la muraille où son petit poing nerveux heurta vivement un bouton d'acier. La porte s'ouvrit; elle donnait sur un long couloir sombre, au bout duquel on voyait dans des flots de lumière resplendir les colonnes de marbre et la mosaïque d'or d'une église. L'autel était orné, le prêtre agenouillé et deux assistants attendaient en s'appuyant sur la balustrade. --Qu'est ceci? s'écria le chevalier. --Une belle église, des plus belles et des plus antiques. --Mais je ne comprends pas. --Vous allez comprendre, seigneur. Je suis patricienne, riche, et je vous aime. Vous allez savoir mon nom. Vous connaissez ma fortune, je vous ai prouvé mon amour. Ma famille veut m'imposer un mariage pour lequel je me sens de l'horreur. Si je choisis monsieur de Crillon, ai-je pensé, ma famille n'aura plus rien à dire; et, au besoin, mon préféré saura faire respecter mon choix. Vous aurez eu peut-être mauvaise opinion de la jeune fille qui semblait accepter un amant; rassurez-vous: c'est un époux que j'ai pris. Venez, Crillon, le prêtre nous attend à l'autel. Si la foudre eût fait voler en morceaux le lambris de chêne, si la maison fût disparue sous le jet d'une mine, si la sublime beauté de la Vénitienne eût fait place à Méduse, Crillon n'eût pas éprouvé ce qu'il éprouva en ce moment. Il vacilla comme étourdi du coup, et sa main se glaça dans celle de la jeune fille. Cette brusque proposition, ces préparatifs, lui parurent un guet-apens dirigé contre son honneur. Toute la beauté de la jeune femme, son abandon délirant, ce mélange inconcevable de virginale innocence et d'audace vicieuse, cette richesse splendide, cette féerique retraite, n'étaient-ce pas autant de pièges du démon pour lui voler son âme et le damner à jamais, en lui faisant violer ses voeux? Dans le trouble qui s'empara de lui, Crillon se figura qu'en gagnant une minute, il verrait se confondre et disparaître en fumée toutes ces sorcelleries, tout cet attirail infernal des tentations de Satan. La belle femme se changerait en couleuvre, les sequins en feuilles desséchées, les lumières en flammes sépulcrales. Au doux bruit des baisers d'amour succéderait le rire strident du mauvais ange qui triomphe, et Crillon demeurerait seul, écrasé, dans une effrayante solitude. Mais, du moins, il aurait, comme sur le champ de bataille, combattu jusqu'à la mort. Comment exprimer à cette femme une seule des pensées qui se heurtaient dans son cerveau? Il la regarda fixement et se tut. Elle, au contraire, le crut ivre de son bonheur. VI. UNE AVENTURE DE CRILLON 47 La belle Gabrielle, vol. 1 L'idée ne pouvait pas venir à cette étrange créature que son patriciat, sa richesse, sa beauté, son amour, la rendissent à ce point fabuleuse et incompréhensible qu'un amant la repoussât épouvanté de son triomphe. Elle se croyait dans son noble coeur d'autant plus assurée d'avoir conquis Crillon, qu'elle s'était, sans réserve aucune de sa vie et de son honneur, livrée au plus hardi, au plus généreux chevalier du monde. S'il hésitait, ce devait être par délicatesse et magnanimité. --Il faut l'encourager par de bonnes paroles, pensa la Vénitienne. Et, s'armant de son irrésistible sourire --Allons, il le faut; il faut subir votre femme, malgré sa laideur et son obscure pauvreté. --Impossible! s'écria-t-il la sueur au front, devant ce nouvel assaut du tentateur. ~ Impossible! pourquoi? --Je suis chevalier de Malte. --Vous l'étiez au berceau. Ce sont des voeux absurdes, et le saint-père, qui n'a rien a refuser au héros de Lépante, vous en relèvera quand nous voudrons. --Madame, balbutia Crillon, qui avait pris sa résolution, ces voeux qu'on prononça pour moi, enfant au berceau, ainsi que vous venez de le dire, je les ai répétés à vingt ans, homme, et sachant ce que je faisais. La Vénitienne pâlit comme une morte et reculant, les sourcils froncés. --Vous ne m'acceptez pas?... murmura-t-elle d'une voix déchirante... Vous me repoussez! --Dieu m'est témoin.... --Oui ou non ... monsieur! s'écria la jeune fille, qui sentit l'orgueil de son sang patricien lui monter tumultueusement au front. Crillon baissa la tête, le coeur navré. --On vous dit brave, prouvez-le donc, dit-elle avec ironie, oui, ou non; c'est facile à dire, ce me semble. --Eh bien ... articula le chevalier en serrant les poings, jusqu'à les déchirer de ses ongles ... Non!... Le visage de la jeune fille prit une effrayante expression de désespoir. Pas un cri, pas un soupir ne s'exhala de sa poitrine. Son oeil chargé d'éclairs, sa lèvre frémissante, éloquents interprètes de ce qui se passait dans cette âme, prononcèrent la muette imprécation sous laquelle Crillon se courba anéanti. Elle passa devant lui lentement comme un spectre, et laissa tomber une à une sur la tête du chevalier ces sanglantes paroles: --Crillon, vous n'étiez pas libre. Vous avez trompé lâchement une femme. Vous n'êtes plus Crillon! Lorsqu'il releva la tête pour essayer de se justifier, il se trouva seul dans l'appartement. Il courut au vestibule, croyant avoir entendu marcher de ce côté. Il ouvrit même la porte et regarda dans le jardin. Rien. La porte se referma au moment où il cherchait à rentrer. VI. UNE AVENTURE DE CRILLON 48

« L'idée ne pouvait pas venir à cette étrange créature que son patriciat, sa richesse, sa beauté, son amour, la rendissent à ce point fabuleuse et incompréhensible qu'un amant la repoussât épouvanté de son triomphe. Elle se croyait dans son noble coeur d'autant plus assurée d'avoir conquis Crillon, qu'elle s'était, sans réserve aucune de sa vie et de son honneur, livrée au plus hardi, au plus généreux chevalier du monde.

S'il hésitait, ce devait être par délicatesse et magnanimité. —Il faut l'encourager par de bonnes paroles, pensa la Vénitienne.

Et, s'armant de son irrésistible sourire —Allons, il le faut; il faut subir votre femme, malgré sa laideur et son obscure pauvreté. —Impossible! s'écria-t-il la sueur au front, devant ce nouvel assaut du tentateur. ~ Impossible! pourquoi? —Je suis chevalier de Malte. —Vous l'étiez au berceau.

Ce sont des voeux absurdes, et le saint-père, qui n'a rien a refuser au héros de Lépante, vous en relèvera quand nous voudrons. —Madame, balbutia Crillon, qui avait pris sa résolution, ces voeux qu'on prononça pour moi, enfant au berceau, ainsi que vous venez de le dire, je les ai répétés à vingt ans, homme, et sachant ce que je faisais. La Vénitienne pâlit comme une morte et reculant, les sourcils froncés. —Vous ne m'acceptez pas?...

murmura-t-elle d'une voix déchirante...

Vous me repoussez! —Dieu m'est témoin.... —Oui ou non ...

monsieur! s'écria la jeune fille, qui sentit l'orgueil de son sang patricien lui monter tumultueusement au front. Crillon baissa la tête, le coeur navré. —On vous dit brave, prouvez-le donc, dit-elle avec ironie, oui, ou non; c'est facile à dire, ce me semble. —Eh bien ...

articula le chevalier en serrant les poings, jusqu'à les déchirer de ses ongles ...

Non!... Le visage de la jeune fille prit une effrayante expression de désespoir.

Pas un cri, pas un soupir ne s'exhala de sa poitrine.

Son oeil chargé d'éclairs, sa lèvre frémissante, éloquents interprètes de ce qui se passait dans cette âme, prononcèrent la muette imprécation sous laquelle Crillon se courba anéanti. Elle passa devant lui lentement comme un spectre, et laissa tomber une à une sur la tête du chevalier ces sanglantes paroles: —Crillon, vous n'étiez pas libre.

Vous avez trompé lâchement une femme.

Vous n'êtes plus Crillon! Lorsqu'il releva la tête pour essayer de se justifier, il se trouva seul dans l'appartement.

Il courut au vestibule, croyant avoir entendu marcher de ce côté.

Il ouvrit même la porte et regarda dans le jardin. Rien.

La porte se referma au moment où il cherchait à rentrer.

La belle Gabrielle, vol.

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