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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 reconnaître son garde sous cet accoutrement de truand ou de sauvage. --Ah! s'écria Pontis, enfin! --Eh bien! quoi; tu as bu et tu t'es jeté par terre. --J'ai bu, oui, et j'ai vu aussi. --Quoi vu? --Deux hommes à cheval, vous avez dû les voir passer? --Non. --C'est qu'ils ont pris la route à gauche au carrefour. C'est égal, sortons vivement du bois, je vous prie. --Parce que? --Parce qu'en plaine nous verrons venir leurs arquebusades. --Les arquebusades de qui? --Du coquin, du brigand, de la Ramée. --La Ramée!... Il est ici? --Il traversait la forêt tout à l'heure; du cabaret où je faisais rafraîchir votre cheval, je l'ai reconnu avec un autre de mauvaise mine. J'ai voulu les suivre et me suis coulé dans le bois; mais, pendant ce temps-là, mon cheval s'est sauvé. Que faire? courir après les deux, impossible. --Il fallait suivre la Ramée. --Bah!... tandis que j'hésitais entre l'homme et le cheval, l'homme avait disparu. --Et le cheval aussi: mais où peut aller ce la Ramée? --Sambioux! vous le demandez! Il suit M. Espérance. --Tu crois? --J'en suis sûr! Si vous aviez vu son dernier coup d'oeil quand il lui a dit: Vous ne perdrez pas pour attendre. --Harnibieu! s'écria le chevalier, tu as raison, il sait peut-être où le retrouver, où l'attendre. Oui, tu as mille fois raison: je devrais aller moi-même sur ses traces. Mais le roi qui m'attend! comment faire? Ah! monte à cheval, rattrape Espérance qui s'en va vers le village d'Ormesson, par Épinay. --Bien, colonel. --Rattrape-le; dusses-tu crever Coriolan et toi-même. --L'un et l'autre, colonel. VIII. 65 La belle Gabrielle, vol. 1 --Et préviens Espérance, ou si tu ne le rattrapes pas, veille, veille autour de la maison d'Entragues, au bout du parc, du côté d'un balcon ombragé par un marronnier. --Fort bien. --Et souviens-toi, ajouta Crillon en appuyant sa robuste main sur l'épaule du garde, que s'il arrive malheur à Espérance, tu me réponds.... --Je me souviendrai qu'il m'a sauvé la vie, mon colonel, dit le garde avec noblesse. Où vous retrouverai-je? --A Saint-Germain, où je coucherai. Pontis enfonça les éperons aux flancs du volage Coriolan, et disparut dans un tourbillon de poussière. IX. LA MAISON D'ENTRAGUES A cent pas du village qu'on appelle aujourd'hui Ormesson, s'élevait jadis un château dont on a fait un hameau, ou plutôt des morceaux de château. Mais à l'époque dont nous parlons, le château était bien entier, avec ses petites tours carrées montées en briques, ses fossés alimentés par des eaux claires et froides, et son parapet bâti du temps de Louis IX. Des fenêtres du donjon, de la terrasse même, la vue s'étendait charmée sur ces collines riantes qui forment à la plaine Saint-Denis une ceinture de bois et de vignes. Le château semblait fermer au nord la plaine elle-même, et son fondateur, qui était peut-être quelque haut baron chassant la bonne aventure, pouvait surveiller à la fois les routes de Normandie et de Picardie, et s'en aller après, soit à Deuil demander l'absolution à saint Eugène, soit à Saint-Denis faire bénir son épée pour quelque croisade expiatoire. La situation du petit château était charmante. Les terres, fertilisées par les sources généreuses qui depuis ont fait toute la fortune d'Enghien, alors inconnu, rapportent les plus beaux fruits et les plus riches fleurs de la contrée. Cinquante ans après sa fondation, le château était caché aux trois quarts sous le feuillage des peupliers et des platanes, qui, se piquant d'émulation, avaient lancé leurs têtes chevelues par delà les cimes du donjon. Un parc plus touffu que vaste, des parterres plus vastes que soignés, un verger dont les fruits avaient eu l'honneur de figurer plus d'une fois sur des tables royales, l'eau murmurante et limpide dont l'efficacité pour les blessures avait été proclamée par Ambroise Paré, puis une distribution élégante et commode, qualités rares dans les vieux édifices, faisaient du petit domaine un bienheureux séjour fort envié des courtisans. Le roi Charles IX, en revenant d'une chasse, était venu visiter mystérieusement ce château à vendre, et l'avait acheté pour Marie Touchet, sa maîtresse, afin que celle-ci, à l'abri de la jalousie de Catherine de Médicis, pût faire élever sans péril le second fils qu'elle venait de donner au roi, et qui pourtant était le seul enfant mâle de ce prince, puisque la mort, une mort suspecte au dire de beaucoup de gens, lui avait enlevé le premier fils de Marie Touchet, ainsi qu'une fille légitime qu'il avait eue de sa femme Elisabeth d'Autriche. Mais Charles IX n'avait pas joui longtemps des douceurs de la paternité. Il était allé rejoindre ses aïeux à Saint-Denis, et Marie Touchet, s'étant mariée a messire François de Balzac d'Entragues, chevalier des ordres du roi et gouverneur d'Orléans, apporta son fils et son château en dot à son mari. Le fils avait été, nous le savons, soigneusement élevé par Henri III, le château fut entretenu convenablement par M. d'Entragues, et c'était là que les deux époux venaient passer les chaudes journées de l'été, quand ils n'allaient point dans leur terre plus importante, qu'on appelait le Bois de Malesherbes. IX. LA MAISON D'ENTRAGUES 66

« —Et préviens Espérance, ou si tu ne le rattrapes pas, veille, veille autour de la maison d'Entragues, au bout du parc, du côté d'un balcon ombragé par un marronnier. —Fort bien. —Et souviens-toi, ajouta Crillon en appuyant sa robuste main sur l'épaule du garde, que s'il arrive malheur à Espérance, tu me réponds.... —Je me souviendrai qu'il m'a sauvé la vie, mon colonel, dit le garde avec noblesse.

Où vous retrouverai-je? —A Saint-Germain, où je coucherai. Pontis enfonça les éperons aux flancs du volage Coriolan, et disparut dans un tourbillon de poussière. IX.

LA MAISON D'ENTRAGUES A cent pas du village qu'on appelle aujourd'hui Ormesson, s'élevait jadis un château dont on a fait un hameau, ou plutôt des morceaux de château.

Mais à l'époque dont nous parlons, le château était bien entier, avec ses petites tours carrées montées en briques, ses fossés alimentés par des eaux claires et froides, et son parapet bâti du temps de Louis IX. Des fenêtres du donjon, de la terrasse même, la vue s'étendait charmée sur ces collines riantes qui forment à la plaine Saint-Denis une ceinture de bois et de vignes.

Le château semblait fermer au nord la plaine elle-même, et son fondateur, qui était peut-être quelque haut baron chassant la bonne aventure, pouvait surveiller à la fois les routes de Normandie et de Picardie, et s'en aller après, soit à Deuil demander l'absolution à saint Eugène, soit à Saint-Denis faire bénir son épée pour quelque croisade expiatoire. La situation du petit château était charmante.

Les terres, fertilisées par les sources généreuses qui depuis ont fait toute la fortune d'Enghien, alors inconnu, rapportent les plus beaux fruits et les plus riches fleurs de la contrée.

Cinquante ans après sa fondation, le château était caché aux trois quarts sous le feuillage des peupliers et des platanes, qui, se piquant d'émulation, avaient lancé leurs têtes chevelues par delà les cimes du donjon. Un parc plus touffu que vaste, des parterres plus vastes que soignés, un verger dont les fruits avaient eu l'honneur de figurer plus d'une fois sur des tables royales, l'eau murmurante et limpide dont l'efficacité pour les blessures avait été proclamée par Ambroise Paré, puis une distribution élégante et commode, qualités rares dans les vieux édifices, faisaient du petit domaine un bienheureux séjour fort envié des courtisans. Le roi Charles IX, en revenant d'une chasse, était venu visiter mystérieusement ce château à vendre, et l'avait acheté pour Marie Touchet, sa maîtresse, afin que celle-ci, à l'abri de la jalousie de Catherine de Médicis, pût faire élever sans péril le second fils qu'elle venait de donner au roi, et qui pourtant était le seul enfant mâle de ce prince, puisque la mort, une mort suspecte au dire de beaucoup de gens, lui avait enlevé le premier fils de Marie Touchet, ainsi qu'une fille légitime qu'il avait eue de sa femme Elisabeth d'Autriche. Mais Charles IX n'avait pas joui longtemps des douceurs de la paternité.

Il était allé rejoindre ses aïeux à Saint-Denis, et Marie Touchet, s'étant mariée a messire François de Balzac d'Entragues, chevalier des ordres du roi et gouverneur d'Orléans, apporta son fils et son château en dot à son mari. Le fils avait été, nous le savons, soigneusement élevé par Henri III, le château fut entretenu convenablement par M.

d'Entragues, et c'était là que les deux époux venaient passer les chaudes journées de l'été, quand ils n'allaient point dans leur terre plus importante, qu'on appelait le Bois de Malesherbes.

La belle Gabrielle, vol.

1 IX.

LA MAISON D'ENTRAGUES 66. »

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