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La Legende des Siecles Le soir, l'homme qui met de l'huile dans les lampes A son heure ordinaire en descendit les rampes; Là, mangé par les vers dans l'ombre de la mort, Chaque marquis auprès de sa marquise dort, Sans voir cette clarté qu'un vieil esclave apporte.

Publié le 12/04/2014

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La Legende des Siecles Le soir, l'homme qui met de l'huile dans les lampes A son heure ordinaire en descendit les rampes; Là, mangé par les vers dans l'ombre de la mort, Chaque marquis auprès de sa marquise dort, Sans voir cette clarté qu'un vieil esclave apporte. A l'endroit même où pend la lampe, sous la porte, Était le monument des deux derniers défunts; Pour raviver la flamme et brûler des parfums, Le serf s'en approcha; sur la funèbre table, Sculpté très ressemblant, le couple lamentable Dont Isora, sa dame, était l'unique enfant, Apparaissait; tous deux, dans cet air étouffant, Silencieux, couchés côte à côte, statues Aux mains jointes, d'habits seigneuriaux vêtues, L'homme avec son lion, la femme avec son chien. Il vit que le flambeau nocturne brûlait bien; Puis, courbé, regarda, des pleurs dans la paupière, Ce père de granit, cette mère de pierre; Alors il recula, pâle; car il crut voir Que ces deux fronts, tournés vers la voûte au fond noir, S'étaient subitement assombris sur leur couche, Elle ayant l'air plus triste et lui l'air plus farouche. VII JOIE AU CHÂTEAU Une file de longs et pesants chariots Qui précède ou qui suit les camps impériaux Marche là-bas avec des éclats de trompette Et des cris que l'écho des montagnes répète. Un gros de lances brille à l'horizon lointain. La cloche de Final tinte, et c'est ce matin Que du noble empereur on attend la visite. On arrache des tours la ronce parasite; On blanchit à la chaux en hâte les grands murs; On range dans la cour des plateaux de fruits mûrs; Des grenades venant des vieux monts Alpujarres, Le vin dans les barils et l'huile dans les jarres; L'herbe et la sauge en fleur jonchent tout l'escalier; Dans la cuisine un feu rôtit un sanglier; On voit fumer les peaux des bêtes qu'on écorche; Et tout rit; et l'on a tendu sous le grand porche Une tapisserie où Blanche d'Est jadis A brodé trois héros, Macchabée, Amadis, Achille, et le fanal de Rhode, et le quadrige D'Aétius, vainqueur du peuple latobrige, Et, dans trois médaillons marqués d'un chiffre en or, Trois poëtes, Platon, Plaute et Scaeva Memor. LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 75 La Legende des Siecles Ce tapis autrefois ornait la grande chambre; Au dire des vieillards, l'effrayant roi sicambre, Witikind, l'avait fait clouer en cet endroit, De peur que dans leur lit ses enfants n'eussent froid. VIII LA TOILETTE D'ISORA Cris, chansons; et voilà ces vieilles tours vivantes. La chambre d'Isora se remplit de servantes; Pour faire un digne accueil au roi d'Arle, on revêt L'enfant de ses habits de fête; à son chevet, L'aïeul, dans un fauteuil d'orme incrusté d'érable, S'assied, songeant aux jours passés, et, vénérable, Il contemple Isora, front joyeux, cheveux d'or, Comme les chérubins peints dans le corridor, Regard d'enfant Jésus que porte la madone, Joue ignorante où dort le seul baiser qui donne Aux lèvres la fraîcheur, tous les autres étant Des flammes, même, hélas! quand le coeur est content. Isora est sur le lit assise, jambes nues; Son oeil bleu rêve avec des lueurs ingénues; L'aïeul rit, doux reflet de l'aube sur le soir! Et le sein de l'enfant, demi-nu, laisse voir Ce bouton rose, germe auguste des mamelles; Et ses beaux petits bras ont des mouvements d'ailes. Le vétéran lui prend les mains, les réchauffant; Et, dans tout ce qu'il dit aux femmes, à l'enfant, Sans ordre, en en laissant deviner davantage, Espèce de murmure enfantin du grand âge, Il semble qu'on entend parler toutes les voix De la vie, heur, malheur, à présent, autrefois, Deuil, espoir, souvenir, rire et pleurs, joie et peine; Ainsi, tous les oiseaux chantent dans le grand chêne. --Fais-toi belle; un seigneur va venir; il est bon; C'est l'empereur; un roi, ce n'est pas un barbon Comme nous; il est jeune; il est roi d'Arle, en France; Vois-tu, tu lui feras ta belle révérence, Et tu n'oublieras pas de dire: monseigneur. Vois tous les beaux cadeaux qu'il nous fait! Quel bonheur! Tous nos bons paysans viendront, parce qu'on t'aime Et tu leur jetteras des sequins d'or, toi-même, De façon que cela tombe dans leur bonnet. Et le marquis, parlant aux femmes, leur prenait Les vêtements des mains. --Laissez, que je l'habille! Oh! quand sa mère était toute petite fille, LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 76
esclave

« Ce tapis autrefois ornait la grande chambre; Au dire des vieillards, l'effrayant roi sicambre, Witikind, l'avait fait clouer en cet endroit, De peur que dans leur lit ses enfants n'eussent froid. VIII LA TOILETTE D'ISORA Cris, chansons; et voilà ces vieilles tours vivantes. La chambre d'Isora se remplit de servantes; Pour faire un digne accueil au roi d'Arle, on revêt L'enfant de ses habits de fête; à son chevet, L'aïeul, dans un fauteuil d'orme incrusté d'érable, S'assied, songeant aux jours passés, et, vénérable, Il contemple Isora, front joyeux, cheveux d'or, Comme les chérubins peints dans le corridor, Regard d'enfant Jésus que porte la madone, Joue ignorante où dort le seul baiser qui donne Aux lèvres la fraîcheur, tous les autres étant Des flammes, même, hélas! quand le coeur est content. Isora est sur le lit assise, jambes nues; Son oeil bleu rêve avec des lueurs ingénues; L'aïeul rit, doux reflet de l'aube sur le soir! Et le sein de l'enfant, demi-nu, laisse voir Ce bouton rose, germe auguste des mamelles; Et ses beaux petits bras ont des mouvements d'ailes. Le vétéran lui prend les mains, les réchauffant; Et, dans tout ce qu'il dit aux femmes, à l'enfant, Sans ordre, en en laissant deviner davantage, Espèce de murmure enfantin du grand âge, Il semble qu'on entend parler toutes les voix De la vie, heur, malheur, à présent, autrefois, Deuil, espoir, souvenir, rire et pleurs, joie et peine; Ainsi, tous les oiseaux chantent dans le grand chêne. —Fais-toi belle; un seigneur va venir; il est bon; C'est l'empereur; un roi, ce n'est pas un barbon Comme nous; il est jeune; il est roi d'Arle, en France; Vois-tu, tu lui feras ta belle révérence, Et tu n'oublieras pas de dire: monseigneur. Vois tous les beaux cadeaux qu'il nous fait! Quel bonheur! Tous nos bons paysans viendront, parce qu'on t'aime Et tu leur jetteras des sequins d'or, toi-même, De façon que cela tombe dans leur bonnet. Et le marquis, parlant aux femmes, leur prenait Les vêtements des mains. —Laissez, que je l'habille! Oh! quand sa mère était toute petite fille, La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 76. »

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