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La Nuit, la Mer et l'Inconscient

Publié le 18/09/2011

Extrait du document

« A travers toute l'histoire religieuse, la notion de sacré a gardé une indivi­ du~lité bien marquée qui lui confère une incorttestable unité, quelque diverses qu apparaissent, de la plus grossière à la plus élaborée, les civilisations où on la constate , si réduite que sa sphère d'influence se présente dans l'existence moderne.

Elle continue à opposer • la voie, la vérité et la vie • aux puissances qui corrompent l'être dans tous les sens du mot, qui le portent au désespoir et qui le destinent à la perdition mais en même temps elle manifeste , en face de ce qui maintient, la connivence essentielle de ce qui exalte et de ce qui ruine.

Le profane est le monde de l'aisan­ ce et de la sécurité.

Deux gouffres le limitent .

Deux vertiges attirent l'homme, quand l'aisance et la sécurité ne le satisfont plus, quand lui pèse la sûre et prudente soumis­ sion à la règle .

Il comprend alors que celle-ci n'est là que comme une barrière, que ce n'est pas elle qui est sacrée, mais ce qu'elle met hors d'atteinte et que connaîtra et possédera seul celui qui l'aura dépassée ou brisée.

La li mite une fois franchie, il n'est pas de retour possible .

Il faut marcher sans cesse dans la voie de la sainteté et dans celle de la damnation , que joignent brusquement d'imprévisibles chemins de traverse.

Celui qui ose donner le branle aux forces souterraines, est celui que n'a pas contenté son lot, parfois celui qui n'a pu fléchir le ciel.

Il demeure qualifié pour en forcer l'entrée .

Le pacte avec l'enfer n'est pas une moindre consécration que la grâce divine.

Celui qui l'a paraphé, celui qu'elle a comblé, sont également séparés à jamais du sort commun et troublent du prestige de leur destin les rêves des timides et des rassasiés ~ue n'aura tentés aucun abîme.

CAILLOIS · L'homme et le sacré - Coll.

Idées p.

69.

Il.

-- Lumière et mysticisme (symbol isme) Enfin, ô bonheur, ô raison, j'écartais du ciel l'azur, qui est du noir, et je vécus , étincelle d'or de la lumière nature.

De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible : Elle est retrouvée Ou01 ? l'éternité.

C'est la mer mêlée Au soleil.

RIMBAUD - Une saison en Enfer .

L'homme marche sur une crête, instable ligne de partage entre la nUit et le jour , le Mysticisme et le Réalisme , les vérités de l'âme et celles des sens et de l'intelligence ; tenté par ces deux pentes, il finit le plus souvent par glisser sur l'une ou sur l'autre et deux destins se présentent à lui, qui s'opposent 'et se nient.

Autour de moi, dans les étendues de la lumière , tout est visible et intelligi­ ble.

Un monde peuplé d'objets s'offre à mes regards, proie enivrante où se précipite mon ardeur de connaître et d'agir .

Vais-je en être le maitre, le goûter par mes sens, le saisir par mon intelligence ? Ce fut le rêve de l'Occident dont la science est le couronnement, rêve de clarté, mais aussi illusion ; car dans l'espace éclairé tout est objet, • ob-jacet •, ce qui se présente en face de mol, distinct de moi, et je ne le peux voir qu'en m'en séparant.

Et cette lumière qui rend tout clair, ne livrera jamais que les apparences des êtres et des choses .

La substance , le cœur et la sève, l'âme, qu'en puis-je connaître dans cette lumière éternellement externe ? Mais au-delà même de la Nuit ultime de l'âme enseignée aussi bien par Jean de la Croix que par l'Inde, se trouvent l' eau souterraine, les sources vives, la Lumière non plus reçue mais émanée de soi, phosphorescente.

Il n'y a pas, en effet, le jour d'une part et la nuit de J'autre, mais deux lumiè­ res si contradictoires que chacune en contrariant la seconde, apparaît semblable à son obscurité : la lumière·· des sens est ombre pour l'âme, et les clartés de l'âme sont ténèbres pour les yeux.

S'il est donc simplifié d'attribuer le destin du Mysti­ cisme à l'Ombre et celui du Réalisme à la Lumière, les peintres qui ne peuvent parler qu'à nos yeux sont contraints de rester fidèles à ce contraste.

A mesure que la vie Intérieure dom ine plus Impérieusement un artiste, il baisse d' un doigt précautionneux la lampe des clartés, laisse glisser l'ombre où s'absorbe et se désincarne le monde matériel, et fait le silence des yeux pour laisser sourdre le précieux murmure de la source profonde .

Crépuscules, nuit, mutisme, vide et immobilité , les peintres de l'âme les requièrent tous.

Il leur faut ce dépouillement , ce renoncement aux lumières faciles, trompeuses, évidentes, pour rejoindre celles qui ne donnent qu'aux rares élus.

La poésie aime la nuit comma la musique s'élève mieux dans le silence ; le rossignol est nocturne et Homère aveugle ; le vieux Saül de Rembrandt écoute, le regard perdu, la harpe de David.. »

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