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La tentation de Saint Antoine Et il voit venir une femme qui pleure, appuyee sur l'epaule d'un homme a barbe blanche.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Et il voit venir une femme qui pleure, appuyee sur l'epaule d'un homme a barbe blanche. Elle est couverte d'une robe de pourpre en lambeaux. Il est nu-tete comme elle, avec une tunique de meme couleur, et porte un vase de bronze, d'ou s'eleve une petite flamme bleue. Antoine a peur--et voudrait savoir qui est cette femme. L'ETRANGER (SIMON) C'est une jeune fille, une pauvre enfant, que je mene partout avec moi. Il hausse le vase d'airain. Antoine la considere, a la lueur de cette flamme qui vacille. Elle a sur le visage des marques de morsures, le long des bras des traces de coups; ses cheveux epars s'accrochent dans les dechirures de ses haillons; ses yeux paraissent insensibles a la lumiere. SIMON Quelquefois, elle reste ainsi, pendant fort long-temps, sans parler, sans manger; puis elle se reveille,--et debite des choses merveilleuses. ANTOINE Vraiment? SIMON Ennoia! Ennoia! Ennoia! raconte ce que tu as a dire! Elle tourne ses prunelles comme sortant d'un songe, passe lentement ses doigts sur ses deux sourcils, et d'une voix dolente: HELENE (ENNOIA) J'ai souvenir d'une region lointaine, couleur d'emeraude. Un seul arbre l'occupe. Antoine tressaille. A chaque degre de ses larges rameaux se tient dans l'air un couple d'Esprits. Les branches autour d'eux s'entre-croisent, comme les veines d'un corps, et ils regardent la vie eternelle circuler depuis les racines plongeant dans l'ombre jusqu'au faite qui depasse le soleil. Moi, sur la deuxieme branche, j'eclairais avec ma figure les nuits d'ete. ANTOINE se touchant le front. Ah! ah! je comprends! la tete! IV 51 La tentation de Saint Antoine SIMON le doigt sur la bouche: Chut!... HELENE La voile restait bombee, la carene fendait l'ecume. Il me disait: "Que m'importe si je trouble ma patrie, si je perds mon royaume! Tu m'appartiendras, dans ma maison!" Qu'elle etait douce la haute chambre de son palais! Il se couchait sur le lit d'ivoire, et, caressant ma chevelure, chantait amoureusement. A la fin du jour, j'apercevais les deux camps, les fanaux qu'on allumait, Ulysse au bord de sa tente, Achille tout arme conduisant un char le long du rivage de la mer. ANTOINE Mais elle est folle entierement! Pourquoi?... SIMON Chut!... chut! HELENE Ils m'ont graissee avec des onguents, et ils m'ont vendue au peuple pour que je l'amuse. Un soir, debout, et le cistre en main, je faisais danser des matelots grecs. La pluie, comme une cataracte, tombait sur la taverne, et tes coupes de vin chaud fumaient. Un homme entra, sans que la porte fut ouverte. SIMON C'etait moi! je t'ai retrouvee! La voici, Antoine, celle qu'on nomme Sigeh, Ennoia, Barbelo, Prounikos! Les Esprits gouverneurs du monde furent jaloux d'elle, et ils l'attacherent dans un corps de femme. Elle a ete l'Helene des Troyens, dont le poete Stesichore a maudit la memoire. Elle a ete Lucrece, la patricienne violee par les rois. Elle a ete Dalila, qui coupait les cheveux de Samson. Elle a ete cette fille d'Israel qui s'abandonnait aux boucs. Elle a aime l'adultere, l'idolatrie, le mensonge et la sottise. Elle s'est prostituee a tous les peuples. Elle a chante dans tous les carrefours. Elle a baise tous les visages. A Tyr, la Syrienne, elle etait la maitresse des voleurs. Elle buvait avec eux pendant les nuits, et elle cachait les assassins dans la vermine de son lit tiede. ANTOINE Eh! que me fait!... IV 52

« SIMON le doigt sur la bouche: Chut!... HELENE La voile restait bombee, la carene fendait l'ecume.

Il me disait: “Que m'importe si je trouble ma patrie, si je perds mon royaume! Tu m'appartiendras, dans ma maison!” Qu'elle etait douce la haute chambre de son palais! Il se couchait sur le lit d'ivoire, et, caressant ma chevelure, chantait amoureusement. A la fin du jour, j'apercevais les deux camps, les fanaux qu'on allumait, Ulysse au bord de sa tente, Achille tout arme conduisant un char le long du rivage de la mer. ANTOINE Mais elle est folle entierement! Pourquoi?... SIMON Chut!...

chut! HELENE Ils m'ont graissee avec des onguents, et ils m'ont vendue au peuple pour que je l'amuse. Un soir, debout, et le cistre en main, je faisais danser des matelots grecs.

La pluie, comme une cataracte, tombait sur la taverne, et tes coupes de vin chaud fumaient.

Un homme entra, sans que la porte fut ouverte. SIMON C'etait moi! je t'ai retrouvee! La voici, Antoine, celle qu'on nomme Sigeh, Ennoia, Barbelo, Prounikos! Les Esprits gouverneurs du monde furent jaloux d'elle, et ils l'attacherent dans un corps de femme. Elle a ete l'Helene des Troyens, dont le poete Stesichore a maudit la memoire.

Elle a ete Lucrece, la patricienne violee par les rois.

Elle a ete Dalila, qui coupait les cheveux de Samson.

Elle a ete cette fille d'Israel qui s'abandonnait aux boucs.

Elle a aime l'adultere, l'idolatrie, le mensonge et la sottise.

Elle s'est prostituee a tous les peuples.

Elle a chante dans tous les carrefours.

Elle a baise tous les visages. A Tyr, la Syrienne, elle etait la maitresse des voleurs.

Elle buvait avec eux pendant les nuits, et elle cachait les assassins dans la vermine de son lit tiede. ANTOINE Eh! que me fait!...

La tentation de Saint Antoine IV 52. »

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