Devoir de Philosophie

La tentation de Saint Antoine Penses-tu qu'il soit continuellement a rajuster le monde comme une oeuvre imparfaite, et qu'il surveille tous les mouvements de tous les etres depuis le vol du papillon jusqu'a la pensee de l'homme?

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

pensee
La tentation de Saint Antoine Penses-tu qu'il soit continuellement a rajuster le monde comme une oeuvre imparfaite, et qu'il surveille tous les mouvements de tous les etres depuis le vol du papillon jusqu'a la pensee de l'homme? S'il a cree l'univers, sa providence est superflue. Si la Providence existe, la creation est defectueuse. Mais le mal et le bien ne concernent que toi,--comme le jour et la nuit, le plaisir et la peine, la mort et la naissance, qui sont relatifs a un coin de l'etendue, a un milieu special, a un interet particulier. Puisque l'infini seul est permanent, il y a l'Infini;--et c'est tout! Le Diable a progressivement etire ses longues ailes; maintenant elles couvrent l'espace. ANTOINE n'y voit plus. Il defaille. Un froid horrible me glace jusqu'au fond de l'ame. Cela excede la portee de la douleur! C'est comme une mort plus profonde que la mort. Je roule dans l'immensite des tenebres. Elles entrent en moi. Ma conscience eclate sous cette dilatation du neant! LE DIABLE Mais les choses ne t'arrivent que par l'intermediaire de ton esprit. Tel qu'un miroir concave il deforme les objets;--et tout moyen te manque pour en verifier l'exactitude. Jamais tu ne connaitras l'univers dans sa pleine etendue; par consequent tu ne peux te faire une idee de sa cause, avoir une notion juste de Dieu, ni meme dire que l'univers est infini,--car il faudrait d'abord connaitre l'Infini! La Forme est peut-etre une erreur de tes sens, la Substance une imagination de ta pensee. A moins que le monde etant un flux perpetuel des choses, l'apparence au contraire ne soit tout ce qu'il y a de plus vrai, l'illusion la seule realite. Mais es-tu sur de voir? es-tu meme sur de vivre? Peut-etre qu'il n'y a rien! Le Diable a pris Antoine; et le tenant au bout de ses bras, il le regarde la gueule ouverte, pret a le devorer. Adore-moi donc! et maudis le fantome que tu nommes Dieu! Antoine leve les yeux, par un dernier mouvement d'espoir. Le Diable l'abandonne. ***** ANTOINE se retrouve etendu sur le dos, au bord de la falaise. Le ciel commence a blanchir. VI. 103 La tentation de Saint Antoine Est-ce la clarte de l'aube, ou bien un reflet de la lune? Il tache de se soulever, puis retombe; et en claquant des dents: J'eprouve une fatigue ... comme si tous mes os etaient brises! Pourquoi? Ah! c'est le Diable! je me souviens,--et meme il me redisait tout ce que j'ai appris chez le vieux Didyme des opinions de Xenophane, d'Heraclite, de Melisse, d'Anaxagore, sur l'infini, la creation, l'impossibilite de rien connaitre! Et j'avais cru pouvoir m'unir a Dieu! Riant amerement: Ah! demence! demence! Est-ce ma faute? La priere m'est intolerable! J'ai le coeur plus sec qu'un rocher! Autrefois il debordait d'amour!... Le sable, le matin, fumait a l'horizon comme la poussiere d'un encensoir; au coucher du soleil, des fleurs de feu s'epanouissaient sur la croix;--et au milieu de la nuit, souvent il m'a semble que tous les etres et toutes les choses, recueillis dans le meme silence, adoraient avec moi le Seigneur. O charme des oraisons, felicites de l'extase, presents du ciel, qu'etes-vous devenus! Je me rappelle un voyage que j'ai fait avec Ammon, a la recherche d'une solitude pour etablir des monasteres. C'etait le dernier soir; et nous pressions nos pas, en murmurant des hymnes, cote a cote, sans parler. A mesure que le soleil s'abaissait, les deux ombres de nos corps s'allongeaient comme deux obelisques grandissant toujours et qui auraient marche devant nous. Avec les morceaux de nos batons, ca et la nous plantions des croix pour marquer la place d'une cellule. La nuit fut lente a venir; et des ondes noires se repandaient sur la terre qu'une immense couleur rose occupait encore le ciel. Quand j'etais un enfant, je m'amusais avec des cailloux a construire des ermitages. Ma mere, pres de moi, me regardait. Elle m'aura maudit pour mon abandon, en arrachant a pleines mains ses cheveux blancs. Et son cadavre est reste etendu au milieu de la cabane, sous le toit de roseaux, entre les murs qui tombent. Par un trou, une hyene en reniflant, avance la gueule!... Horreur! horreur! Il sanglote. Non, Ammonaria ne l'aura pas quittee! Ou est-elle maintenant, Ammonaria? Peut-etre qu'au fond d'une etuve elle retire ses vetements l'un apres l'autre, d'abord le manteau, puis la ceinture, la premiere tunique, la seconde plus legere, tous ses colliers; et la vapeur du cinnamome enveloppe ses membres nus. Elle se couche enfin sur la tiede mosaique. Sa chevelure a l'entour de ses hanches fait comme une toison noire,--et suffoquant un peu dans l'atmosphere trop chaude, elle respire, la taille cambree, les deux seins en avant. Tiens!... voila ma chair qui se revolte! Au milieu du chagrin la concupiscence me torture. Deux supplices a la fois, c'est trop! Je ne peux plus endurer ma personne! VI. 104
pensee

« Est-ce la clarte de l'aube, ou bien un reflet de la lune? Il tache de se soulever, puis retombe; et en claquant des dents: J'eprouve une fatigue ...

comme si tous mes os etaient brises! Pourquoi? Ah! c'est le Diable! je me souviens,—et meme il me redisait tout ce que j'ai appris chez le vieux Didyme des opinions de Xenophane, d'Heraclite, de Melisse, d'Anaxagore, sur l'infini, la creation, l'impossibilite de rien connaitre! Et j'avais cru pouvoir m'unir a Dieu! Riant amerement: Ah! demence! demence! Est-ce ma faute? La priere m'est intolerable! J'ai le coeur plus sec qu'un rocher! Autrefois il debordait d'amour!... Le sable, le matin, fumait a l'horizon comme la poussiere d'un encensoir; au coucher du soleil, des fleurs de feu s'epanouissaient sur la croix;—et au milieu de la nuit, souvent il m'a semble que tous les etres et toutes les choses, recueillis dans le meme silence, adoraient avec moi le Seigneur.

O charme des oraisons, felicites de l'extase, presents du ciel, qu'etes-vous devenus! Je me rappelle un voyage que j'ai fait avec Ammon, a la recherche d'une solitude pour etablir des monasteres. C'etait le dernier soir; et nous pressions nos pas, en murmurant des hymnes, cote a cote, sans parler.

A mesure que le soleil s'abaissait, les deux ombres de nos corps s'allongeaient comme deux obelisques grandissant toujours et qui auraient marche devant nous.

Avec les morceaux de nos batons, ca et la nous plantions des croix pour marquer la place d'une cellule.

La nuit fut lente a venir; et des ondes noires se repandaient sur la terre qu'une immense couleur rose occupait encore le ciel. Quand j'etais un enfant, je m'amusais avec des cailloux a construire des ermitages.

Ma mere, pres de moi, me regardait. Elle m'aura maudit pour mon abandon, en arrachant a pleines mains ses cheveux blancs.

Et son cadavre est reste etendu au milieu de la cabane, sous le toit de roseaux, entre les murs qui tombent.

Par un trou, une hyene en reniflant, avance la gueule!...

Horreur! horreur! Il sanglote. Non, Ammonaria ne l'aura pas quittee! Ou est-elle maintenant, Ammonaria? Peut-etre qu'au fond d'une etuve elle retire ses vetements l'un apres l'autre, d'abord le manteau, puis la ceinture, la premiere tunique, la seconde plus legere, tous ses colliers; et la vapeur du cinnamome enveloppe ses membres nus.

Elle se couche enfin sur la tiede mosaique.

Sa chevelure a l'entour de ses hanches fait comme une toison noire,—et suffoquant un peu dans l'atmosphere trop chaude, elle respire, la taille cambree, les deux seins en avant.

Tiens!...

voila ma chair qui se revolte! Au milieu du chagrin la concupiscence me torture.

Deux supplices a la fois, c'est trop! Je ne peux plus endurer ma personne! La tentation de Saint Antoine VI.

104. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles