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La tentation de Saint Antoine Il creuse la terre avec ses pattes, en criant comme un coq.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Il creuse la terre avec ses pattes, en criant comme un coq. Mille voix lui repondent. La foret tremble. Et toutes sortes de betes effroyables surgissent: le Tragelaphus, moitie cerf et moitie boeuf; le Myrmecoleo, lion par devant, fourmi par derriere, et dont les genitoires sont a rebours; le python Aksar, de soixante coudees, qui epouvanta Moise; la grande belette Pastinaca, qui tue les arbres par son odeur; le Presteros, qui rend imbecile par son contact; le Mirag, lievre cornu, habitant des iles de la mer. Le leopard Phalmant creve son ventre a force de hurler; le Senad, ours a trois tetes, dechire ses petits avec sa langue; le chien Cepus repand sur les rochers le lait bleu de ses mamelles. Des moustiques se mettent a bourdonner, des crapauds a sauter, des serpents a siffler. Des eclairs brillent. La grele tombe. Il arrive des rafales, pleines d'anatomies merveilleuses. Ce sont des tetes d'alligators sur des pieds de chevreuil, des hiboux a queue de serpent, des pourceaux a mufle de tigre, des chevres a croupe d'ane, des grenouilles velues comme des ours, des cameleons grands comme des hippopotames, des veaux a deux tetes dont l'une pleure et l'autre beugle, des foetus quadruples se tenant par le nombril et valsant comme des toupies, des ventres ailes qui voltigent comme des moucherons. Il en pleut du ciel, il en sort de terre, il en coule des roches. Partout des prunelles flamboient, des gueules rugissent; les poitrines se bombent, les griffes s'allongent, les dents grincent, les chairs clapotent. Il y en a qui accouchent, d'autres copulent, ou d'une seule bouchee s'entre-devorent. S'etouffant sous leur nombre, se multipliant par leur contact, ils grimpent les uns sur les autres;--et tous remuent autour d'Antoine avec un balancement regulier, comme si le sol etait le pont d'un navire. Il sent contre ses mollets la trainee des limaces, sur ses mains le froid des viperes; et des araignees filant leur toile l'enferment dans leur reseau. Mais le cercle des monstres s'entr'ouvre, le ciel tout a coup devient bleu, et LA LICORNE se presente. Au galop! au galop! J'ai des sabots d'ivoire, des dents d'acier, la tete couleur de pourpre, le corps couleur de neige, et la corne de mon front porte les bariolures de l'arc-en-ciel. Je voyage de la Chaldee au desert tartare, sur les bords du Gange et dans la Mesopotamie. Je depasse les autruches. Je cours si vite que je traine le vent. Je frotte mon dos contre les palmiers. Je me roule dans les bambous. D'un bond je saute les fleuves. Des colombes volent au-dessus de moi. Une vierge seule peut me brider. Au galop! au galop! Antoine la regarde s'enfuir. Et ses yeux restant leves, il apercoit tous les oiseaux qui se nourrissent de vent: le Gouith, l'Ahuti, l'Alphalim, le Iukneth des montagnes de Caff, les Homai des Arabes qui sont les ames d'hommes assassines. Il entend les perroquets proferer des paroles humaines, puis les grands palmipedes pelasgiens qui sanglotent comme des enfants ou ricanent comme de vieilles femmes. VI. 115 La tentation de Saint Antoine Un air salin le frappe aux narines. Une plage maintenant est devant lui. Au loin des jets d'eau s'elevent, lances par des baleines; et du fond de l'horizon LES BETES DE LA MER rondes comme des outres, plates comme des lames, dentelees comme des scies, s'avancent en se trainant sur le sable. Tu vas venir avec nous, dans nos immensites ou personne encore n'est descendu! Des peuples divers habitent les pays de l'Ocean. Les uns sont au sejour des tempetes; d'autres nagent en plein dans la transparence des ondes froides, broutent comme des boeufs les plaines de corail, aspirent par leur trompe le reflux des marees, ou portent sur leurs epaules le poids des sources de la mer. Des phosphorescences brillent a la moustache des phoques, aux ecailles des poissons. Des oursins tournent comme des roues, des cornes d'Ammon se deroulent comme des cables, des huitres font crier leurs charnieres, des polypes deploient leurs tentacules, des meduses fremissent pareilles a des boules de cristal, des eponges flottent, des anemones crachent de l'eau; des mousses, des varechs ont pousse. Et toutes sortes de plantes s'etendent en rameaux, se tordent en vrilles, s'allongent en pointes, s'arrondissent en eventail. Des courges ont l'air de seins, des lianes s'enlacent comme des serpents. Les Dedaims de Babylone, qui sont des arbres, ont pour fruits des tetes humaines; des Mandragores chantent, la racine Baaras court dans l'herbe. Les vegetaux maintenant ne se distinguent plus des animaux. Des polypiers, qui ont l'air de sycomores, portent des bras sur leurs branches. Antoine croit voir une chenille entre deux feuilles; c'est un papillon qui s'envole. Il va pour marcher sur un galet; une sauterelle grise bondit. Des insectes pareils a des petales de roses, garnissent un arbuste; des debris d'ephemeres font sur le sol une couche neigeuse. Et puis les plantes se confondent avec les pierres. Des cailloux ressemblent a des cerveaux, des stalactites a des mamelles, des fleurs de fer a des tapisseries ornees de figures. Dans des fragments de glace, il distingue des efflorescences, des empreintes de buissons et de coquilles--a ne savoir si ce sont les empreintes de ces choses-la, ou ces choses elles-memes. Des diamants brillent comme des yeux, des mineraux palpitent. Et il n'a plus peur! Il se couche a plat ventre, s'appuie sur les deux coudes; et retenant son haleine, il regarde. Des insectes n'ayant plus d'estomac continuent a manger; des fougeres dessechees se remettent a fleurir; des membres qui manquaient repoussent. Enfin, il apercoit de petites masses globuleuses, grosses comme des tetes d'epingles et garnies de cils tout autour. Une vibration les agite. ANTOINE VI. 116

« Un air salin le frappe aux narines.

Une plage maintenant est devant lui. Au loin des jets d'eau s'elevent, lances par des baleines; et du fond de l'horizon LES BETES DE LA MER rondes comme des outres, plates comme des lames, dentelees comme des scies, s'avancent en se trainant sur le sable. Tu vas venir avec nous, dans nos immensites ou personne encore n'est descendu! Des peuples divers habitent les pays de l'Ocean.

Les uns sont au sejour des tempetes; d'autres nagent en plein dans la transparence des ondes froides, broutent comme des boeufs les plaines de corail, aspirent par leur trompe le reflux des marees, ou portent sur leurs epaules le poids des sources de la mer. Des phosphorescences brillent a la moustache des phoques, aux ecailles des poissons.

Des oursins tournent comme des roues, des cornes d'Ammon se deroulent comme des cables, des huitres font crier leurs charnieres, des polypes deploient leurs tentacules, des meduses fremissent pareilles a des boules de cristal, des eponges flottent, des anemones crachent de l'eau; des mousses, des varechs ont pousse. Et toutes sortes de plantes s'etendent en rameaux, se tordent en vrilles, s'allongent en pointes, s'arrondissent en eventail.

Des courges ont l'air de seins, des lianes s'enlacent comme des serpents. Les Dedaims de Babylone, qui sont des arbres, ont pour fruits des tetes humaines; des Mandragores chantent, la racine Baaras court dans l'herbe. Les vegetaux maintenant ne se distinguent plus des animaux.

Des polypiers, qui ont l'air de sycomores, portent des bras sur leurs branches.

Antoine croit voir une chenille entre deux feuilles; c'est un papillon qui s'envole.

Il va pour marcher sur un galet; une sauterelle grise bondit.

Des insectes pareils a des petales de roses, garnissent un arbuste; des debris d'ephemeres font sur le sol une couche neigeuse. Et puis les plantes se confondent avec les pierres. Des cailloux ressemblent a des cerveaux, des stalactites a des mamelles, des fleurs de fer a des tapisseries ornees de figures. Dans des fragments de glace, il distingue des efflorescences, des empreintes de buissons et de coquilles—a ne savoir si ce sont les empreintes de ces choses-la, ou ces choses elles-memes.

Des diamants brillent comme des yeux, des mineraux palpitent. Et il n'a plus peur! Il se couche a plat ventre, s'appuie sur les deux coudes; et retenant son haleine, il regarde. Des insectes n'ayant plus d'estomac continuent a manger; des fougeres dessechees se remettent a fleurir; des membres qui manquaient repoussent. Enfin, il apercoit de petites masses globuleuses, grosses comme des tetes d'epingles et garnies de cils tout autour.

Une vibration les agite. ANTOINE La tentation de Saint Antoine VI.

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