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La Terre qui sort comme elle est entree, avec une chemise sur le cul!

Publié le 11/04/2014

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La Terre qui sort comme elle est entree, avec une chemise sur le cul! Un nouvel acces de gaiete la fit se tordre. --Venez donc, c'est trop rigolo... Moi, j'y retourne. Et elle sauta, elle reprit violemment sa course vers la Borderie en flammes. M. Charles, Delhomme, Macqueron, presque tous les paysans la suivirent; tandis que les femmes, ayant la Grande a leur tete, quittaient aussi le cimetiere, s'avancaient sur la route, pour mieux voir. Buteau et Lise etaient restes, et celle-ci arreta Lengaigne, desireuse de le questionner au sujet de Jean, sans en avoir l'air: il avait donc trouve du travail, qu'il logeait dans le pays? Lorsque le cabaretier eut repondu qu'il partait, qu'il se reengageait, Lise et Buteau, soulages d'un gros poids, eurent le meme mot. --En v'la un imbecile! C'etait fini, ils allaient recommencer a vivre heureux. Ils eurent un coup d'oeil sur la fosse de Fouan, que le fossoyeur achevait de remplir. Et, comme les deux petits s'attardaient a regarder, la mere les appela. --Jules, Laure, allons!... Et soyez sages, obeissez, ou l'homme viendra vous prendre pour vous mettre aussi dans la terre. Les Buteau partirent, poussant devant eux les enfants, qui savaient et qui avaient l'air tres raisonnable, avec leurs grands yeux noirs, muets et profonds. Il n'y avait plus dans le cimetiere que Jean et Jesus-Christ. Ce dernier, dedaigneux du spectacle, se contentait de suivre l'incendie de loin. Plante entre deux tombes, il se tenait immobile, ses regards se noyaient d'un reve, sa face entiere de crucifie soulard exprimait la melancolie finale de toute philosophie. Peut-etre songeait-il que l'existence s'en va en fumee. Et, comme les idees graves l'excitaient toujours beaucoup, il finit par lever la cuisse, inconsciemment, dans le vague de sa reverie. Il en fit un, il en fit deux, il en fit trois. --Nom de Dieu! dit Becu tres soul, qui traversait le cimetiere, pour se rendre au feu. --Un quatrieme, comme il passait, l'effleura de si pres, qu'il crut en sentir le tonnerre sur sa joue. Alors, en s'eloignant, il cria au camarade: --Si ce vent-la continue, il va tomber de la merde. Jesus-Christ, d'une poussee, se tata. --Tiens! tout de meme... J'ai faim de chier. Et, les jambes lourdes, ecartees, il se hata, il disparut a l'angle du mur. Jean etait seul. Au loin, de la Borderie devoree, ne montaient plus que de grandes fumees rousses, tourbillonnantes, qui jetaient des ombres de nuages au travers des labours, sur les semeurs epars. Et, lentement, il ramena les yeux a ses pieds, il regarda les bosses de terre fraiche, sous lesquelles Francoise et le vieux Fouan dormaient. Ses coleres du matin, son degout des gens et des choses s'en allaient, dans un profond apaisement. Il se sentait, malgre lui, peut-etre a cause du tiede soleil, envahi de douceur et d'espoir. VI 277 La Terre Eh! oui, son maitre Hourdequin s'etait fait bien du mauvais sang avec les inventions nouvelles, n'avait pas tire grand'chose de bon des machines, des engrais, de toute cette science si mal employee encore. Puis, la Cognette etait venue l'achever; lui aussi dormait au cimetiere; et rien ne restait de la ferme, dont le vent emportait les cendres. Mais, qu'importait! les murs pouvaient bruler, on ne brulerait pas la terre. Toujours la terre, la nourrice, serait la, qui nourrirait ceux qui l'ensemenceraient. Elle avait l'espace et le temps, elle donnait tout de meme du ble, en attendant qu'on sut lui en faire donner davantage. C'etait comme ces histoires de revolutions, ces bouleversements politiques qu'on annoncait. Le sol, disait-on, passerait en d'autres mains, les moissons des pays de la-bas viendraient ecraser les notres, il n'y aurais plus que des ronces dans nos champs. Et apres? est-ce qu'on peut faire du tort a la terre? Elle appartiendra quand meme a quelqu'un, qui sera bien force de la cultiver pour ne pas crever de faim. Si, pendant des annees, les mauvaises herbes y poussaient, ca la reposerait, elle en redeviendrait jeune et feconde. La terre n'entre pas dans nos querelles d'insectes rageurs, elle ne s'occupe pas plus de nous que des fourmis, la grande travailleuse, eternellement a sa besogne. Il y avait aussi la douleur, le sang, les larmes, tout ce qu'on souffre et tout ce qui revolte, Francoise tuee, Fouan tue, les coquins triomphants, la vermine sanguinaire et puante des villages deshonorant et rongeant la terre. Seulement, est-ce qu'on sait? De meme que la gelee qui brule les moissons, la grele qui les hache, la foudre qui les verse, sont necessaires peut-etre, il est possible qu'il faille du sang et des larmes pour que le monde marche. Qu'est-ce que notre malheur pese, dans la grande mecanique des etoiles et du soleil? Il se moque bien de nous, le bon Dieu! Nous n'avons notre pain que par un duel terrible et de chaque jour. Et la terre seule demeure l'immortelle, la mere d'ou nous sortons et ou nous retournons, elle qu'on aime jusqu'au crime, qui refait continuellement de la vie pour son but ignore, meme avec nos abominations et nos miseres. Longtemps, cette revasserie confuse, mal formulee, roula dans le crane de Jean. Mais un clairon sonna au loin, le clairon des pompiers de Bazoches-le-Doyen qui arrivaient au pas de course, trop tard. Et, a cet appel, brusquement, il se redressa. C'etait la guerre passant dans la fumee, avec ses chevaux, ses canons, sa clameur de massacre. Il serrait les poings. Ah! bon sang! puisqu'il n'avait plus le coeur a la travailler, il la defendrait, la vieille terre de France! Il partait, lorsque, une derniere fois, il promena ses regards des deux fosses, vierges d'herbe, aux labours sans fin de la Beauce, que les semeurs emplissaient de leur geste continu. Des morts, des semences, et le pain poussait de la terre. FIN VI 278

« Eh! oui, son maitre Hourdequin s'etait fait bien du mauvais sang avec les inventions nouvelles, n'avait pas tire grand'chose de bon des machines, des engrais, de toute cette science si mal employee encore.

Puis, la Cognette etait venue l'achever; lui aussi dormait au cimetiere; et rien ne restait de la ferme, dont le vent emportait les cendres.

Mais, qu'importait! les murs pouvaient bruler, on ne brulerait pas la terre.

Toujours la terre, la nourrice, serait la, qui nourrirait ceux qui l'ensemenceraient.

Elle avait l'espace et le temps, elle donnait tout de meme du ble, en attendant qu'on sut lui en faire donner davantage. C'etait comme ces histoires de revolutions, ces bouleversements politiques qu'on annoncait.

Le sol, disait-on, passerait en d'autres mains, les moissons des pays de la-bas viendraient ecraser les notres, il n'y aurais plus que des ronces dans nos champs.

Et apres? est-ce qu'on peut faire du tort a la terre? Elle appartiendra quand meme a quelqu'un, qui sera bien force de la cultiver pour ne pas crever de faim.

Si, pendant des annees, les mauvaises herbes y poussaient, ca la reposerait, elle en redeviendrait jeune et feconde.

La terre n'entre pas dans nos querelles d'insectes rageurs, elle ne s'occupe pas plus de nous que des fourmis, la grande travailleuse, eternellement a sa besogne. Il y avait aussi la douleur, le sang, les larmes, tout ce qu'on souffre et tout ce qui revolte, Francoise tuee, Fouan tue, les coquins triomphants, la vermine sanguinaire et puante des villages deshonorant et rongeant la terre.

Seulement, est-ce qu'on sait? De meme que la gelee qui brule les moissons, la grele qui les hache, la foudre qui les verse, sont necessaires peut-etre, il est possible qu'il faille du sang et des larmes pour que le monde marche.

Qu'est-ce que notre malheur pese, dans la grande mecanique des etoiles et du soleil? Il se moque bien de nous, le bon Dieu! Nous n'avons notre pain que par un duel terrible et de chaque jour.

Et la terre seule demeure l'immortelle, la mere d'ou nous sortons et ou nous retournons, elle qu'on aime jusqu'au crime, qui refait continuellement de la vie pour son but ignore, meme avec nos abominations et nos miseres. Longtemps, cette revasserie confuse, mal formulee, roula dans le crane de Jean.

Mais un clairon sonna au loin, le clairon des pompiers de Bazoches-le-Doyen qui arrivaient au pas de course, trop tard.

Et, a cet appel, brusquement, il se redressa.

C'etait la guerre passant dans la fumee, avec ses chevaux, ses canons, sa clameur de massacre. Il serrait les poings.

Ah! bon sang! puisqu'il n'avait plus le coeur a la travailler, il la defendrait, la vieille terre de France! Il partait, lorsque, une derniere fois, il promena ses regards des deux fosses, vierges d'herbe, aux labours sans fin de la Beauce, que les semeurs emplissaient de leur geste continu.

Des morts, des semences, et le pain poussait de la terre. FIN La Terre VI 278. »

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