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L'Isolement (1818). LAMARTINE

Publié le 10/07/2011

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lamartine

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne. Au coucher du soleil, tristement je m'assieds; Je promène au hasard mes regards sur la plaine. Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur; Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs: Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports-. Je contemple la terre ainsi qu'une âme errante: Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts. De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant, Je parcours tous les points de l'immense étendue, Et je dis :.« Nulle part le bonheur ne m'attend. « Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé! Quand le tour du soleil ou commence ou s'achève, D'un œil indifférent je le suis dans son cours; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève, Qu'importe le soleil? je n'attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts: Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire; Je ne demande rien à l'immense univers. Mais peut-être au delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux! Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire; Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour! Que ne puis-je, porté sur le char de l'Aurore, Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi! Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore? Il n'est rien de commun entre la terre et moi. Quand la feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons; Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie: Emportez-moi comme elle, orageux aquilons!

L'ensemble. — Les Méditations nous offrent toute l'histoire de la crise morale et sentimentale subie par Lamartine après la mort de Mme Charles. L'Isolement du poète qui, désespéré de la perte de l'être aimé, ne peut plus éprouver aucune douceur sur terre et sent même cruellement l'indifférence de la nature à l'égard de sa peine. Le vers immortel : cc Un seul être vous manque et tout est dépeuplé « manifeste à la fois le subjectivisme de Lamartine et la vérité profonde d'un sentiment humain. Ici, la nature ne console plus le poète, c'est un des rares passages dans l'œuvre de Lamartine où le paysage aimé semble froid et lointain, où son influence n'apporte ni calme ni paix. On dirait presque que Lamartine rejoint l'état d'esprit de Vigny dans la Maison du Berger. L'intensité de sa douleur lui donne une idée plus vraie des rapports de la nature et de l'homme. La pièce se termine par un appel à la mort, à un Dieu vague qui correspond seulement, comme le grand cri de Chateaubriand dans René, au besoin d'un bonheur absolu.   

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