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Marcel ARLAND: Les plus beaux de nos jours (extrait)

Publié le 22/03/2011

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L'œuvre de Marcel Arland est composée de romans, de critiques, de nouvelles. L'auteur s'enflamme parfois pour défendre « la vie « de la littérature. Son univers romanesque est nuancé, ses personnages sont en apparence discrets, pudiques, mais cette écriture harmonieuse, ponctuée de silences, ne cache-t-elle pas un profond désarroi : celui de l'auteur, de ses héros, de chacun d'entre nous, ballottés par les chaos de notre siècle et les drames de la non-communication ? Parmi ses œuvres : L'Ordre, Le Grand pardon, Les plus beaux de nos jours. La vieille femme s'assit au bord d'une chaise, eut un rire sourd, puis d'une voix un peu lointaine, qui traînait, qui chantait parfois sur un mot : — Figure-toi... oh! ça ne date pas d'aujourd'hui ni d'hier. Ça fait, est-ce que je sais ? Ça fait bien soixante ans. Enfin, c'était la première année de notre mariage. On n'était pas riche; du pauvre monde, voilà ce qu'on était. Même on avait des dettes ; pas pour nous... (nous, on n'en a jamais fait) mais c'était notre héritage. Alors on allait toutes les semaines à la ville pour vendre nos légumes. Et voilà-t-il pas qu'un jour qu'on était entré au bazar, on voit une horloge, mais une horloge !... enfin cette horloge-là. [...] Elle se tut... Puis elle croisa les mains sur son tablier et d'une voix ironique : — On a acheté la belle horloge. Et regardant l'enfant qui n'avait pas bougé : — Ça doit bien te faire rire, notre enfant ! Tes parents sont riches ; ils achètent ce qui leur plaît. Et moi depuis ce temps-là, j'ai gagné quelques sous, nous avons mis notre petit-fils aux classes. Mais autrefois, vois-tu, on travaillait même la nuit ; pas de viande ; le beurre, on ne le mangeait pas, on le vendait. Alors, tu comprends, cette horloge... De nouveau elle se mit à rire ; puis elle se moucha, balança la tête et reprit d'un ton plus bas : — Et le plus beau je ne te l'ai pas dit. L'horloge était derrière nous dans la voiture. On ne disait rien. On n'osait pas se retourner ; c'était comme si on l'avait volée. Et quand on est arrivé la nuit, on s'est dit : « Si les gens la voient, ils nous croiront fous avec notre misère, nos dettes «. Et sais-tu bien? Nous l'avons montée au grenier, recouverte avec du foin, et elle est restée là pendant cinq ans.

Elle se leva, secoua son tablier, et d'une voix soudain vide : — Ma pauvre petite, je t'ennuie avec mes histoires... En un commentaire composé, vous pourrez par exemple dégager le réalisme de ce texte et préciser l'émotion discrète qu'il fait naître.   

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