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Monsieur Bergeret a Paris facile, disposée à l'amusement qu'un homme procure par des plaisanteries un peu grasses et par une certaine laideur.

Publié le 11/04/2014

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Monsieur Bergeret a Paris facile, disposée à l'amusement qu'un homme procure par des plaisanteries un peu grasses et par une certaine laideur. Après un moment de gêne bien naturelle, elle sentit que ce ne serait pas horrible, ni même très ennuyeux. Ce fut très bien. Le passage du beauvais à la duchesse et de la duchesse au grand sofa se fit convenablement. On jugea inutile de s'arrêter aux coussins orientaux et l'on passa dans la chambre des Baudouin. Quand Clotilde songea à les regarder, la chambre était, comme ces tableaux du peintre érotique, toute jonchée de vêtements de femme et de linge fin. --Ah! les voilà, vos Baudouin. Vous en avez deux... --Parfaitement. Il possédait le Jardinier galant et le Carquois épuisé, deux petites gouaches qu'il avait payées soixante mille francs pièce à la vente Godard, et qui lui revenaient beaucoup plus cher que cela par l'usage qu'il en faisait. Il examinait en connaisseur, très calme maintenant et même un peu mélancolique, cette fine, élégante, coulante figure de femme, et il goûtait à la trouver jolie une petite satisfaction d'amour-propre qui s'avivait à mesure qu'elle revêtait pièce à pièce son caractère social avec ses vêtements. Elle demanda la liste des candidats: --Panneton, industriel; Dieudonné de Gromance, propriétaire; docteur Fornerol; Mulot, explorateur. --Mulot? --Le fils Mulot. Il faisait des dettes à Paris. Le père Mulot l'envoya faire le tour du monde. Désiré Mulot, explorateur. C'est excellent, un candidat explorateur. Les électeurs espèrent qu'il ouvrira des débouchés nouveaux à leurs produits. Et surtout ils sont flattés. Madame de Gromance devenait une femme sérieuse. Elle voulut connaître la proclamation aux électeurs sénatoriaux. Il la lui résuma et en récita les passages qu'il savait par coeur. --D'abord nous promettons l'apaisement. Brécé et les nationalistes purs n'ont pas assez insisté sur l'apaisement. Ensuite nous flétrissons le parti sans nom. Elle demanda: --Qu'est-ce que c'est que le parti sans nom? --Pour nous, c'est celui de nos adversaires. Pour nos adversaires, c'est le nôtre. Il n'y a pas d'équivoque possible... Nous flétrissons les traîtres, les vendus. Nous combattons la puissance de l'argent. Cela, très utile, pour la petite noblesse ruinée. Ennemis de toute réaction, nous répudions la politique d'aventures. La France veut résolument la paix. Mais le jour où elle tirerait l'épée du fourreau..., etc., etc. La Patrie repose ses regards avec orgueil et tendresse sur son admirable armée nationale.. Il faudra changer un peu cette phrase-là. --Pourquoi? --Parce qu'elle est littéralement dans les deux autres manifestes électoraux, dans celui des nationalistes et dans celui des ennemis de l'armée. XIX 67 Monsieur Bergeret a Paris --Et vous me promettez que Dieudonné passera. --Dieudonné ou Goby. --Comment?... Dieudonné ou Goby? Si vous n'étiez pas plus sûr que ça, vous auriez dû me prévenir.... Dieudonné ou Goby!... A vous entendre, on dirait que c'est la même chose. --Ce n'est pas la même chose. Mais dans les deux cas, Brécé échoue.... --Vous savez, Brécé est de nos amis. --Et des miens!... Dans les deux cas, vous dis-je, Brécé échoue avec sa liste, et M. de Gromance, en contribuant à son échec, se sera acquis des titres à la reconnaissance du préfet et du gouvernement. Après les élections, quel qu'en soit le résultat, vous reviendrez voir mes Baudouin, et je fais votre mari... tout ce que vous voudrez qu'il soit. --Ambassadeur. Au scrutin du 28 janvier, la liste des nationalistes: comte de Brécé; colonel Despautères; Lerond, ancien magistrat; Lafolie, boucher, obtint cent voix en moyenne. La liste des républicains progressistes: Félix Panneton, industriel; Dieudonné de Gromance, propriétaire; Mulot, explorateur; docteur Fornerol, obtint cent trente voix en moyenne; Laprat-Teulet, compromis dans le Panama, ne réunit sur son nom que cent vingt suffrages. Les trois autres sénateurs sortants, républicains radicaux, obtinrent deux cents voix en moyenne. Au second tour de scrutin, Laprat-Teulet tomba à soixante voix. Au troisième tour, Goby, Mannequin, Ledru, sénateurs sortants radicaux, et Félix Panneton, républicain progressiste, furent élus. XX --Contemplez ce spectacle, dit, sur les marches du Trocadéro, M. Bergeret à M. Goubin, son disciple, qui essuyait les verres de son lorgnon. Voyez: dômes, minarets, flèches, clochers, tours, frontons, toits de chaume, d'ardoise, de verre, de tuile, de faïences colorées, de bois, de peaux de bêtes, terrasses italiennes et terrasses mauresques, palais, temples, pagodes, kiosques, huttes, cabanes, tentes, châteaux d'eaux, château de feu, contrastes et harmonies de toutes les habitations humaines, féerie du travail, jeux merveilleux de l'industrie, amusement énorme du génie moderne, qui a planté là les arts et métiers de l'univers. --Pensez-vous, demanda M. Goubin, que la France tirera profit de cette immense Exposition? --Elle en peut recueillir de grands avantages, répondit M. Bergeret, à la condition de n'en pas concevoir un stérile et hostile orgueil. Ceci n'est que le décor et l'enveloppe. L'étude du dedans donnera lieu de considérer de plus près l'échange et la circulation des produits, la consommation au juste prix, l'augmentation du travail et du salaire, l'émancipation de l'ouvrier. Et n'admirez-vous pas, monsieur Goubin, un des premiers bienfaits de l'Exposition universelle? Voici que, tout d'abord, elle a mis en déroute Jean Coq et Jean Mouton. Jean Coq et Jean Mouton, où sont-ils? On ne les voit ni ne les entend. Naguère on ne voyait qu'eux. Jean Coq allait devant, la tête haute et le mollet tendu. Jean Mouton allait derrière, gras et frisé. Toute la ville retentissait de leur cocorico et de leur bêe, bêe, bêe; car ils étaient éloquents. J'ouïs, un jour de cet hiver, Jean Coq qui disait: »--Il faut faire la guerre. Ce gouvernement l'a rendue inévitable par sa lâcheté. XX 68

« —Et vous me promettez que Dieudonné passera. —Dieudonné ou Goby. —Comment?...

Dieudonné ou Goby? Si vous n'étiez pas plus sûr que ça, vous auriez dû me prévenir.... Dieudonné ou Goby!...

A vous entendre, on dirait que c'est la même chose. —Ce n'est pas la même chose.

Mais dans les deux cas, Brécé échoue.... —Vous savez, Brécé est de nos amis. —Et des miens!...

Dans les deux cas, vous dis-je, Brécé échoue avec sa liste, et M.

de Gromance, en contribuant à son échec, se sera acquis des titres à la reconnaissance du préfet et du gouvernement.

Après les élections, quel qu'en soit le résultat, vous reviendrez voir mes Baudouin, et je fais votre mari...

tout ce que vous voudrez qu'il soit. —Ambassadeur. Au scrutin du 28 janvier, la liste des nationalistes: comte de Brécé; colonel Despautères; Lerond, ancien magistrat; Lafolie, boucher, obtint cent voix en moyenne.

La liste des républicains progressistes: Félix Panneton, industriel; Dieudonné de Gromance, propriétaire; Mulot, explorateur; docteur Fornerol, obtint cent trente voix en moyenne; Laprat-Teulet, compromis dans le Panama, ne réunit sur son nom que cent vingt suffrages.

Les trois autres sénateurs sortants, républicains radicaux, obtinrent deux cents voix en moyenne. Au second tour de scrutin, Laprat-Teulet tomba à soixante voix. Au troisième tour, Goby, Mannequin, Ledru, sénateurs sortants radicaux, et Félix Panneton, républicain progressiste, furent élus. XX —Contemplez ce spectacle, dit, sur les marches du Trocadéro, M.

Bergeret à M.

Goubin, son disciple, qui essuyait les verres de son lorgnon.

Voyez: dômes, minarets, flèches, clochers, tours, frontons, toits de chaume, d'ardoise, de verre, de tuile, de faïences colorées, de bois, de peaux de bêtes, terrasses italiennes et terrasses mauresques, palais, temples, pagodes, kiosques, huttes, cabanes, tentes, châteaux d'eaux, château de feu, contrastes et harmonies de toutes les habitations humaines, féerie du travail, jeux merveilleux de l'industrie, amusement énorme du génie moderne, qui a planté là les arts et métiers de l'univers. —Pensez-vous, demanda M.

Goubin, que la France tirera profit de cette immense Exposition? —Elle en peut recueillir de grands avantages, répondit M.

Bergeret, à la condition de n'en pas concevoir un stérile et hostile orgueil.

Ceci n'est que le décor et l'enveloppe.

L'étude du dedans donnera lieu de considérer de plus près l'échange et la circulation des produits, la consommation au juste prix, l'augmentation du travail et du salaire, l'émancipation de l'ouvrier.

Et n'admirez-vous pas, monsieur Goubin, un des premiers bienfaits de l'Exposition universelle? Voici que, tout d'abord, elle a mis en déroute Jean Coq et Jean Mouton.

Jean Coq et Jean Mouton, où sont-ils? On ne les voit ni ne les entend.

Naguère on ne voyait qu'eux.

Jean Coq allait devant, la tête haute et le mollet tendu.

Jean Mouton allait derrière, gras et frisé.

Toute la ville retentissait de leur cocorico et de leur bêe, bêe, bêe; car ils étaient éloquents.

J'ouïs, un jour de cet hiver, Jean Coq qui disait: »—Il faut faire la guerre.

Ce gouvernement l'a rendue inévitable par sa lâcheté.

Monsieur Bergeret a Paris XX 68. »

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