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PASSAGE DE LA PHILOSOPHIE MORALE POPULAIRE A LA MÉTAPHYSIQUE DES MOEURS (KANT)

Publié le 28/06/2012

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L'idée du devoir est indépendante de l'expérience 

Bien que nous ayons jusqu'ici emprunté notre concept du devoir à l'usage commun de la raison pratique, il n'en faudrait pas conclure pour cela que nous l'avons regardé comme un concept empirique. Au contraire, si nous considérons ce que l'expérience nous révèle au sujet de la conduite des hommes, nous enténdrons bien des gens se plaindre continuellement, et à juste titre, nous l'avouons, qu'il n'est pas possible de citer un seul exemple certain de l'intention d'agir par devoir. Mainte action peut être conforme à ce que le devoir ordonne, sans qu'il cesse pour cela d'être douteux qu'elle soit réalisée uniquement par devoir et qu'elle ait une vraie valeur morale. C'est pourquoi, de tout temps, certains philosophes ont nié la réalité de l'existence de cette intention dans les actions humaines, et ont attribué toutes nos actions à l'égoïsme plus ou moins raffiné; toutefois ils ne doutaient pas pour cela de la justesse du concept de la moralité. Tout au contraire, ils s'affligeaient sincèrement de l'infirmité et de la corruption de la nature humaine, assez noble, d'une part, pour prendre comme règle de conduite une idée si digne de respect, mais de l'autre trop faible pour la suivre, d'une nature qui n'use de la raison qui devait lui donner des lois, que pour s'occuper de ses inclinations, soit pour satisfaire quelques-unes d'entre elles, soit (et c'est encore ce qu'il y a de mieux), en les conciliant toutes entre elles, le mieux possible.

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« MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS trouvons absolument aucun motif qui, en dehors du principe moral du devoir, ait pu être capable de nous faire faire telle bonne action, ou de nous inspirer tel grand sacrifice; mais il n'est pas possible de conclure avec certitude .

qu'une secrète impulsion de l'amour-propre, sous le voile de cette idée, n'ait été la véritable cause déterminante de notre volonté.

Nous nous flattons volon­ tiers, en nous attribuant faussement un mobile plus noble; mais en fait nous ne pouvons jamais, même en usant de l'examen le plus rigoureux, pénétrer jusqu'aux mobiles secrets de nos actions.

Or pour la valeur morale, ce qui importe, ce n'est point l'action extérieure que l'on voit, mais les principes intérieurs de l'action, que l'on ne voit pas.

Il n'est pas possible non plus de rendre de plus grand service à ceux qui se moquent de toute moralité, comme si c'était une chimère de l'imagination humaine exaltée par la présomption, qu'en leur concédant que les concepts du devoir (ainsi que tous les autres concepts auxquels la paresse fait appliquer une inter­ prétation toute semblable) doivent être tirés uniquement de l'expérience; ce serait en effet leur préparer un triomphe assuré.

Je veux bien accorder, par affection pour l'humanité, que la plupart de nos actions sont conformes au devoir; mais en exami­ nant de plus près leur but, on trouve partout le cher moi, qui se montre sans cesse.

C'est à lui, et non au commandement rigou­ reux du devoir, qui très souvent exigerait le renoncement à soi­ même, que se rapportent les intentions.

Sans être précisément un ennemi de la vertu, il suffit d'observer avec sang-froid et de ne pas confondre le bien lui-même avec le vif désir de voir le bien réalisé, pour que dans certaines circonstances (principalement si on est avancé en âge, et si l'on a le jugement mûri par l'expé­ rience, et aiguisé par l'observation) on se prenne à douter qu'une véritable vertu puisse se rencontrer réellement dans le monde.

Dès lors, il n'y a rien pour nous préserver de la ruine complète de nos idées morales, et pour garder dans l'âme le respect de la loi du devoir, si ce n'est la conviction que, lors même qu'il n'y aurait jamais eu d'actions provenant de cette source pure, la ques­ tion n'est ici en aucune façon de savoir ce qui peut arriver, mais que la raison commande par elle-même, indépendamment de tous les phénomènes, ce qui doit être.

En conséquence, des actions dont le monde n'a peut-être jamais jusqu'ici présenté d'exemple, dont la possibilité même pourrait être douteuse à celui précisé­ ment qui fonde tout sur l'expérience, sont cependant commandées inéluctablement par la raison.

Par exemple, la complète loyauté en amitié n'en serait pas moins obligatoire pour tout homme, alors même qu'il se pourrait fort bien qu'il n'y ait jamais eu d'ami loyal jusqu'ici, parce que ce devoir comme devoir en général est impliqué, avant toute expérience, dans l'idée même d'une raison qui détermine la volonté par des principes a priori.. »

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