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Pauline Lavallée d'un ton paternel; mais vois à quoi tu t'exposes d'aller ainsi seule la nuit.

Publié le 11/04/2014

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Pauline Lavallée d'un ton paternel; mais vois à quoi tu t'exposes d'aller ainsi seule la nuit. Allons, ajouta-t-il en passant le bras de Pauline sous le sien, tu veux faire une folie! au moins fais-la convenablement. Je te conduirai, moi; je sais où tu vas, je ne te perdrai pas de vue. Je n'entendrai rien, vous causerez, je me tiendrai à distance, et je te ramènerai. Seulement rappelle-toi que, si Montgenays se doute le moins du monde que je suis là, ou si tu essaies de sortir de la portée de ma vue, je tombe sur lui à coups de canne. Pauline n'essaya pas de nier. Elle était foudroyée de l'assurance de Lavallée; et, ne sachant comment s'expliquer sa conduite, préférant d'ailleurs toutes les humiliations à celle d'être trahie par son amant, elle se laissa conduire machinalement et à demi égarée jusqu'au parc de Monceaux, où Montgenays l'attendait dans une allée. Le comédien se cacha parmi les arbres, et les suivit de l'oeil tandis que Pauline, docile à ses avertissements, se promena avec Montgenays sans se laisser perdre de vue, et sans vouloir lui expliquer l'obstination qu'elle mettait à ne pas aller plus loin. Il attribua cette persistance à une pruderie bourgeoise qu'il trouva fort ridicule, car il n'était pas assez sot pour débuter par de l'audace. Il se composa un maintien grave, une voix profonde, des discours pleins de sentiment et de respect. Il s'aperçut bientôt que Pauline ne connaissait ni la malheureuse déclaration ni la fâcheuse lettre; et, dès cet instant, il eut beau jeu pour prévenir les desseins de Laurence. Il feignit d'être en proie à un repentir profond et d'avoir pris des résolutions sérieuses; il arrangea un nouveau roman, se confessa d'un ancien amour pour Laurence, qu'il n'avait jamais osé avouer à Pauline, et qui de temps en temps s'était réveillé malgré lui, même lorsqu'il était aux genoux de cette aimable fille, si pure, si douce, si humble, si supérieure à l'orgueilleuse actrice. Il avait cédé à des séductions terribles, à des avances délirantes; et, dernièrement encore, il avait été assez fou, assez ennemi de sa propre dignité, de son propre bonheur, pour adresser à Laurence une lettre qu'il désavouait, qu'il détestait, et dont cependant il devait la révélation textuelle à Pauline. Il lui répéta cette lettre mot à mot, insista sur ce qu'elle avait de plus coupable, de moins pardonnable, disait-il, ne voulant pas de grâce, se soumettant à sa haine, à son oubli, mais ne voulant pas mériter son mépris. --Jamais Laurence ne vous montrera cette lettre, lui dit-il; elle a trop provoqué mon retour vers elle pour vous fournir cette preuve de sa coquetterie; je n'avais donc rien à craindre de ce côté; mais je n'ai pas voulu vous perdre sans vous faire savoir que j'accepte mon arrêt avec soumission, avec repentir, avec désespoir. Je veux que vous sachiez bien que je me rétracte, et voici une nouvelle lettre que je vous prie de faire tenir à Laurence. Vous verrez comme je la juge, comme je la traite, comme je la méprise, elle! cette femme orgueilleuse et froide qui ne m'a jamais aimé et qui voulait être adorée éternellement. Elle a fait le malheur de ma vie, non pas seulement parce qu'elle a déjoué toutes les espérances qu'elle m'avait données, mais encore parce qu'elle m'a empêché de m'attacher à vous comme je le devais, comme je le pouvais, comme je le pourrais encore, si vous pouviez me pardonner ma lâcheté, mon crime et ma folie. Partagé entre deux amours, l'un orageux, dévorant, funeste, l'autre pur, céleste, vivifiant, j'ai trahi celui qui eût relevé mon âme pour celui qui la tue. le suis un misérable, mais non un scélérat. Ne voyez en moi qu'un homme affaibli et vaincu par les longues souffrances d'une passion déplorable; mais sachez bien que je ne survivrai pas à mes remords: votre pardon eût seul été capable de me sauver. Je ne puis l'implorer, car je sais que je ne le mérite pas. Vous me voyez tranquille, parce que je sais que je ne souffrirai pas longtemps. Ne craignez pas de m'accorder au moins quelque pitié; vous entendrez dire bientôt que je vous ai fait justice. Vous avez été outragée, il vous faut un vengeur. Le coupable c'est moi; le vengeur, ce sera moi encore. Pendant deux heures entières, Montgenays tint de tels discours à Pauline. Elle fondait en larmes; elle lui pardonna, elle lui jura d'oublier tout, le supplia de ne pas se tuer, lui défendit de s'éloigner, et lui promit de le revoir, fallût-il se brouiller avec Laurence: Montgenays n'en espérait pas tant et n'en demandait pas davantage. Lavallée la ramena. Elle ne lui adressa pas une parole durant tout le chemin. Sa tranquillité n'étonna point le vieux comédien; il pensa bien que Montgenays n'avait pas manqué de belles paroles et de robustes mensonges pour la calmer. Il pensa qu'elle était perdue s'il n'employait les grands moyens. Avant de la quitter, à la porte de Laurence, il glissa dans sa poche la première lettre de Montgenays, qui n'avait pas encore été décachetée. VII. 33 Pauline Laurence fut fort surprise le soir, au moment de se coucher, de voir entrer dans sa chambre, d'un air calme et avec des manières affectueuses, Pauline, qui, depuis huit jours, ne lui avait adressé que des paroles sèches et ironiques. Elle tenait une lettre qu'elle lui remit, en lui disant que c'était Lavallée qui l'en avait chargée. En reconnaissant l'écriture et le cachet de Montgenays, Laurence pensa que Lavallée avait eu quelque bonne raison pour la charger de ce message, et que le moment était venu de porter aux grands maux le grand remède. Elle ouvrit la lettre d'une main tremblante, la parcourant des yeux, hésitant encore à la faire connaître à son amie, tant elle en prévoyait l'effet terrible. Quelle fut sa stupéfaction en lisant ce qui suit: «Laurence, je vous ai trompée; ce n'est pas vous que j'aime, c'est Pauline; ne m'accusez pas, je me suis trompé moi-même. Tout ce que je vous ai dit, je le pensais en cet instant-là; l'instant d'après, et maintenant, et toujours, je le désavoue. C'est votre amie que j'adore et à qui je voudrais consacrer ma vie, si elle pouvait oublier mes bizarreries et mes incertitudes. Vous avez voulu m'égarer, m'abuser, me faire croire que vous pouviez, que vous vouliez me rendre heureux; vous n'y eussiez pas réussi, car vous n'aimez pas, et moi j'ai besoin d'une affection vraie, profonde, durable. Pardonnez-moi donc ma faiblesse comme je vous pardonne votre caprice. Vous êtes grande, mais vous êtes femme; je suis sincère, mais je suis homme; au moment de commettre une grande faute, qui eût été de nous tromper mutuellement, nous avons réfléchi et nous nous sommes ravisés tous deux, n'est-ce pas? Mais je suis prêt à mettre aux pieds de votre amie le dévouement de toute ma vie, et vous, vous êtes décidée à me permettre de lui faire ma cour assidûment, si elle-même ne me repousse pas. Croyez qu'en vous conduisant avec franchise et avec noblesse vous aurez en moi un ami fidèle et sûr.» Laurence resta confondue; elle ne pouvait comprendre une telle impudence. Elle mit la lettre dans son bureau sans témoigner rien de sa surprise. Mais Pauline croyait lire au dedans de son âme, et s'indignait des mauvaises intentions qu'elle lui supposait. Il y avait une lettre outrageante contre moi, se disait-elle en se retirant dans sa chambre, et on me l'a remise, en voici une qu'on suppose devoir me consoler, et on ne me la remet pas. Elle s'endormit pleine de mépris pour son amie; et, dans la joie dont son âme était inondée, le plaisir de se savoir enfin si supérieure à Laurence empêchait l'amitié trahie de placer un regret. L'infortunée triomphait lorsqu'elle-même venait de coopérer avec une sorte de malice à sa propre ruine. Le lendemain, Laurence commenta longuement cette lettre avec Lavallée. Le hasard ou l'habitude avait fait qu'elle était absolument conforme, pour le pli et le cachet, à celle que Montgenays avait écrite sous les yeux de Lavallée. On demanda à Pauline si elle n'avait pas eu deux lettres semblables dans sa poche lorsqu'elle avait remis celle-ci à Laurence. Triomphant en elle-même de leur désappointement, elle joua l'étonnement, prétendit ne rien comprendre à cette question, ne pas savoir de qui était la lettre, ni pourquoi ni comment on l'avait glissée dans sa poche. L'autre était déjà retournée entre les mains de Montgenays. Dans sa joie insensée, Pauline, voulant lui donner un grand et romanesque témoignage de confiance et de pardon, la lui avait envoyée sans l'ouvrir. Laurence voulait encore croire à une sorte de loyauté de la part de Montgenays. Lavallée ne pouvait s'y tromper. Il lui raconta le rendez-vous où il avait conduit Pauline, et se le reprocha. Il avait compté qu'au sortir d'une entrevue où Montgenays aurait menti impudemment, l'effet de la lettre sur Pauline serait décisif. Il ne pouvait s'expliquer encore comment Pauline avait si merveilleusement aidé sa perversité à triompher de tous les obstacles. Laurence ne voulait pas croire qu'elle aussi s'entendît à l'intrigue et y prît une part si funeste à sa dignité. Que pouvait faire Laurence? Elle tenta un dernier effort pour dessiller les yeux de son amie. Celle-ci éclatant enfin, et refusant de croire à d'autres éclaircissements que ceux que Montgenays lui avait donnés, lui déchira le coeur par l'amertume de ses reproches et le dédain triomphant de son illusion. Laurence fut forcée de lui adresser quelques avertissements sévères qui achevèrent de l'exaspérer; et comme Pauline lui déclarait qu'elle était indépendante, majeure, maîtresse de ses actions, et nullement disposée à se laisser enchaîner par les volontés arbitraires d'une personne qui l'avait indignement trompée, elle fut forcée de lui dire qu'elle ne VII. 34

« Laurence fut fort surprise le soir, au moment de se coucher, de voir entrer dans sa chambre, d'un air calme et avec des manières affectueuses, Pauline, qui, depuis huit jours, ne lui avait adressé que des paroles sèches et ironiques.

Elle tenait une lettre qu'elle lui remit, en lui disant que c'était Lavallée qui l'en avait chargée.

En reconnaissant l'écriture et le cachet de Montgenays, Laurence pensa que Lavallée avait eu quelque bonne raison pour la charger de ce message, et que le moment était venu de porter aux grands maux le grand remède. Elle ouvrit la lettre d'une main tremblante, la parcourant des yeux, hésitant encore à la faire connaître à son amie, tant elle en prévoyait l'effet terrible.

Quelle fut sa stupéfaction en lisant ce qui suit: «Laurence, je vous ai trompée; ce n'est pas vous que j'aime, c'est Pauline; ne m'accusez pas, je me suis trompé moi-même.

Tout ce que je vous ai dit, je le pensais en cet instant-là; l'instant d'après, et maintenant, et toujours, je le désavoue.

C'est votre amie que j'adore et à qui je voudrais consacrer ma vie, si elle pouvait oublier mes bizarreries et mes incertitudes.

Vous avez voulu m'égarer, m'abuser, me faire croire que vous pouviez, que vous vouliez me rendre heureux; vous n'y eussiez pas réussi, car vous n'aimez pas, et moi j'ai besoin d'une affection vraie, profonde, durable.

Pardonnez-moi donc ma faiblesse comme je vous pardonne votre caprice.

Vous êtes grande, mais vous êtes femme; je suis sincère, mais je suis homme; au moment de commettre une grande faute, qui eût été de nous tromper mutuellement, nous avons réfléchi et nous nous sommes ravisés tous deux, n'est-ce pas? Mais je suis prêt à mettre aux pieds de votre amie le dévouement de toute ma vie, et vous, vous êtes décidée à me permettre de lui faire ma cour assidûment, si elle-même ne me repousse pas.

Croyez qu'en vous conduisant avec franchise et avec noblesse vous aurez en moi un ami fidèle et sûr.» Laurence resta confondue; elle ne pouvait comprendre une telle impudence.

Elle mit la lettre dans son bureau sans témoigner rien de sa surprise.

Mais Pauline croyait lire au dedans de son âme, et s'indignait des mauvaises intentions qu'elle lui supposait.

Il y avait une lettre outrageante contre moi, se disait-elle en se retirant dans sa chambre, et on me l'a remise, en voici une qu'on suppose devoir me consoler, et on ne me la remet pas.

Elle s'endormit pleine de mépris pour son amie; et, dans la joie dont son âme était inondée, le plaisir de se savoir enfin si supérieure à Laurence empêchait l'amitié trahie de placer un regret.

L'infortunée triomphait lorsqu'elle-même venait de coopérer avec une sorte de malice à sa propre ruine. Le lendemain, Laurence commenta longuement cette lettre avec Lavallée.

Le hasard ou l'habitude avait fait qu'elle était absolument conforme, pour le pli et le cachet, à celle que Montgenays avait écrite sous les yeux de Lavallée.

On demanda à Pauline si elle n'avait pas eu deux lettres semblables dans sa poche lorsqu'elle avait remis celle-ci à Laurence.

Triomphant en elle-même de leur désappointement, elle joua l'étonnement, prétendit ne rien comprendre à cette question, ne pas savoir de qui était la lettre, ni pourquoi ni comment on l'avait glissée dans sa poche.

L'autre était déjà retournée entre les mains de Montgenays.

Dans sa joie insensée, Pauline, voulant lui donner un grand et romanesque témoignage de confiance et de pardon, la lui avait envoyée sans l'ouvrir. Laurence voulait encore croire à une sorte de loyauté de la part de Montgenays.

Lavallée ne pouvait s'y tromper.

Il lui raconta le rendez-vous où il avait conduit Pauline, et se le reprocha.

Il avait compté qu'au sortir d'une entrevue où Montgenays aurait menti impudemment, l'effet de la lettre sur Pauline serait décisif.

Il ne pouvait s'expliquer encore comment Pauline avait si merveilleusement aidé sa perversité à triompher de tous les obstacles.

Laurence ne voulait pas croire qu'elle aussi s'entendît à l'intrigue et y prît une part si funeste à sa dignité. Que pouvait faire Laurence? Elle tenta un dernier effort pour dessiller les yeux de son amie.

Celle-ci éclatant enfin, et refusant de croire à d'autres éclaircissements que ceux que Montgenays lui avait donnés, lui déchira le coeur par l'amertume de ses reproches et le dédain triomphant de son illusion.

Laurence fut forcée de lui adresser quelques avertissements sévères qui achevèrent de l'exaspérer; et comme Pauline lui déclarait qu'elle était indépendante, majeure, maîtresse de ses actions, et nullement disposée à se laisser enchaîner par les volontés arbitraires d'une personne qui l'avait indignement trompée, elle fut forcée de lui dire qu'elle ne Pauline VII.

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