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Pensées. Blaise PASCAL

Publié le 12/07/2011

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pascal

Il est dangereux de trop faire voir à l'homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l'un et l'autre. Mais il est très avantageux de lui représenter l'un et l'autre. Il ne faut pas que l'homme croie qu'il est égal aux bêtes, ni aux anges, ni qu'il ignore l'un et l'autre, mais qu'il sache l'un et l'autre. S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante; et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible. Il est bon d'être lassé et fatigué par l'inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au Libérateur. Toutes ces contrariétés, qui semblaient le plus m'éloigner de la connaissance de la religion, est ce qui m'a le plus conduit à la véritable. La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle n'est que faible, si elle ne va jusqu'à connaître cela. Que si les choses naturelles la surpassent, que dira-t-on des surnaturelles? Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. Qui ne fait ainsi n'entend pas la force de la raison. Il y [en] a qui /aillent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme démonstratif, manque de se connaître en démonstration : ou en doutant de tout, manque de savoir où il faut se soumettre ; ou en se soumettant en tout, manque de savoir où il faut juger. Soumission et usage de la raison, en quoi consiste le vrai christianisme. Saint Augustin : la raison ne se soumettrait jamais, si elle ne jugeait qu'il y a des occasions où elle se doit soumettre. Il est donc juste quelle se soumette, quand elle juge qu'elle se doit soumettre. Il n'y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison. Si on soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l'être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y adonne; et il se durcit contre l'un ou l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre: est-ce par raison que vous vous aimez? C'est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.

L'ensemble. — Toutes ces Pensées, dont le mouvement heurté et comme haletant accentue le sentiment douloureux et angoissé, sont consacrées à préciser la faiblesse de la raison humaine. Cette raison, Pascal, après Montaigne, cherche à démontrer son insuffisance et son ignorance. Elle n'est si chancelante et si vacillante, dit-il, que pour abattre notre orgueil et nous jeter plus sûrement entre les bras de Dieu. Pascal ne nie pas la raison, mais il ne la reconnaît capable que d'avouer notre infériorité et d'affirmer la nécessité d'une foi religieuse; enfin, si l'on doit donner au cœur la suprématie dans l'être, il est bien entendu que ces cc raisons du cœur « sont des raisons de foi, par lesquelles on va plus loin que par les seules démarches de l'intelligence. Pascal revient également ici sur les deux natures de l'hoir me, sur ce dualisme, cette antithèse qu'offre l'humanité et que, seule, la religion explique par le dogme de la chute originelle. A la fois « ange et bête «, « monstre incompréhensible «.

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