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PRÉFACE Je vous promets, lecteur, quatre choses capables de vous obliger à quelque attention, et desquelles je vous mettrai quelques traits devant les yeux en cette préface.

Publié le 01/10/2013

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PRÉFACE Je vous promets, lecteur, quatre choses capables de vous obliger à quelque attention, et desquelles je vous mettrai quelques traits devant les yeux en cette préface. Je tâcherai donc de vous y faire remarquer la dignité et l'utilité de la matière que je veux traiter, la droite et courte méthode dont je me servirai, la juste cause et la bonne intention qui m'ont fait prendre la plume, et enfin la modération avec laquelle je coucherai par écrit mes pensées. J'expliquerai en ce traité quels sont les devoirs des hommes, premièrement en tant qu'hommes, puis en tant que citoyens, et finalement en tant que chrétiens. Dans lesquelles trois sortes de devoirs sont contenus les éléments du droit de nature et du droit des gens, l'origine et la force de la justice, et même aussi l'essence de la religion chrétienne, autant que le permettent les bornes que je me suis données. Les sages de la plus éloignée antiquité affirmèrent qu'il ne fallait pas transmettre à la postérité cette sorte de doctrine (hormis celle qui regarde la religion chrétienne) si ce n'est parée des ornements de la poésie, ou revêtue d'allégories ; comme s'ils eussent appréhendé que les disputes des personnes privées ne salissent une si belle matière, et que les contestations des particuliers ne profanassent ce saint et sacré mystère de l'empire. Cependant les philosophes s'adonnaient en toute liberté à leurs spéculations. Les uns considéraient les figures et les mouvements, au grand avantage des commodités de la vie, qui était avancée par l'utilité de leurs inventions. Les autres recherchaient établie sur de vrais principes, par des conséquences d'une connexion évidente, il nous sera plus aisé de la remarquer, si nous prenons garde aux inconvénients et aux dommages qu'une espèce de politique trompeuse et babillarde apporte dans le monde, où ses malheureuses maximes sont en usage. Si nous nous abusons aux choses dont la spéculation ne tend qu'à l'exercice de l'esprit, notre erreur est innocente, et il n'y a que la seule perte du temps à regretter. Mais nous nous méprenons en celles que chacun doit soigneusement considérer pour la commodité de la vie ; ce ne seront pas seulement les fautes que nous commettrons qui nous seront nuisibles, l'ignorance même nous sera de grand préjudice, et il faudra nécessairement qu'il en naisse des injures, des querelles, et des meurtres. Comme donc ces inconvénients sont fort considérables, les avantages qui nous reviennent d'une meilleure information de cette science, sont d'une très grande importance, et son utilité en est toute manifeste. En effet, combien de rois y a-t-il eu, et des plus gens de bien de leur royaume, à qui cette funeste erreur, qu'un sujet a droit de tuer son tyran, a coûté malheureusement la vie ? Combien de milliers d'hommes a fait périr cette pernicieuse maxime, qu'un prince souverain peut être dépouillé de ses États en certaines occasions, et par certaines personnes ? A combien d'autres a coupé la gorge cette doctrine erronée, que les rois étaient ministres, et non pas au-dessus de la multitude ? En un mot, de combien de rébellions et d'étranges félonies a été causée l'erreur de ceux qui ont enseigné qu'il appartenait à des personnes privées de juger de la justice ou de l'injustice des édits d'un monarque, et que non seulement on pouvait avec raison, mais qu'on devait disputer de la qualité de ses commandements avant que de lui obéir ? Il y a d'ailleurs en la philosophie morale, communément reçue, quantité d'autres propositions qui ne sont pas moins dangereuses que celles-ci, et desquelles ce n'est pas ici le lieu de faire une longue liste. Je pense que ces anciens les avaient bien prévues, lorsqu'ils aimèrent mieux couvrir de fables la science du droit, que de l'exposer à l'agitation des disputes. Car, avant que ces questions séditieuses ne commencent

« établie sur de vrais principes, par des conséquences d'une connexion évidente, il nous sera plus aisé de la remarquer, si nous prenons garde aux inconvénients et aux dommages qu'une espèce de politique trompeuse et babillarde apporte dans le monde, où ses malheureuses maximes sont en usage.

Si nous nous abusons aux choses dont la spéculation ne tend qu'à l'exer- cice de l'esprit, notre erreur est innocente, et il n'y a que la seule perte du temps à regretter.

Mais nous nous méprenons en celles que chacun doit soigneusement considérer pour la commodité de la vie ; ce ne seront pas seulement les fautes que nous commettrons qui nous seront nuisibles, l'ignorance même nous sera de grand préjudice, et il faudra nécessairement qu'il en naisse des injures, des querelles, et des meurtres.

Comme donc ces inconvénients sont fort considérables, les avantages qui nous reviennent d'une meilleure information de cette science, sont d'une très grande importance, et son utilité en est toute manifeste.

En effet, combien de rois y a-t-il eu, et des plus gens de bien de leur royaume, à qui cette funeste erreur, qu'un sujet a droit de tuer son tyran, a coûté malheureusement la vie ? Combien de milliers d'hommes a fait périr cette pernicieuse maxime, qu'un prince souverain peut être dépouillé de ses États en certaines occasions, et par certaines personnes ? A combien d'autres a coupé la gorge cette doctrine erronée, que les rois étaient ministres, et non pas au-dessus de la multitude ? En un mot, de combien de rébellions et d'étranges félonies a été causée l'erreur de ceux qui ont enseigné qu'il appartenait à des per- sonnes privées de juger de la justice ou de l'injustice des édits d'un monarque, et que non seulement on pouvait avec raison, mais qu'on devait disputer de la qualité de ses commandements avant que de lui obéir ? Il y a d'ailleurs en la philosophie morale, communément reçue, quantité d'autres propositions qui ne sont pas moins dangereuses que celles-ci, et desquelles ce n'est pas ici le lieu de faire une longue liste.

Je pense que ces anciens les avaient bien prévues, lorsqu'ils aimèrent mieux couvrir de fables la science du droit, que de l'exposer à l'agitation des dis- putes.

Car, avant que ces questions séditieuses ne commencent. »

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