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Tacite, Annales (extrait)

Publié le 13/04/2013

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Rédigées au IIe siècle apr. J.-C., les Annales fragmentaires de l’historien romain Tacite développent l’histoire des successeurs d’Auguste année après année, s’intéressant surtout aux événements de la capitale et à l’entourage des empereurs. Dans les derniers livres consacrés aux frasques de Néron, il évoque Pétrone — l’auteur du Satiricon —, donnant de cet ami de l’empereur un portrait de « jouisseur « incontinent.

Annales de Tacite (Livre XVI, chapitres 18 et 19)

 

Au sujet de C. Petronius, il convient de remonter un peu en arrière. Il consacrait le jour à dormir, la nuit aux devoirs et aux plaisirs de la vie ; de même que d’autres avaient été connus pour leur activité, lui, l’était pour sa paresse, mais il n’était pas considéré comme un pilier de cabaret et un prodigue, comme la plupart de ceux qui dévorent leur fortune, plutôt comme un expert en voluptés. Et ses paroles et ses actions étaient accueillies avec d’autant plus de sympathie, comme témoignant d’un naturel plein de franchise, qu’elles étaient plus empreintes d’insouciance et témoignaient d’une sorte d’abandon de soi-même.

 

 

Cependant, proconsul de Bithynie, puis consul, il se montra vigilant et capable de gérer les affaires ; puis, retombé dans ses vices, ou parce qu’il imitait les vices, il fut choisi par Néron pour figurer dans le petit nombre de ses intimes, comme arbitre d’élégance, Néron ne trouvant rien d’agréable ni de voluptueux, tellement il avait tout, que ce que lui avait recommandé Pétrone.

 

 

D’où la jalousie de Tigellin, comme envers un rival et un plus savant que lui en fait de jouissances. Aussi a-t-il recours à la cruauté du prince, qui l’emportait sur ses autres passions, et reproche à Pétrone son amitié avec Scaevinus, après avoir acheté un esclave pour le dénoncer, lui avoir ôté tout moyen de se défendre et avoir mis en prison la plus grande partie de ses serviteurs.

 

 

Il se trouva que, ces jours-là, Caesar s’était rendu en Campanie, et Pétrone, qui était allé jusqu’à Cumes, fut détenu dans cette ville ; mais il ne supporta pas plus longtemps d’attendre, entre la crainte et l’espoir.

 

 

Cependant il ne se pressa point, pour autant, d’abandonner la vie, il se fit ouvrir les veines et, selon son caprice, se les fit bander, puis de nouveau ouvrir, et il parlait à ses amis, mais non pas d’une façon sérieuse ou de manière à se faire une glorieuse réputation de fermeté ; il écoutait non des propos sur l’immortalité de l’âme et les théories des philosophes, mais des poèmes légers et des vers faciles. À certains de ses esclaves, il fit donner des présents d’argent, à d’autres des coups de fouet. Il se mit à table, se laissa dormir pour que, bien qu’elle lui fût imposée, sa mort eût l’air d’être l’effet du sort.

 

 

Même dans son testament, à la différence de tous ceux qui périssaient, il ne flatta pas Néron ou Tigellin ou aucun autre des personnages puissants ; mais il mit par écrit les abominations du prince, en les attribuant à des débauchés et à des femmes, et en indiquant le caractère inédit de chaque accouplement ; puis il scella le livre et l’envoya à Néron. Après quoi il brisa son anneau, pour qu’il ne pût, dans la suite, servir à mettre quiconque en danger.

 

 

Source : Tacite, Annales, Paris, Gallimard, coll. « Folio «, 1990.

 

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