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XXXI .

Publié le 30/10/2013

Extrait du document

XXXI ... Sur l'autoroute du Sud, Clément Dio fonce de toute la vitesse de sa puissante voiture. Il double des convois militaires d'infanterie, camions bâchés ouverts de l'arrière sur de jeunes soldats alignés sur les banquettes. L'armée a bien changé. Elle sue la tristesse. Les soldats ne se penchent même pas pour admirer le magnifique obus rouge au capot démesuré. Iris Nan-Chan est très belle, mais les jeunes soldats n'envoient plus de baisers, pas plus qu'ils ne rient pour se faire remarquer, ne se tapent sur les cuisses, n'échangent de remarques grivoises. Même pas le geste obscène du trouffion désoeuvré qui regarde passer la chair d'ivoire inaccessible à côté de son camion. « Elle a bonne mine, l'armée ! « fait Dio. « On ne peut pas dire qu'elle parte pour la guerre en chantant ! « Il s'en réjouit. C'est un peu son oeuvre. Ah ! le beau combat que ce fut de traîner l'armée en justice, lorsqu'elle s'opposait encore à la diffusion de certaine presse dans les chambrées et foyers du soldat ! Gagné haut la main, le procès ! Depuis dix ans, on lisait La Pensée nouvelle, La Grenouille, et le reste dans tous les régiments de France et de Navarre. Dans les prisons aussi : elles avaient profité de la fournée. Vengé, le petit Ben ouad, dit Dio, qui retrouvait naguère, dans ses papiers de famille, l'acte de revente de sa grand-mère, esclave noire de arem, à un bordel pour officiers français de Rabat. Pourquoi son père, docile fonctionnaire marocain sous le protectorat, vait-il conservé cet odieux témoin du passé ? Pour la haine, mon petit, pour la haine ! ux postes de péage, des escadrons de mobiles, massifs, noirs, casqués, pas gais non plus : « La route du sud est éconseillée. « « Déconseillée ! Qu'est-ce à dire, lieutenant ? « « Eh bien ! c'est à nous de juger «, grommelle le lieutenant écoré, un regard sur le capot rouge, la belle Eurasiate, la peau bistrée et les cheveux élégamment crépus du conducteur,  demi-tour et au trot ! « « Seriez-vous raciste, lieutenant ? « « Raciste ! Moi ? Vous plaisantez ! « Plus personne n'est aciste, aujourd'hui, et heureusement, on en convient bien gentiment. La police encore moins que les autres, elle est payée our le savoir. La plaque de presse joue les sésames : « Passez, monsieur, avec nos excuses ! « La plaque de presse permet out depuis quelques années, quand elle est entre bonnes mains, a-t-on assez lutté pour cela !... Sur la voie opposée, le trafic 'anime. Dio regarde sa montre : bientôt samedi. Samedi de Pâques ! Et voilà l'autoroute engorgée dans le sens sud-nord, os tourné au soleil ! Le week-end à l'envers. Clément Dio méprise cette foule moutonnière, comme il la méprisait dans 'autre sens, d'ailleurs, courant vers le soleil comme bagnards à la soupe. Il sourit. Sa femme sourit. Leurs mains se rouvent un instant. Ils ont inversé le cours du fleuve. Le vase puant du Midi jouisseur se vide, tandis qu'un autre vase, ientôt, y déversera la vie. Était-ce bien évident ? Apocalypse ou naissance ? Nouveau type d'homme, de rapports, de ociété ? Ou bien l'anéantissement de toute vie supportable ? Dio se rend compte qu'il s'en fout complètement. Un idéal umain qui se place au-dessus des nations, des systèmes économiques, des religions et des races... Il a dit cela, il s'en ouvient. Et qu'est-ce que cela signifie ? Rien du tout. Au-dessus de tout cela, il n'y a rien. Et ce rien absolu, c'est quelque hose comme la fission de l'atome, ou bien un vide immense libéré d'un seul coup. On ne manque pas un spectacle pareil ui va reléguer le hideux champignon géant au magasin des accessoires. Le Morvan... La Bourgogne... Dio fredonne au olant : « Car le temps des mille ans s'achève et s'achève le temps des mille ans. « Maître du monde un instant, cela suffît à ustifier une vie. L'assassin de Sarajevo, par exemple, mais soudainement doué de la connaissance de l'avenir et achevant assionnément son geste au lieu de le retenir fasciné par la vision du cataclysme qu'il déchaîne. assé Mâcon, les lampadaires d'une aire de repos éclairent une colonne de chars arrêtés, comme de gros jouets alignés. Dio alentit, sort de l'autoroute et range sa voiture le long du char de tête. « Foutez le camp ! « dit une voix. Un colonel pas ontent du tout. Deuxième Hussard, régiment de Chamborant, trois siècles de tradition militaire. Autour de lui, un petit roupe silencieux : des officiers consternés. Au pied des chars, d'autres groupes plus animés : les soldats discutent. « On asse au vote «, dit un hussard. Chamborant ! Trois siècles de gloire ! Et pour finir, la crosse en l'air ! « Presse «, dit Dio.  Salaud « répond le colonel. Menaçant, il s'avance, colosse kaki, les poings serrés. Un officier s'interpose, espectueusement. « Allez au diable ! « dit le colonel. Puis il remonte dans son char et l'on n'aperçoit plus, hors de la ourelle, que sa poitrine colorée de rubans et son visage furieux sous le casque. Très joli tableau militaire, baigné par la umière un peu irréelle des lampadaires. Le char s'appelle Bir Hakeim : vieille lune ! On entend rugir le moteur du char. Un fficier hurle : « Mais ils sont toujours là, mon colonel ! Vous n'allez quand même pas faire ça ! « « M'en fous ! « crie le olonel, d'une voix de champ de bataille, « s'ils ne se lèvent pas tout de suite, je les écrase ! « Dio s'approche de l'avant du har. « Ils « sont là, une bonne vingtaine, couchés en travers du chemin de sortie vers l'autoroute. La plupart portent 'uniforme. Fourragère rouge, Chamborant, trois siècles, etc. Cinq d'entre eux sont des civils. L'un est étendu presque sous es chenilles du char. Longue barbe, cheveux bouclés, visage de christ italien. « Qui êtes-vous ? « demande Dio. « FLH «, épond le gisant. Front de libération des homosexuels. « Et vous ? « « Prolétaires anonymes «, dit un autre. Dio reconnaît les purs entre les urs. « Il va vous passer sur le corps ! « dit-il. « Il n'osera pas «, répond le pédéraste, « encore moi, cela se comprendrait, ais il n'écrasera pas ses propres soldats. « « Mais ôtez-vous de là, bon Dieu ! « supplie un officier, « vous voyez bien u'il avance ! « La masse d'acier s'est mise en marche. Le mouvement est à peine perceptible, mais les chenilles grignotent es centimètres. « Mon colonel ! « hurle l'officier. « Merde ! « répond le colonel. Iris Nan-Chan ferme les yeux. Sa moitié ccidentale ne peut en supporter plus. Lorsqu'elle les ouvre quelques instants plus tard pour satisfaire sa moitié orientale, le hrist italien a disparu et les chenilles du char traînent les lambeaux de chair sanglante. Cela n'a fait aucun bruit. L'un après 'autre, les gisants se lèvent, mais au dernier moment. L'esquive sublime du torero devant le fauve de métal. Vifs et ouples, les soldats ont roulé sur le côté, comme à l'entraînement, parcours du combattant. Régiment d'élite ! Le char Bir akeim a pris de la vitesse et roule vers l'autoroute. Le colonel ne s'est même pas retourné. Trois chars le suivent, dans un ruit de tonnerre. Puis un autre. C'est tout. Revenant de la campagne de Russie, en 1813, les hussards de Chamborant omptaient le double de survivants. Dio ne peut détacher son regard de la boue sanglante, sur la chaussée. Près de lui, un officier ravale silencieusement ses larmes. « Et comment s'appelle ce héros ? « demande Dio. L'officier se méprend sur le on : « Lui ? « dit-il bouleversé parce qu'il s'aperçoit qu'il montre du doigt la flaque de sang, « je ne sais pas. Il a dit qu'il s'appelait Paul. « « Non «, fait Dio, « pas Paul. L'autre là-bas, qui s'en va, l'assassin galonné ! « « Ah ! « dit l'officier, « le olonel ? Colonel Constantin Dragasès. « « Quel nom étrange ! « pense Dio, « Constantinople, 29 mai 1453, Constantin XI Paléologue, surnommé Dragasès, dernier empereur de Byzance. « À l'épithète d'assassin, l'officier n'a même pas protesté. Assassin, assassin, pourquoi pas ? L'idée fait son chemin, tandis que l'officier franchit le grillage de protection de l'autoroute, lui aussi comme à l'entraînement, et s'enfonce dans la campagne, à pied, sous la lune, droit devant lui... Dio a repris le volant. Il fonce, la voiture vole. Ce n'est pas une nuit à mourir dans une ferraille tordue, bêtement ! Mais non ! Il se sent immortel. Trois kilomètres plus loin, il double les cinq chars du colonel Dragasès. Il rit. Il est heureux. Surgit le péage de Villefranche, oasis violemment éclairée. Nombreuses motos rangées sur le parking. Silhouettes casquées, bottées. Drôles de casques, pour des gendarmes ! Blancs, rouges, bleu vif, barrés de lignes verticales aux couleurs phosphorescentes. « Qui êtes-vous, les gars ? « « Nous, on est les Résistants prolétaires de la Rodhiachimie. « Purs entre les purs, tous dehors par cette nuit exaltante ! Grèves sur le tas, grèves de la faim, séquestrations, sabotages, destruction de laboratoires, pogroms antiracistes, ratonades d'antiratons, pillage de magasins, lutte contre toutes les formes d'oppression, disponibles pour toutes sortes d'actions, ne consomment que des motos, des filles, du tabac, des slogans, cassent tout quand ils sont en colère, souvent licenciés mais toujours réintégrés parce qu'ils ont fini par faire peur à tout le monde, délinquants politiques car on a trouvé pour eux l'expression qui convenait : elle excuse tout. « Et qu'est-ce que vous faites là ? Où sont passés les flics ? « « Disparus depuis une heure ! « dit un magnifique grand jeune homme en jean et blouson galonné de surplus américain (badge sur l'épaule : Panama Rangers). « N'étaient pas assez nombreux, et nous «, il fait un geste à la ronde, « plus de deux cents ! Eux ? Des foireux. Troisième légion de mobiles, celle de Mâcon, on la connaît ! L'an dernier, ils nous ont tiré dessus. Une manif pacifique, mais faut avouer qu'ils étaient mal embarqués, un peu étouffés sous le nombre, les cons ! On a eu deux morts. Mais quel bel enterrement ! Cent mille personnes, toutes les usines fermées et les travailleurs défilant derrière les cercueils. Depuis, les gens crachent en passant devant leurs casernes. Les commerçants les servent comme on ne servirait pas un Noir dans une épicerie blanche en Afrique du Sud. Leurs mômes n'ont plus de copains. À l'école, personne leur cause. Leurs bonnes femmes rasent les murs et il y a même un curé qui a dit que, désormais, on leur ferait la messe chez eux, pour ne pas mélanger torchons et serviettes à l'église. Leur commandant a été sacqué. Les pauvres ! Ils ne sont plus bons à rien. Ils attendent la retraite. C'est tout juste s'ils sifflent encore aux carrefours. Alors, quand ils nous ont vus arriver, ils se sont barrés. Ils ont simplement dit qu'ils reviendraient avec des renforts. Nous, pendant ce temps, on se marre ! « Panamá Ranger, quand il rit, dégage une puissance de séduction irrésistible. Beau comme un jeune dieu échappé, triomphant, de la sombre forêt des machines. De la race des conquérants. Conquête pour conquête ! Mouvement pour mouvement ! À quoi cela sert-il ? On s'en fout ! Dio s'est nommé. Il répète : « Que faites-vous exactement ? « « Un peu de tout «, répond Panamá Ranger. « Aujourd'hui, c'est gala ! Récupération, d'abord. On tient un poste de péage, alors on fait payer. Pour tous ceux qui viennent du sud et s'en vont vers le nord, dix fois le tarif, cinq cents francs, c'est donné ! Ils payent sans moufeter. Bien trop pressés de filer. Vers le sud, des actions retardatrices, à moins qu'il s'agisse de copains. On a trouvé chez les flics un barrage pliant, avec d'énormes pointes. Le premier convoi militaire nous est passé sous le nez, il allait trop vite, on n'a pas eu le temps de s'installer. Mais le second, on ne l'a pas loupé ! La jeep de l'officier et les trois premiers camions sont venus gentiment s'empaler des quatre pneus. J'ai dit : « Arrêt-buffet, tout le monde descend ! « Les soldats rigolaient. Mais l'officier était un dur. Il a fait aligner tout son monde en formation de combat et il a crié : « Déblayez-moi tout ça ! « Alors j'ai dit : « Regardez-nous bien, les gars ! On a à peu près le même âge. Que tous ceux qui sont ouvriers, paysans, étudiants, travailleurs prolétaires sortent du rang ! « Cela a donné du mouvement ! L'officier s'est retrouvé avec cinq pauvres types qui se sont empressés de le plaquer. Ils doivent courir encore... « « Et l'officier ? « demande Dio. « Il cherche à se placer en stop à un kilomètre d'ici. Je ne sais s'il aura du succès : on l'a foutu complètement à poil ! « Dio rit de bon coeur. Au milieu de l'aire de stationnement, devant les bâtiments de police, une foule de gens, uniformes et blousons mêlés, toutes variétés de casques fraternellement confondues, se chauffent autour de grands feux de bois. On entend des cris de joie, des chants, des plaisanteries où le « cul nu du capitaine « prend des dimensions rabelaisiennes. Tout cela n'est pas bien méchant. Ridelles et banquettes des camions hors d'usage crépitent joyeusement dans les flammes. « Je crois qu'on va filer vers le sud, par des routes secondaires «, dit Panamá Ranger. « Il paraît que plus bas, les flics sont assez mauvais. Mais on laisse notre testament. « Il lève le bras, montrant le fronton du péage où s'étale un large calicot brillamment éclairé : PROLÉTAIRES, SOLDATS, PEUPLE DU GANGE TOUS SOLIDAIRES CONTRE L'OPPRESSION « C'est parfait «, approuve Dio, « mais ne tardez pas à partir. Tout à l'heure vont passer cinq chars, avec un colonel en furie et celui-là n'hésitera pas à tirer, croyez-moi ! « « C'est bon «, dit le garçon, « chao ! on se reverra sur la Côte. « « Quand ? « demande Dio. L'autre sourit : « On n'est pas trop pressé. Avec tous ses cochons qui s'enfuient vers le nord, pour s'offrir des vacances au soleil, le coin ne manquera pas de villas ! J'espère qu'ils n'ont pas vidé leurs piscines. La révolution, pour une fois qu'on la tient, c'est d'abord du bon temps ! « Exactement ce que pensait Dio au même instant. Suit un aimable désordre, deux ou trois tôles froissées par des conducteurs hilares qui font mine de s'injurier à la façon des bons Français au volant, puis tout disparaît dans la nuit, camions et garçons, tandis que parvient encore jusqu'à Clément Dio ce refrain qu'il avait écrit : « Car le temps des mille ans s'achève et s'achève le temps des mille ans... « Un silence de courte durée s'établit, à nouveau troublé par le fracas menaçant des chars de Dragasès surgissant de l'ombre sous les lampadaires du péage. Le canon du char de tête s'élève légèrement et tire quatre coups en rafales. S'écroulent dans un

« officier ravalesilencieusement seslarmes.

« Etcomment s’appellecehéros ? » demandeDio.L’officier seméprend surle ton : « Lui ? » dit-ilbouleversé parcequ’ils’aperçoit qu’ilmontre dudoigt laflaque desang, « jenesais pas.

Iladit qu’il s’appelait Paul. »« Non », faitDio, « pas Paul.L’autre là-bas,quis’en va,l’assassin galonné ! » « Ah ! »ditl’officier, « le colonel ? ColonelConstantin Dragasès. » « Quelnométrange ! » penseDio,« Constantinople, 29mai 1453, Constantin XI Paléologue, surnomméDragasès,dernierempereur deByzance. » Àl’épithète d’assassin, l’officiern’amême pasprotesté. Assassin, assassin,pourquoi pas ?L’idée faitson chemin, tandisquel’officier franchitlegrillage deprotection de l’autoroute, luiaussi comme àl’entraînement, ets’enfonce danslacampagne, àpied, souslalune, droitdevant lui... Dio arepris levolant.

Ilfonce, lavoiture vole.Cen’est pasune nuit àmourir dansuneferraille tordue,bêtement ! Mais non ! Ilse sent immortel.

Troiskilomètres plusloin, ildouble lescinq chars ducolonel Dragasès.

Ilrit.

Ilest heureux. Surgit lepéage deVillefranche, oasisviolemment éclairée.Nombreuses motosrangées surleparking.

Silhouettes casquées, bottées.

Drôlesdecasques, pourdesgendarmes ! Blancs,rouges,bleuvif,barrés delignes verticales auxcouleurs phosphorescentes.

« Quiêtes-vous, lesgars ? » « Nous, onest lesRésistants prolétaires delaRodhiachimie. » Pursentre les purs, tousdehors parcette nuitexaltante ! Grèvessurletas, grèves delafaim, séquestrations, sabotages,destruction de laboratoires, pogromsantiracistes, ratonadesd’antiratons, pillagedemagasins, luttecontre touteslesformes d’oppression, disponibles pourtoutes sortesd’actions, neconsomment quedesmotos, desfilles, dutabac, desslogans, cassenttoutquand ils sont encolère, souvent licenciés maistoujours réintégrés parcequ’ils ontfini parfaire peuràtout lemonde, délinquants politiques caronatrouvé poureuxl’expression quiconvenait : elleexcuse tout.« Etqu’est-ce quevous faites là ?Oùsont passés lesflics ? » « Disparus depuisuneheure ! » ditunmagnifique grandjeunehomme enjean etblouson galonnéde surplus américain (badgesurl’épaule : PanamaRangers).

« N’étaient pasassez nombreux, etnous », ilfait ungeste àla ronde, « plusdedeux cents ! Eux ?Desfoireux.

Troisième légiondemobiles, celledeMâcon, onlaconnaît ! L’andernier, ils nous onttiré dessus.

Unemanif pacifique, maisfautavouer qu’ilsétaient malembarqués, unpeu étouffés sousle nombre, lescons ! Onaeu deux morts.

Maisquelbelenterrement ! Centmille personnes, touteslesusines fermées etles travailleurs défilantderrière lescercueils.

Depuis,lesgens crachent enpassant devantleurscasernes.

Lescommerçants les servent comme onneservirait pasunNoir dans uneépicerie blancheenAfrique duSud.

Leurs mômes n’ontplusde copains.

Àl’école, personne leurcause.

Leursbonnes femmes rasentlesmurs etilyamême uncuré quiadit que, désormais, onleur ferait lamesse chezeux,pour nepas mélanger torchonsetserviettes àl’église.

Leurcommandant aété sacqué.

Lespauvres ! Ilsnesont plusbons àrien.

Ilsattendent laretraite.

C’esttoutjuste s’ilssifflent encoreaux carrefours.

Alors,quandilsnous ontvus arriver, ilssesont barrés.

Ilsont simplement ditqu’ils reviendraient avecdes renforts.

Nous,pendant cetemps, onsemarre ! » PanamáRanger,quandilrit, dégage unepuissance deséduction irrésistible.

Beaucomme unjeune dieuéchappé, triomphant, delasombre forêtdesmachines.

Delarace desconquérants. Conquête pourconquête ! Mouvement pourmouvement ! Àquoi celasert-il ? Ons’en fout ! Dios’est nommé.

Ilrépète : « Que faites-vous exactement ? » « Unpeudetout », répond Panamá Ranger.« Aujourd’hui, c’estgala ! Récupération, d’abord.

Ontient unposte depéage, alorsonfait payer.

Pourtousceux quiviennent dusud ets’en vont verslenord, dix fois letarif, cinqcents francs, c’estdonné ! Ilspayent sansmoufeter.

Bientroppressés defiler.

Verslesud, desactions retardatrices, àmoins qu’ils’agisse decopains.

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Maislesecond, on nel’a pas loupé ! Lajeep del’officier etles trois premiers camionssontvenus gentiment s’empalerdesquatre pneus. J’ai dit : « Arrêt-buffet, toutlemonde descend ! » Lessoldats rigolaient.

Maisl’officier étaitundur.

Ilafait aligner tout son monde enformation decombat etilacrié : « Déblayez-moi toutça ! » Alors j’aidit : « Regardez-nous bien,lesgars ! On aàpeu près lemême âge.Que tous ceux quisont ouvriers, paysans,étudiants, travailleurs prolétairessortentdurang ! » Cela adonné dumouvement ! L’officiers’estretrouvé aveccinqpauvres typesquisesont empressés deleplaquer.

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Onentend descris dejoie, deschants, desplaisanteries oùle« cul nudu capitaine » prenddesdimensions rabelaisiennes.

Toutcelan’est pasbien méchant.

Ridellesetbanquettes descamions hors d’usage crépitent joyeusement danslesflammes.

« Jecrois qu’on vafiler vers lesud, pardes routes secondaires », dit Panamá Ranger.« Ilparaît queplus bas,lesflics sontassez mauvais.

Maisonlaisse notretestament. » Illève lebras, montrant lefronton dupéage oùs’étale unlarge calicot brillamment éclairé : PROLÉTAIRES, SOLDATS,PEUPLEDUGANGE TOUS SOLIDAIRES CONTREL’OPPRESSION « C’est parfait », approuve Dio,« mais netardez pasàpartir.

Toutàl’heure vontpasser cinqchars, avecuncolonel enfurie et celui-là n’hésitera pasàtirer, croyez-moi ! » « C’estbon »,ditlegarçon, « chao ! onsereverra surlaCôte. » « Quand ? » demandeDio.L’autre sourit :« Onn’estpastrop pressé.

Avectoussescochons quis’enfuient verslenord, pour s’offrir desvacances ausoleil, lecoin nemanquera pasdevillas ! J’espère qu’ilsn’ontpasvidé leurs piscines.

La révolution, pourunefois qu’on latient, c’estd’abord dubon temps ! » Exactement ceque pensait Dioaumême instant. Suit unaimable désordre, deuxoutrois tôles froissées pardes conducteurs hilaresquifont mine des’injurier àla façon des bons Français auvolant, puistoutdisparaît danslanuit, camions etgarçons, tandisqueparvient encorejusqu’à Clément Dio cerefrain qu’ilavait écrit : « Carletemps desmille anss’achève ets’achève letemps desmille ans... » Unsilence de courte durées’établit, ànouveau troubléparlefracas menaçant deschars deDragasès surgissant del’ombre sousles lampadaires dupéage.

Lecanon duchar detête s’élève légèrement ettire quatre coupsenrafales.

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