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lecture analytique : Du Bellay : Les Regrets sonnet XXXI

Publié le 20/03/2011

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Introduction :

De 1553 à 1557, DU Bellay séjourne à Rome où il fait partie de la suite de son cousin et protecteur, le cardinal Jean Du Bellay. Ce long séjour lui inspire deux receuils importants, Les Antiquités de Rome et Les Regrets, recueil de 191 sonnets d'où est extrait ce dernier. Ce séjour est pour Du Bellay long et pénible : il a beaucoup de travail et il est malade et il ne lui plait guère d'être obligé de se comporter en courtisan.  Ce sonnet, à caractère autobiographique, exprime donc les sentiments du poète et son désenchantement face à un éloignement vécu comme un exil.

Problématique : Comment Du Bellay met-il en évidence la préférence et la souffrance pour son pays natal ?

Nous verrons dans un premier temps que ce poème est le récit d'une expérience personnelle, puis ensuite, nous analyserons le désenchantement et la nostalgie qui y sont présents.

I. Récit d'une expérience personnelle :

A/ Ainsi on retrouve le théme du voyage :

- La Renaissance coïncide avec les grandes découvertes qui fascinent et réactivent le mythe du voyage. L'auteur lui-même exprime cet enthousiasme dès le premier quatrain en plaçant son propre voyage vers Rome sous un jour prestigieux voire héroïque : évocation d'Ulysse puis de Jason sous forme de périphrase. ( Rappel : Ulysse connut 10 années d'errance avant de retrouver son royaume d'Ithaque. Jason, quant à lui, devait pour recouvrer la liberté, s'emparer de la toison d'or d'un bélier fabuleux/ les deux héros sortent de l'épreuve mûris par l'expérience). Le voyage apparaissait donc pour le poète comme une expérience majeure et positive de sa vie.

- \"plein d'usage et de raison\" : le voyage était aussi et surtout un apprentissage et pas seulement un déplacement inutile. La sagesse doit s'acquérir à l'extérieur.

- Une nécessité cependant : \" vivre entre ses parents (...) âge\" : métonymie qui insiste sur le plaisir de rentrer afin de partager avec eux les fruits de ce voyage. Ce qui fut le cas des deux héros mais pas de Du Bellay au moment où il compose ce sonnet : le premier quatrain fait le récit du voyage d'Ulysse et de Jason mais l'absence du pronom \"je\" à ce moment là insiste sur ce retour que ne connait pas Du Bellay.

 

B/ L'évocation d'un souvenir :

- En opposition au \"beau voyage\" vers 1, chargé de connotations héroïques, l'évocation du pays natal prend une part importante dans ce sonnet. Il s'agit d'un \"petit village\" et \"d'une pauvre maison\" : insiste sur une intimité modeste mais chaleureuse avec \" la cheminée qui fume\" qui symbolise le foyer et l'évocation du jardin qui voit passer les saisons. Cette évocation marquée par les adjectifs \"petit\" et \"pauvre\" est chargée de valeur affective. L'emploi de singulier \" la cheminée\" montre que la mémoire restitue le village non pas comme une juxtaposition de maisons mais comme une communauté, un tout.

- Le lyrisme : il semble absent dans cette évocation du souvenir. Le poète met à distance ce souvenir dans le premier quatrain, il cherche plutôt à évoquer ce qu'aurait pu être son expérience s'il y avait eu un retour.

 

II. Le désenchantement et la nostalgie :

A/ Le lyrisme :

- Le lyrisme se caractérise par l'expression de sentiments personnels : il est surtout manifesté à partir du second quatrain : occurences du pronom \"je\" + \"mon\", \"ma\" qui exprime la relation plus que la possession.

- L'interjection \"hélas ! \" en incise au vers 5 est dissonante.

- La modalité interrogative et la répétition du même mot \"reverrai-je\", à l'initiale des vers 5 et 7 traduit un sentiment de nostalgie d'autant plus fort que la première question est une interrogation partielle alors qe la seconde est totale. La question ne porte plus sur la date mais sur le fait donc l'inquiétude du poète. Les adjectifs antéposés \"petit village\" et \"pauvre maison\" ont une valeur affective. Enfin, l'enjambement semble même exprimer ce \"déséquilibre affectif\".

- Enfin, \"pauvre maison\" et \"petit village\" sont assosciés à une province, c'est-à-dire à un domaine qui peut-être un royaume par la tournure subjective \"qui m'est\".

- Le double adverbe \"beaucoup davantage\" clôt le quatrain avec une insistance qui montre le poids de l'exil.

 

B/ La préférence nationale :

- Les nombreuses occurrences du pronom possessif dès le deuxième quatrain et jusque dans les tercets insistent sur l'amour du pays. Il y exprime son attachement par le jeu des comparaisons entre l'Anjou et Rome.

- L'expression de la préférence apparait avec l'emploi anaphorique de \"plus\" : comparatif de supériorité qui transforme les deux tercets en sizain : une seule phrase pour six vers. L'antéposition de l'adverbe comparé permet aux vers 12 et 13 de rapprocher le comparant et le comparé et de renforcer ainsi leur contraste.

- Les comparaisons en elles-mêmes sont inégales et subjectives : La ville de Rome est évoquée dans ses caractéristiques géographiques : son fleuve, son site de collines, la proximité avec le fleuve mais aussi son histoire. Le \"mont Palatin\" évoque ainsi la légende de la fondation de la ville. Ces allusions célèbrent la grandeur de Rome mais la première comparaison montre qu'elle ne domine pas l'image de la patrie : \"front audacieux\" : la diérèse semble insister sur l'orgueil de ces palais dont le \"front\" semble laisser entendre qu'ils sont inaccessibles au commun des mortels. S'associe à la rime avec \"aïeux\" : le faste impersonnel de la pompe s'oppose à ceux qui ont constitué l'histoire d'une famille. La seconde comparaison oppose \"marbre dur\" à \"ardoise fine' : marbre blanc : matériau prestigieux qui était recherché dans l'Antiquité romaine. Alors que l'ardoise, matériau local qui s'effeuille et ne résiste pas à une charge trop importante est réservée à un usage domestique. Toutefois, \"fine\" rimant avec \"douceur angevine\" est mis en valeur. L'allitération es \"r\" de \"marbre dur\" confère à ce terme une valeur péjorative : il ne s'agit pas de montrer sa résistance mais de souligner sa dureté! Troisième comparaison : \"le Tibre latin\" et \" le mont Palatin\" opposés à \" Loire gaulois\" et \" le petit Liré\"  : \"gaulois\" semble évoquer des barbares, vaincus par Rome et s'oppose à \"latin\". Quant au petit Liré (lieu de naissance de l'auteur), l'auteur oppose la notoriété d'un lieu prestigieux qui n'est rien pour lui au lieu de ses racines : cette évocation a encore une fois une valeur affective.

 

Conclusion :

Ce poème met en évidence la nostalgie de l'auteur vis à vis de son pays natal, par le biais du lyrisme qu'il utilise constament dans le texte. La déception du voyage renforce les sentiments éprouvés pour sa province.

Ouverture : l'adaptation musicale de Ridane.

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