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François Boucher LA SUITE CHINOISE - Analyse

Publié le 14/09/2014

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La Suite chinoise est un groupe de huit esquisses à l'huile sur toile, larges de 40,5 cm et hautes de 48 cm, pro­jets pour des tapisseries destinées à être réalisées à la Manufacture de Beauvais. L'ensemble est conservé au musée des Beaux-Arts de Besançon.

Exposée au Salon de 1742, la Suite fut tissée aussitôt, puis à nou­veau en 1744. Une troisième version des oeuvres fut ensuite envoyée à l'empereur de Chine par l'intermé­diaire des missionnaires jésuites. Le monarque s'en montra satisfait au point de faire construire un palais spécialement pour leur présentation. Il semble que ces tapisseries pré­cieuses aient été pillées lors du sac du Palais d'Été à Pékin en 1860.

« Le Jardin chinois , François Boucher (Besançon , musée des Beaux-Arts).

La descrip tion détaillée du parc impérial, le •Jardin des Jardins ., écrite par le jésuite J.

D.

Attiret, n'est publiée qu'en 1749, soit sept années après que Boucher a exécuté ses esquisses, et les dessins envoyés par le père ne parviennent en France qu'en 1765 , long­ temps après que Boucher a abandonné l'inspi­ ration orientale.

L'artiste s'est-il alors servi de la De scrip tion de l'Empire de la Chine du père Du Halde , réimprimée en 1735 ? Rien ne per­ met de l'établir non plus.

À vrai dire, Boucher imagine la Ch ine plus qu'il ne cherche à la figurer fidèlement.

Avec une dextérité exemplaire, il métamorphose des scènes occidentales pour leur donner un tour asiatique.

Son]a rdin chinois est une fête galante où le souvenir de Watteau compte davantage que l'exactitude ethnologique.

La couleur locale vient de quelques détails aisés à saisir : l'éventail circulaire à manche droit, les crâne s p olis et les chignons serrés.

Mais le jeune Chinois qui tie n t une palme contre lui et admire la belle à sa toilette assise près d'un miroir est l'équivalent orientalisé d'un person­ nage fréquent dans les fêtes galantes de Watteau : le galant enamo uré p erdu dans la contem plation de celle qu'il veut conquérir.

De même, les servantes du jardin chinois sont les sœurs des dames de compagnie des peintures qui représentent des scènes à sujet européen au XVIII' siècle , et le jardin l ui-même n'est •sinisé• que superficiellement; on le situe rait plus volontiers à Saint-Cloud qu'à Canton si quelques bambous ne s'y dressaient par places.

Qu'y a-t-il de vraimen t, d'indubitablement chinois dans ce tableau? Un vase de porce­ laine bleu et blanc, un fauteuil laqué , le miroir peut-être, et rien de plus - quelques obj ets que Bouche r a vus sans peine dans les inté­ rieurs de collectionneu rs, à moins qu'il ne les possède lui-même dans son atelier.

L'artiste veut moins faire •vrai• que faire rêver.

Les incongruités ne l'embarrassent pas , ni les absurdités.

Dans /'Audience de /'empereur chi­ nois , Boucher représente par deux fois, en le modifiant à peine, le baldaquin du Bernin à Saint-Pierre de Rome , preuve décidément que ses chinoiseries sont autant de variations sur des thèmes occidentaux.

De la fantaisie à la fable L'étonnant est que ces peintures de charme, qui ont l'apparence de la légèreté et visent avant tout à la surp rise et au divertissement, n'en suggèren t pas mo ins une réflexion.

En 1721, soit une vingtaine d'années avant le jardin chinois , !'écrivain Montesquieu a fait paraître à Amsterdam, sans nom d'au teur , ses Lettres persanes.

Bien avant lui, La Fontaine a mis en ver s le Songe d'un habitant du Mogol.

C'est dire que le détour par l'Orient est apparu comme un moyen de dépeindre l'Europe, ses mœurs et parfois ses ridicules, par un jeu d'allu­ sions et de transpo sitio ns adroitement maquillées.

En ce sens, Boucher s'inscrit dans une tradition de la métaphore qui l'apparente aux écrivains : son]a rdin chinois figure en les tra­ vestissant les plaisirs - bals masqu és, galante­ ries artificieuses - de ceux qui, justement , goû­ tent sa peinture.

Certes, il ne faut probablement voir aucune allusion satirique dans cette œuvre­ ci.

Mais il n'en va pas de même dans toutes les esquisses d e la série.

Ainsi, /'Audience de l'empe­ reur chinois , pour reprendre cet exemple , est la mise en scène burlesque d'une majesté qu'il est diffic ile de prendre au sérieux.

Le suje t, parce qu'il est éloigné, supporte qu'on s'en moque ; mais la Chine peut aussi apparaître, dans cette occasion, comme le double travesti du royaume où règne Louis XV.

L'Empire du Milieu pourrait aussi bien servir de modèle à la France, modèle de sérénité, de tolé­ rance, de paix et de bonheur de vivre - ce que Boucher a mis dans ses esquisses.

Le meilleur commen taire de celles-ci se trouverai t alors dans le Dictionnaire philosophique que Voltaire fit paraître en 1764.

Des Chinois, le philosophe écrit ceci : •la constitution de leur empire est à la vérité la meilleu re qui soit au monde, la seu le qui soit toute fondée sur le pouvoir paternel [ ...

]; la seule dans laquelle un gouverneur de province soit puni, quand en sortant de charge, il n 'a pas eu les acclamations du peuple; la seu le qui ait institué des prix pour la vertu , tan­ dis que partout ailleurs les lois se bornent à punir le crime. • Tant de mérites valaient déci­ dément qu'on les peignît.

Le Flûteur , d'après Boucher (Manufac ture de Vincennes).

Ce •biscuit• , ou sculpture en porcelaine , évoque les délicatesses galantes de l'art de Boucher, qu'elles se situent en Chine ou en Occident.

François Boucher Né à Paris en 1703 , Boucher est d'a b o rd l'élève tr ès doué de son père, Ni colas Bo uch e r, puis ce l ui de Fra nço is L e m oine.

À vingt an s, il grave d'a pr ès W atteau et exéc ute ses premier s ta b lea ux.

Entr e 1728 et 173 1, il séjourne à Ro me et, pe ut-ê tr e, à Venise.

À son retour , il es t a gréé pa r l' A cad ém ie co mm e p eintre d'h is to ir e e n 1 73 1 et reç u memb re en 1 734.

Dès lors , Bouch er est à la m od e.

Sa facilité et le char me de ses comp osit io n s m yth olo ­ giq ues et gala ntes lui ass urent com­ man d es et acha t s.

Il exéc ute des carto ns d e tapisseries , des grav ures et des œuv res d éco ratives.

Ses œuvr es se voien t parto ut : à Versai lles, a u Sa lo n, d an s les hô te ls d e l 'aristoc ra tie e t à Beau va i s, où so nt tissées son H isto ir e de Psy ché e t la Sui te chinoise .

La gloir e du peintr e est europ ée nn e, d e la S uè de à la Ru ssie , et la fa vorit e de Loui s XV , Mad am e de Pomp adour , le prot ège .

En 1761, Bouc her es t recte ur de lA ca démie; en 1 765, prem ier p eint re du roi et dir ec te u r de l'A cad ém ie.

Trava ux e t ho nn e urs lui ass urent un e r ic h esse estim ab le qu 'il dép en se en œuv res et ob jets d'a rt.

Il meur t e n pleine glo ire , en 177 0.. »

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