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Géricault: analyse scientifique de l'oeuvre

Publié le 17/06/2015

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scientifique

« C'est avec vif regret, Monsieur, que je vous informe de la détermination que je me suis vu forcé de prendre contre l'un de vos élèves Mr. Jerico à qui je viens d'interdire pour toujours l'entrée du Musée [le Louvre]. « Le jeune Géricault, âgé de vingt et un ans, avait frappé un étudiant. Circonstance aggravante, Géricault avait déjà été interdit de séjour au Louvre pour s'être mis à dos les gardiens. C'était une affaire sérieuse : elle signifiait que Géricault se trouverait dans l'incapacité de copier les peintures du Louvre, sa prin­cipale méthode d'autoapprentissage. Avant la fin de l'année, pourtant, le jeune peintre présenta le Chasseur de la garde (fig. 16, p. 67) au Salon et Denon lui-même le recommanda pour la médaille d'or et le complimenta pour son tableau.

Chenique a aussi, me semble-t-il, résolu une énigme déconcertante. Après l'exposition de son fameux Radeau de la Méduse, présenté au Salon de 1819 sous le titre de Scène de naufrage parce que le sujet était encore trop brûlant, Géricault obtint une commande de l'Etat d'un montant de six mille francs. D'après ses premiers biographes, Géricault l'aurait transmise à Delacroix qui aurait ainsi réalisé la Vierge du Sacré-Coeur aujourd'hui à la cathédrale d'Ajaccio. L'histoire

semble improbable. Pouvait-on tout simplement trans­mettre une telle commande à quelqu'un d'autre ? Les documents semblent démontrer que Géricault finit par renoncer à cette commande dont bénéficia plus tard son ami Horace Vernet. Et pourtant, dans une lettre, Géricault fait allusion à un Sacré-Cœur et il semble bien qu'il ait réellement conclu un accord avec Delacroix.

Après une enquête serrée, Chenique établit qu'il y eut en fait deux commandes distinctes : une de six mille francs du ministère de la Maison du roi que l'artiste refusa et une autre de seulement deux mille quatre cents francs qui lui fut allouée le 12 janvier 1820 par le ministère de l'Intérieur pour un retable destiné à la cathédrale de Nantes, que Géricault fit exécuter par Delacroix, de sept ans son cadet et toujours à court d'argent. Au printemps, Géricault se renseigna sur les dimensions du retable, la hauteur à laquelle il devait être installé, et l'orientation de l'éclairage. On lui envoya aussi une étude pour le cadre néogothique. Delacroix mit longtemps à peindre le tableau et s'inquiétait sans cesse pour son argent. Finalement, en 1822, Géricault livra la toile, en réclama le paiement qu'il transmit sans doute à Delacroix, soit en totalité, soit en partie, on l'ignore.

Ce curieux épisode est intéressant non seulement pour ce qu'il nous apprend des relations entre deux grands artistes, mais aussi pour ce qu'il laisse entre­voir des dessous de l'administration des arts. Géricault

dut livrer le tableau comme s'il en était l'auteur. Ce qui ne trompait probablement pas grand monde. Si le tableau avait été destiné à figurer en bonne place à Paris plutôt que dans une église de province, Géricault n'aurait sans doute pas agi de la sorte. Pourtant on aimerait bien savoir si ce type de transaction était cou­rant ou s'il s'agissait d'un comportement singulier de Géricault.

Quoi qu'il en soit, la conduite de Géricault comme homme et comme artiste était souvent subversive. Mais il ne faudrait pas essayer de réduire cet artiste décon­certant à un stéréotype de contestataire gauchisant. Il suffit de rappeler qu'en 1814 il s'enrôla dans les mous­quetaires du roi au moment de la Restauration, puis suivit Louis XVIII dans sa fuite en Belgique après le retour de Napoléon en 1815. Il est vrai que contraire­ment à d'autres, plus fidèles, Géricault n'est pas resté aux côtés du roi après la dissolution de la garde, mais il a tout de même réintégré les mousquetaires après Waterloo pour ne démissionner qu'à l'automne 1815. Après ses classes, son engagement n'a pas dû prendre trop de son temps et Eitner a raison de penser qu'il a pu poursuivre son travail artistique entre le printemps 1814 et septembre 1815 ; mais son engagement dans les mousquetaires du roi montre sa fidélité à la monar­chie, de même que son achat d'un remplaçant pour échapper à la conscription en 1811 suggère à tout le moins un manque d'enthousiasme pour les guerres napoléoniennes. Lamartine et Vigny s'enrôlèrent aussi

dans les mousquetaires : les jeunes romantiques étaient, à l'époque, royalistes et changèrent de bord par la suite.

Géricault, cependant, dut être rapidement dégoûté par les ultras et il ne fait aucun doute que le choix du drame de la Méduse comme sujet de son grand tableau d'exposition n'ait été non seulement contraire aux conventions artistiques mais aussi explicitement poli­tique. Les amis proches du peintre, rue des Martyrs, comme Louis Bro, le propriétaire de la maison où il vivait, Horace Vernet, dont l'atelier communiquait avec le sien par les jardins intérieurs, et leur cercle de familiers étaient tous d'inébranlables bonapartistes. Mais Géricault avait aussi de bons amis parmi les roya­listes. Sa position politique n'est pas facile à définir ; il semblerait que, les années passant, il se sentît plus concerné par l'injustice sociale et la souffrance des vic­times que par la politique en tant que telle.

Les circonstances de la vie de Géricault ne sont pas purement anecdotiques, sans rapport avec son œuvre, car l'un des aspects les plus frappants de son art est qu'il traite essentiellement du monde qui l'entoure. En dehors de ses nombreuses copies d'après les maîtres, la mythologie et l'histoire ancienne sont très rares dans son oeuvre propre, et il ne produisit aucun tableau reli­gieux. Géricault n'était pas non plus disposé à deve­nir un modeste peintre de genre comme Boilly dont les charmantes scènes de la vie quotidienne étaient si popu­laires. Non. Il voulait évidemment se mesurer à des peintres comme David et devenir un maître de la

« peinture d'histoire «. Michel-Ange, Raphaël, Titien, Rubens, Caravage sont les maîtres que s'était donnés cet artiste en grande partie autodidacte. Mais au lieu de s'essayer à une restitution imaginaire du passé comme ses prédécesseurs, il a su insuffler l'élévation de ton, la puissance émotive et le poids de la grande tradition à la représentation des hommes et des évé­nements de son temps.

 

Il avait aussi ceci de particulier qu'il ne peignait pas sur commande. Ses trois grandes toiles exposées furent exécutées entièrement à son initiative et elles étaient même invendables. Il publia des lithographies remar­quables, qui sont ses seules oeuvres publiques après 1819 et qui mériteraient une étude approfondie. Mais la plupart du temps il peignait et dessinait pour son propre compte et parfois pour des amis. Que l'essen­tiel de son oeuvre n'ait eu d'autre but que l'expression des sentiments et des idées de l'artiste est un trait émi­nemment romantique et moderne.

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« Henri Zerner les dates des trois grands tableaux exposés aux Salons de 1812, 1814 et 1819, respectivement le Chasseur de la garde (fig.16, p.

67), le Cuirassier blessé et Le Radeau de la Méduse (fig.

1).

Le dernier tableau, peint en 1818 à l'âge de vingt­ sept ans, rendit Géricault célèbre.

La Méduse avait som­ bré au large des côtes sénégalaises en 1816, et comme il n'y avait pas assez de canots de sauvetage, un radeau fut construit où s'entassèrent quelque cent cinquante personnes.

Les canots de sauvetage auraient dû remor­ quer le radeau à terre mais, un orage ayant éclaté, les officiers paniqués coupèrent les cordes et abandonnè­ rent le radeau à la dérive.

Au terme de treize jours d'hor­ reur, quinze survivants furent sauvés.

Le commandant était un incapable nommé pour sa loyauté aux Bourbons, aussi l'incident tourna-t-il en un scandale politique qui faisait encore rage en 1818 quand Géricault le choisit comme sujet.

Le tableau, immense, représente le moment où les survivants aperçoivent pour la première fois le brick l'Argus qui devait disparaître puis réapparaître quelques heures plus tard pour les secourir enfin.

Il pos­ sède un pouvoir dramatique sans égal et fit au Salon de 1819l'objet de vives controverses, non seulement parce qu'il contrevenait aux conventions artistiques mais aussi parce que le sujet était explosif.

Géricault devint célèbre mais presque exclusive­ ment comme auteur du Radeau de la Méduse.

Pourquoi était-il si difficile de trouver la moindre information à son sujet après sa mort? C'est que sa vie cachait un 10. »

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