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L'action artistique

Publié le 05/11/2011

Extrait du document

La création artistique est-elle une action ? Sans aucun doute. Elle transforme le réel de deux manières; d'abord elle y introduit des objets nouveaux et précieux : un monument, un tableau, un livre, un film. Ensuite elle modifie le créateur lui-même et la masse des usagers. L'influence d'un roman, d'une pièce peut être aussi grande que celle d'une action physique et violente. Le Mariage de Figaro fut l'un des premiers actes de la Révolution française. La Case de l'Oncle Tom fit plus, pour les noirs américains, qu'une révolte à main armée. Lamartine et Eugène Süe enflammèrent les insurgés de 1848.

« dans le temple grec, aux Invalides, à Saint­ Pierre de Rome; plus compliqué dans les cathédrales gothiques, dans la musique mo­ derne.

Mais la création d'un ordre, plus ou moins évident, plus ou moins caché, est l'objet secret et constant de l'action artis­ tique.

B.

- Création artistique et vie so· ciale.

De mêm e que l'action militaire é volu e avec les armes et les techniques, tout en restant fidèle à des principes stables, ainsi l'art d'une époque est lié à l'histoire, à la vie sociale, et à la philosophie de cette époque.

René Huyghe en a donné de saisis­ santes preuves.

La puissance spirituelle et financière de l'Eglise, au Moyen Age, favo­ risa la floraison des cathédrales et des tableaux à sujets religieux.

La richesse des grands marchands hollandais, au dix-sep­ tième siècle, imposa aux peintres des dimen­ sions et des thèmes.

Nous possédons une iettre de Napoléon où il enjoint aux pein­ tres d'abandonner les sujets antiques, mis à la mode par la Révolution, et de se consa­ crer à l'illustration des gestes de l'Empire.

Considérons le dix-neuvième siècle fran­ çais.

A partir de 1815, il traverse (sur le plan politique) un temps de réaction conser­ vatrice qui se reflète dans la littérature et dans la peinture pré-romantiques.

Puis vient le romantisme lui-même, qui est l'évasion, dans le temps et dans l'espace, d'une jeunesse excédée de platitudes.

D'où l'exotisme, le fantastique à l'allemande, l'Espagne de Victor Hugo et l'Italie de Musset, l'Orient de Delacroix.

En 1848, cou­ pure très nette.

La philosophie devient posi­ tive.

Auguste Comte et Claude Bernard met­ tent en honneur l'esprit scientifique.

Le réa­ lisme , en littérature et en art, devait suivre, et suivit en effet, avec Flaubert et Courbet .

La génération suivante cherche, au-delà des f.ormes, un sens caché.

Le symbolisme naît, puis l'impressionnisme.

Il est certain qu'entre Bergson, Proust, Debussy et Monet existent des liens étroits.

Bergson, comme Proust, s'attaque à la notion de temps et distingue le temps mesuré par des mouve­ ments dans l'espace, du temps réel et sub­ jectif.

L'époque tout entière, par ses artistes comme par ses philosophes, tend à cerner le vague et l'indistinct.

Une renaissance religieuse est rendue possible par ce courant de pensée.

En notre temps, le paysage m e ntal change encore.

La science réduit la matière à des formules mathématiques.

Les objets, qui paraissaient solides, se dissolvent en tour­ billons de particules invisibles.

Le roman­ cier et le peintre se laissent, l'un et l'autre, tenter par cette volonté de néant.

Le roman­ cier refuse le sujet , et même le personnage .

Le peintre et le sculpteur répudient les for­ mes naturelles au profit de combinaisons arbitrair e s de courbes et de lignes.

L'anti­ sculptur e « ess aie d'emprisonner la vie dans ses pièg e s à claire-voie.

Il s'ensuit un déclin de la grande statuaire.

Paradoxalement, l'art non figuratif fait retour au plus naif des réalismes ».

Le sculpteur s'attribue les nœuds d'une racin e, les déchets de ferraille, les épaves d'une démolition.

Ainsi un cycle s'achève, un autre va commencer.

Retour éternel.

Et, encore une fois, le s techniques et les matériaux imposent des conditions neuves à l'action de l'artiste.

A l'architecte, le béton, le ciment armé permettent des cour­ bes souples et des surplombs vertigineux.

L'acier et le verre suggèrent des épures rigoureuses que peuvent animer la lumière et l'immensité.

La radio, la télévision, le cinéma ont offert, au créateur de fictions, des manières nouvelles de s'exprimer.

Son action a été, dans ces domaines, longtemps gênée par le souvenir des techniques ancien­ nes, comme la construction d'automobiles avait été, au début, incapable de se dégager des formes de la voiture à chevaux.

Mais les automobiles ont trouvé leur ligne et le cinéma est en train de trouver la sienne .

C.

- Processus de la création artis· tique.

L'action artistique est différente de l'ac­ tion militaire ou de l'action économique en ce qu'elle se propose de créer des mondes imaginaires, et de transformer par eux le monde réel, alors que les autres formes d'action s'exercent directement sur l'univers tel qu'il est.

Mais le processus de la création rappelle singulièrement les démarches du génie en d'autres formes d'activité.

Comme le chef militaire entrevoit, dans une intui­ tion, la manœuvre possible, l'artiste doit le plus souvent, à une illumination soudaine l'idée d'une œuvre.

' Balzac jeune cherchait à tâtons, maladroi­ tement, le chemin du roman nouveau.

Il le devina pour la première fois à la lueur. »

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