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PIERO DELLA FRANCESCA

Publié le 25/06/2012

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La sûreté de son génie éclate d'ailleurs une fois de plus dans les parties autographes du polyptyque de la Miséricorde (Galerie de San Sepolcro ), dans lequel le peintre a signé les pages autobiographiques de son évolution, depuis le Saint Sébastien ( 1445) inspiré de Masaccio jusqu'à sa maturité complète dans la puissante scène centrale de la Vierge qui rassemble les fidèles dans son ample manteau comme dans une architecture sublimée.

« à Pérouse, et, plus tard, de nouveau chez ses hôtes de prédilection à Urbin, enfin, mais pour peu de temps, encore à Rimini, revenant cependant toujours régulièrement dans sa patrie avec une fidélité admirable, comme s'il n'avait pu se séparer de ses rustiques concitoyens.

C'est à Borgo, en effet, que les rares documents nous le montrent en 1442, de retour de Florence, appelé à siéger parmi les conseillers de la commune, en 1445, en 1454, entre 1460 et 1470, en 1466, en 1467, en 1469, en 1471, en 1478, en 1480 enfin, acceptant de faire partie des prieurs de la Confrérie de San-Bartolomeo.

Depuis lors, il ne s'absenta peut-être plus de Borgo, comme le font penser la date de son testament (1487) et celle de sa mort (1492).

Il est donc permis d'imaginer le créateur des belles harmonies chromatiques des fresques d'Arezzo vêtu de la robe aristocratique et sévère d'un sage antique, ou mieux, d'une espèce de saint François laïque de la Renaissance, pour qui toutes choses sont des apparences égales en leur essence et liées à un seul maître qui est la couleur, dans un ordre tout humain et naturel en même temps, chez qui drames et passions deviennent les scènes normales d'un merveilleux spectacle pour le peintre amoureux des jeux de la lumière sur les formes des choses, et qui regarde la vie avec le détachement d'un philosophe qui a pénétré la raison secrète de tout ce qui arrive sous l'éternel soleil.

Cette propension particulière de Piero, poétique et philosophique à la fois, doit l'avoir poussé à s'attacher au maître qui, plus que tous, dans la Florence du temps, était véritablement peintre, au Vénitien Domenico.

Et pendant son apprentissage chez Domenico, elle dut l'inciter à méditer sur le caractère et les tendances de cette pépinière de créateurs qu'était la Florence de ces années.

C'était le temps où les événements artistiques semblaient les plus lourds de con­ séquences pour la civilisation naissante de l'homme qui avait redécouvert la joie d'un monde nouveau, ouvert à son ambition et à sa soif d'affirmations physiques et spirituelles.

Masaccio lançait dans la terre nouvelle et retrouvée de l'art ses figures tourmentées par l'effet des pré­ occupations plastiques, formes dramatiques d'argile emportée, frémissantes d'une vie encore inconnue, et Brunellesco lançait dans le ciel la coupole ambitieuse qui devait ravir aux anciens le secret des espaces mesurés en dimensions d'une sublime harmonie ; Donatello, dans sa fougue créatrice, voulait tout posséder, la perfection classique avec la nature terriblement vraie et cxaspérément plastique.

Piero vit et comprit l'exubérante passion de la mathématique avec laquelle ces rythmes et ces valeurs nouveaux étaient lancés comme un défi à un espace encore inconnu et inhumain que l'on voulait conquérir, dompter et posséder en le supprimant et le cor­ rompant avec la vigueur typique de ce temps.

Et, d'autre part, sa sensibilité placide et attentive lui permit de saisir la douceur des harmonies déployées par Fra Angelico dans l'écriture fleurie de ses fables célestes, ainsi que le souille, pré­ curseur de brillants renouvellements, qui, à la manière de Masolino, transformait le souvenir des élégances siennoises et des douces cadences médiévales en une promesse encore en herbe, mais certaine.

C'est de ces éléments, qui annoncent de loinles visions fabuleuses de Paolo Uccello, chez qui la vision semble se cristalliser en des harmonies héraldiques à la limite de l'humain, que Piero s'inspira dans son impétueuse conquête de l'espace animé jusque dans les plus subtiles pulsations chromatiques, portant à la plus haute expression lyrique l'intime amour de Domenico pour les lumières nettes et omniprésentes, sous une perspective qui fut absolument sienne et nou­ velle, non seulement physique, mais aérienne et atmosphérique, extraordinairement lyrique, où tout le visible devait se résoudre en l'unique orchestration des couleurs, pour la plus haute félicité du contemplateur.

C'est par cela qu'il se distingue de tous les peintres de la première Renaissance: de Masaccio, en exprimant dans l'espace une même vie jusqu'alors limitée aux figures et aux volumes; d'Uccello, en transformant le clair-obscur abstrait en un clair-obscur coloré aux tons harmonieux ; de ces deux puissants visionnaires, en fondant dans la couleur la perspective théorique et géométrique de Paolo avec l'excessive puissance volumétrique de Masaccio.

La lumière de Piero a une pléni- PIERO DELLA FRANCESCA « La Reine dt Saba adorant la sainte Croi~ », ditail.

(Eglise San-Francesco, Areao.) PIERO DELLA FRANCESCA « Nativité.

» ( Natio71111 Gtdlery, Londres.) 129. »

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