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Sénèque

Publié le 18/04/2012

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Sénèque naquit à Cordoue (Espagne), dans une famille renommée pour ses travaux intellectuels : son père, Sénèque le Rhéteur écrivait et formait de jeunes orateurs. Conformément à la tradition familiale, on l'envoya à Rome suivre une instruction politique. Il étudia la philosophie stoïcienne, révélant très tôt de brillantes qualités d'orateur qui lui permirent d'entrer au Sénat. Durant sa vie, il écrivit douze essais philosophiques, plus de cent lettres de morale et neuf tragédies. Il se considérait lui-même comme un maître de morale, convaincu du rôle du philosophe comme “ instructeur d'humanité ” ; pour lui, la sagesse importait plus que l'érudition. Il tirait ses principes de la pensée stoïcienne, proclamant que l'homme devait trouver en lui sa propre vertu. Méprisé pour ces positions et son attrait pour la culture hellénistique, il fut exilé en Corse sous prétexte d'adultère en l'an 41, puis rappelé à Rome par l'épouse de l'empereur Claudius, Agrippine. En 59, il devint le précepteur du jeune empereur Néron, jouant un rôle capital dans la vie politique et les réformes administratives. Mais l'ambitieux Néron chercha à se débarrasser de son tuteur, entrave à son pouvoir ; en 65, il l'accusa de conspiration et lui intima l'ordre de se suicider. Ce que Sénèque fit, dans la plus pure tradition stoïcienne. Les textes de Sénèque, aussi variés que vivants, contribuèrent à forger sa réputation de penseur le plus brillant de son époque.      

 

« de bon disciple, les raisons de sa permanence sont ailleurs.

Il a voulu dire aux hommes de son temps comment il fallait vivre et il l'a dit avec tant de chaleur, tant de vérité et tant d'esprit que les hommes de tous les temps relisent cette éternelle leçon.

Sur certains points sans doute les sectes se séparent-elles :l'épicurisme préconise l'éloignement des affaires publiques (et par là s'explique l'astucieuse abstention d'un Atticus), tandis que le stoïcisme n'interdit nullement de s'occuper de politique (et par là s'explique en partie que Sénèque se soit engagé et compromis).

Mais Sénèque était un éclectique; il avait le sentiment que l'expé­ rience conseille de prendre de toutes mains et il avait la coquetterie d'emprunter à la maison d'en face, chez Epicure.

On était à.

un moment de bienheureuse universalité, d'heureuse unité.

De même que des dieux innombrables d'un Panthéon hétéroclite on avait fait Dieu, de même des coutumes et maximes les plus contradictoires on avait fait une sagesse.

Le monde romain a codifié cette sagesse commune et internationale d'un Imperium, qui était une mosaïque de nations unies.

Sénèque est, avec Cicéron, le grand rédacteur de ce code.

Sur les problèmes métaphysiques il hésite.

Mais il est sur un terrain ferme quand il explique comment l'homme peut vivre au mieux.

Toutes ses règles se peuvent résumer en une seule : l'homme doit savoir trouver son équilibre en lui-même sans tenir compte de ce qui ne dépend pas de lui.

Mais suivre ce précepte ne saurait avoir pour aboutissement d'isoler l'homme, qui doit toujours rejoindre les autres hommes et Dieu.

Soyons maître, de nous et nos passions dominées respecteront autrui : de cette philanthropie sont sorties les pages fameuses qui plaidaient pour les esclaves et posaient ainsi dans un monde sans pitié le problème social.

Et quand on dépasse les limites individuelles ou humaines, on se confond avec Dieu, qui se confond avec l'âme du monde.

Et cette divinité est bien proche du Dieu de l'Evangile: qu'on se rappelle Sénèque dissertant des récompenses qui attendent la vertu dans un monde meilleur, le monde que nous ouvrira le jour de notre mort, lequel est, selon une formule inoubliable, le jour de notre naissance à l'immor­ talité, natalis tEterni.

Son théâtre a la même inspiration.

Tombé dans un discrédit complet aussitôt fini ce xvne siècle qu'il avait inspiré, il a été remis à la mode depuis une vingtaine d'années.

Les immenses progrès que la scien.ce a récemment faits dans la connaissance de la pensée antique ont permis de mieux saisir que ses personnages mythologiques étaient des symboles tout gonflés des idées du poète.

Où l'on voyait autrefois une froide imitation d'Euripide tout juste bonne pour l'ennui d'une lecture publique, on reconnaît maintenant une actualité moderne et colorée, quelque chose comme ce que représente pour nous l'Œdipe ou le Thésée de Gide.

TOUTE cette sagesse, Sénèque lui a donné une forme extraordinaire.

Ce sont tantôt ces poétiques morceaux de bravoure qui décrivent un ciel plein d'étoiles ou évoquent l'embrasement terminal du monde, tantôt ces images prises aux besognes quotidiennes et qui, venues de la diatribe cynique, nous font toucher l'antique.

Par ses traits surtout, par ses sentences, l'œuvre de Sénèque constitue un trésor.

Reprenant la coutume de notre auteur lui-même - ut more meo cum aliquo munusculo epistulam mittam -je citerai pour finir quelques-unes de ces maximes, encore qu'elles perdent à être isolées : non est loquendum, sed gubernandum; -non vitrE, sed scholrE discimus; -miramur ex intervallo jallentia; -dubia plus targuent quam mala; - vivere militare est; -exsilia, tormenta, bella, morboJ, naufragia meditare ut nullo sis malo tiro.

Ce n'est pas moi qui ai fait ce choix, mais Montaigne à travers les Essais.

Toutefois il y a une sentence qu'il n'a pas retenue et que, dans mon désir que notre morale ne s'éloigne pas trop de celle que Sénèque a prêchée aux confins de la philosophie païenne et du christianisme naissant, je livre à la méditation d'un temps où l'homme est menacé : homo sacra res homini.

MARCEL DURRY Professeur à la Sorbonne Paris. »

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