Devoir de Philosophie

Comment j'ai fêté la fin du monde

Publié le 15/12/2014

Extrait du document

Cinémas Contemporains Comment j'ai fêté la fin du monde de C?t?lin Mitulescu Depuis 2007 et la Palme d'Or décérnée à Cristian Mungiu pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours on parle de « Nouvelle Vague roumaine ». C'est en effet grâce aux festivals que Mungiu, Puiu ou Porumboiu ont su se faire reconnaître internationalement et ainsi représenter leur pays à travers un cinéma tantôt grave et critique (La Mort de Dante Lazarescu), tantôt drôle et populaire (Contes de l'âge d'or). En 2006 sort le second long métrage de C?t?lin Mitulescu : Comment j'ai fêté la fin du monde (Cum mi-am petrecut sfâr?itul lumii), distribué par l'indépendant français Pyramide Distribution. Sélectionné pour le prix Un certain regard au Festival de Cannes de la même année, Dorotheea Petre y obtient le prix d'interprétation féminine.La jeune actrice joue Eva, adolescente de 17 ans vivant avec son petit frère Lali et ses deux parents. Solitaire et aimante, son silence cache un profond désir de liberté, spoliée par le régime communiste de Nicolae Ceausescu.Alors en quoi Comment j'ai fêté la fin du monde est-il une illustration originale de ce jeune cinéma ? Nous tenterons de répondre à cette question en traitant d'abord ce film en tant que drame social, à travers les « amours » d'Eva, puis l'application d'un traitement tragi-comique servant le propos historique. Pour peindre la Roumanie et aborder son histoire récente, Mitulescu a donc choisi de se focaliser sur Eva, belle adolescente admirée de son frère Lalalilu et en couple avec son camarade Alex.Lorsque ce dernier renverse d'un coup de pied le buste de Ceausescu (trônant dans un couloir de l'école), l'aventure se complique. Ils pensent à la prison. Eva est tout compte fait renvoyée dans un lycée technique.Cet épisode, comme une défiance envers l'État, renferme symboliquement les symptômes de tous les régimes autoritaires. L'aliénation (c'est la classe qui a voté, ridiculeusement et à l'unanimité), la trahison/corruption (Alex, fils de policier, vote aussi contre Eva), et l'injustice (Alex étant coupable). Eva n'exprime toutefois pas de rancoeur. Ses sentiments nous sont cachés. Elle ne laisse transparaître qu'une certaine libert&eacut...

« le père d'Eva à jeter sa fille dans les bras d'Alex : c'est son statut de fils de policier, Andreï étant un infréquentable.

Ici, le régime communiste crée des attentes qui éteignent (surtout chez Eva) les amours naissants.

En temps de crise, la cause amoureuse se substitue aux droits les plus primaires.

C'est pourquoi nous pouvons voir Eva faire demi-tour au beau milieu du fleuve, laissant Andreï goûter seul à la liberté.

L'amour qu'elle porte pour son frère (amour pré-existant) l'empêche de quitter les terres de Ceausescu.

Une fois de l'autre côté, leur amour aurait pourtant été possible.

Encore une fois, Eva est tributaire du sort de son pays.

C'est donc par crainte qu'elle abandonne l'idée d'un départ. Le caractère isolé d'Eva s'explique donc par une rage silencieuse.

Pour vivre en paix, il faudrait donc une politique plus juste.

Seul son frère semble représenter quelque chose pour elle.

Nous allons désormais voir comment ce personnage, et la mise en scène de façon plus générale, dessinent une Roumanie fragilisée mais loin d'être abattue. Premièrement, nous pouvons noter que Mitulescu installe un climat étouffant, à l'école comme à la maison des Mateï. À l'école, une seule leçon semble être donnée, toujours la même : celle de l'hymne national.

Ce dernier est omniprésent dans le film.

Il est signe de l'instrumentalisation (au même titre que la propagande, portraits de Ceausescu en classe) et aussi motif en péril.

Utiliser abondamment un chant pour soumettre toujours plus le peuple, dès l'enfance. Chez les Mateï, l'ambiance est glaciale.

L'innocence de Lali contraste avec le désarroi de la mère.

Ainsi, quand il lui demande si tous les roumains ont eu des dents de lait, même Ceausescu, celle-ci l'invective : il ne doit pas parler de Ceausescu, ni de Dieu.

Cette remarque, qui met le dictateur au même niveau de tabou que Dieu, renvoie à la saturation morale de la femme qui ne supporte plus l'évocation de ces deux entités.

Le gouvernant semble au-dessus, inappréciable, invisible et intouchable ; il est pourtant bien présent, quelque part, sujet de nos doutes et donc responsable de notre condition. Ce climat étouffant est renforcée par une capitale grise aux espaces rudimentaires.

C'est à travers cet environnement sombre et pauvre que Mitulescu va avoir à cœur de faire ressortir la gaieté de ses habitants.

Ainsi, dans un quartier moyen de Bucarest, la famille Mateï profite d'une fête donnée par Titi, où tout le monde se retrouve, pour boire, manger, jouer et échanger.

De nombreuses scènes viennent désamorcer le poids du récit, notamment grâce au trio formé par Lali et ses amis, Silvică et Tarzan.

Ils se présenteront à Andreï en montrant leurs aptitudes au combat. Le personnage de Lali est le moteur de cette dynamique sensible, usant d'éléments tragiques et grotesques.

Il est l'enfant objectif, qui, avec ses propres moyens, constate et dénonce les inégalités sévissant au cœur d'une société abusive.

Avant de se rêver en héros national et de parodier l'hymne roumain, Lali est d'abord naturellement victime. Tombé malade, et chamboulé à l'idée de perdre sa sœur, il tente une première fois de se suicider, à l'aide d'un câble de fer coupé.

La seconde fois, il est sauvé des eaux par « Boulba Superman », personnage aussi simplet que bon. À nouveau, l'authenticité, « la vérité de l'homme », grâce à ce sauvetage enthousiaste, servent à transiter du drame vers la légèreté.

Ainsi, on ne s'attarde pas réellement sur cette tentative d'autodestruction.

On la suppose, lui préférant la suite : l'éveil, la résurrection ─ un retour à une réalité moins noire qu'elle n'y paraît.

Autre exemple, où la comédie va cette fois être rattrapée par la tragédie, lorsque le père d'Eva et Lali imite Ceausescu.

Les deux enfants se prennent au jeu, critiquent sa politique et ses conséquences sensibles au quotidien.

Lali, révolté, veut des dessins animés à la télé.

Cette requête, comme toutes les autres, est refusée par un Ceausescu ridicule, hystérique.

Soudain, une coupure d'électricité survient.

Le père reste bloqué hors du salon, et demande à ses enfants de lui ouvrir, soutenant qu'ils se sont assez amusés.

L'espace d'un instant, prétendument, les enfants ont eu l'ascendant sur le dictateur. À la fin du film, Lali va voir le fameux discours du 21 décembre 1989 donné par Ceausescu à Bucarest.

Muni de son lance-pierres, il est prêt à faire tomber le pouvoir.

Devant leur télé, ses camarades l'encouragent, et le miracle s'accomplit.

Ils y croient.

Lali a sauvé la Roumanie. Seules quelques images d'archives viennent témoigner de la répression.

On bascule, fugitivement, de la narration fictive à la réalité documentaire.

Ainsi, nous est montré un homme, pris dans la foule, fixant la caméra de surveillance et tendant la main vers elle.

Demande-t-il de l'aide, ou proteste-t-il simplement pour l'arrêt du filmage, et la liberté en passe d'être retrouvée ? Mitulescu délaisse Eva et Lali un seul instant, pour ramener la vie, le soulèvement et le soulagement. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles