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Contester le système rhétorique, ou les formes narratives, c'est déjà mettre en cause l'idéologie bourgeoise... Tel Quel

Publié le 22/02/2012

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En 1967-1968, avant même que n'éclatent les événements de mai, la révolution est, pour la quasi-totalité des jeunes intellectuels français, l'horizon obligé dans lequel inscrire leur travail philosophique et littéraire. Bien qu'éclatée en courants opposés et en chapelles concurrentes, l'avant-garde, d'un seul mouvement, se définit ouvertement par sa volonté de participer à l'intense bouleversement politique qui semble se préparer. Dans cette effervescence générale, un groupe joue, de par l'importance de son travail théorique et littéraire, un rôle de premier plan. Il s'agit du mouvement constitué par les membres de la revue Tel Quel: principalement Philippe Sollers, Julia Kristeva, Marcelin Pleynet et Jean-Louis Baudry. Autour d'eux se constitue comme un pôle intellectuel qui va exercer un intense effet d'attraction sur toute la génération de la fin des années 60.

« processus de leur propre genèse.

Dans la ligne du « nouveau roman » — ou plus exactement du «nouveau nouveauroman » —, ils produisirent des livres qui ne renvoyaient qu'à eux-mêmes et au geste de l'écriture.

Ce faisant, ilspensaient dénoncer une conception pour eux dépassée : celle qui voudrait qu'un livre ait pour fonction de «représenter » quelque chose d'extérieur à lui.Au prix d'une impressionnante mais difficile synthèse des oeuvres de Louis Althusser et Jacques Derrida, les membresde Tel Quel dénonçaient la littérature « représentative» comme la forme littéraire de l'idéalisme bourgeois.

Renversercelui-ci en s'engageant sur la voie d'une «littérature non représentative» revenait du coup à se ranger sous labannière d'un « matérialisme sémantique», parallèle au matérialisme marxiste et voué comme lui à la Révolutionfinale.Avec le ralliement au début des années 70 de Tel Quel au maoïsme, la forme des textes changea radicalement.

Ladestruction du langage bourgeois se fit plus directe et plus violente, le contenu révolutionnaire des romans plusexplicite également.

L'ambition cependant resta la même : conjuguer dans l'éclatement du texte révolution poétiqueet révolution politique.

Considérée rétrospectivement, l'entreprise de Tel Quel peut se lire comme visant, en prenant appui sur l'expériencedu surréalisme, à dépasser la double impasse du roman sartrien et du nouveau roman.Sartre, en effet, prônait une littérature engagée.

Mais pour lui, l'engagement se limitait au sens.

D'où le côtéfinalement assez académique de son cycle romanesque des Chemins de la liberté, les seules audaces techniques ques'autorisait Sartre se limitant en effet à une sorte de simultanéisme à la Dos Passos.

Les membres de Tel Quelétaient donc fondés à reprocher à Sartre d'écrire des romans révolutionnaires dans un langage conservateur voireréactionnaire.1,a contradiction était inverse et symétrique chez les nouveaux romanciers.

Ceux-ci s'étaient engagés dans uneremise en cause radicale des formes littéraires dans les années 50.

Et à cette entreprise de remise en cause, lesmembres de Tel Quel étaient largement redevables dans la mesure où les Robbe-Grillet et les Michel Butor leuravaient incontestablement ouvert la voie.

Cependant, et tout particulièrement chez Robbe-Grillet, l'audaceromanesque allait de pair avec une prudence politique voire une indifférence quasi totale.

Avec le nouveau roman, larévolution romanesque avait eu lieu mais elle se refusait à devenir révolution politique.

Au bout du compte, Sollersn'avait pas entièrement tort — en 1965, du moins — de définir le nouveau roman comme une nouvelle théorie del'Art pour l'Art.Contre Sartre et Robbe-Grillet à la fois, le geste de Tel Quel fut donc de vouloir une oeuvre qui serait révolutionnaireà la fois dans sa forme littéraire et dans son contenu politique et qui, de ce fait, réaliserait cette conjonctionparfaite et dynamique de la révolution poétique et de la révolution politique.. »

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