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J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes. Guy de Maupassant

Publié le 01/10/2018

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Force est donc pour le romancier d’élaguer. Mais cet élagage ne peut se faire au hasard. Il est obligatoirement « sélectif » en fonction de l’objectif que s’est fixé l’écrivain. Il s’agit donc d’un « tri », d’un « choix ». Le romancier réaliste, quand il possède le « sens du réel », grâce à ce tri et à une habile manipulation des éléments conservés, donne le « sentiment du réel».

 

« Un choix s’impose donc, — ce qui est une première atteinte à la théorie de toute la vérité.

 

La vie, en outre, est composée des choses les plus différentes, les plus imprévues, les plus contraires, les plus disparates; elle est brutale, sans suite, sans chaîne, pleine de catastrophes inexplicables, illogiques et contradictoires qui doivent être classées au chapitre faits divers.

 

Voilà pourquoi l’artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout le reste, tout l’à-côté. »

 

Maupassant évoque ainsi l’exemple des accidents. Sous prétexte qu’il en arrive sans cesse, vais-je me voir obligé, de temps à autre, de faire tomber une tuile sur la tête de mon personnage principal ou de le faire rouler sous une voiture ?

 

Il revient ensuite au thème principal de son étude et sur la nécessité de donner forme à la vie :

 

« La vie encore laisse tout au même plan, précipite les faits ou les traîne indéfiniment. L’art, au contraire, consiste à user de précautions et de préparations, à ménager des transitions savantes et dissimulées, à mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, les événements essentiels et à donner à tous les autres le degré de relief qui leur convient, suivant leur importance, pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu’on veut montrer.

 

Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et

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« une étude sur le roman parue dans Le Figaro du 7 jan­ vier 1888: «J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes.

» Cette étude sera, par la suite, publiée conjointement avec le roman de Maupassant intitulé Pierre et Jean (1888).

On en parle souvent comme de la« Préface» de Pierre et Jean, mais l'expression ne convient pas et Maupassant la récusait.

Cette étude est intitulée « Le Roman» et porte sur l'art du romancier en général, sans lien direct avec l'œuvre qui suit.

..,..

P~indre le monde «tel qu'il est».

Mais ce monde «est »-il, d'une façon objective, en dehors des cons­ ciences multiples et différentes qui le perçoivent? La difficulté n'a pas échappé à Maupassant qui, dans l'étude à laquelle nous nous référons, écrit: «Quel enfantillage, d'ailleurs, de croirt.> à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre dans notre pen­ sée et dans nos organes.

Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités qu'il y a d'hommes sur la terre.

Et nos esprits qui reçoi­ vent les instructions de ces organes, diversement impressionnés, comprennent, analysent et jugent, comme si chacun de nous appartenait à une autre race.» Il ne me sera donc possible que de décrire le monde« tel qu'il est pour moi».

Mais cela étant admis, le roman­ cier soucieux de peindre le réel se heurte à une autre dif­ ficulté.

On ne peut pas tout dire car, pour évoquer seulement une seule journée de l'un des personnages, il faudrait de nombreux volumes, lesquels eux-mêmes ne suffiraient pas vraiment.

Un amoncellement de faits, de sensations, d'émotions, de pressentiments, de souvenirs, d'idées embryonnaires ou abouties, d'aspi­ rations plus ou moins confuses ne font pas une œuvre.. »

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