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LABICHE Eugène : sa vie et son oeuvre

Publié le 08/01/2019

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LABICHE Eugène (1815-1888). Auteur de cent soixante-treize comédies et vaudevilles entre 1837 et 1877, Labiche « devait être le rire de la bourgeoisie française pendant plus d'un quart de siècle » (Zola, Nos auteurs dramatiques, 1881). C’est dire le nécessaire conformisme de son théâtre. Mais son génie est d’avoir compris, comme Flaubert et à la différence de pseudomoralistes comme Augier ou Dumas fils, qu’un groupe social se définit par son langage autant que par ses mœurs; surtout lorsqu’il s’agit de la pontifiante bourgeoisie du second Empire. D'où, ici, la particulière pertinence de la forme théâtrale, et la modernité d'un discours coupé du réel dont l’absurde annonce parfois Vitrac ou Ionesco : « Ce n'est pas pour me vanter, mais il fait joliment chaud aujourd’hui! » (Vingt-Neuf Degrés à l'ombre).

 

Un bourgeois organisé

 

La jeunesse d’Eugène Labiche est celle d'un bourgeois de la seconde génération, qu’un patrimoine fraîchement accumulé autorise à des activités désormais « libérales » : né à Paris, fils d’un industriel en sirop et fécule, il fait ses études au collège Bourbon, satisfait au rituel romantique du voyage en Italie et en Suisse (1834), prépare sa licence en droit, tâte du journalisme et de la critique dramatique à la Revue du théâtre. Mais cet aimable dilettante va devenir bientôt un travailleur acharné. On ne sait rien de sa première pièce, la Cuvette d'eau (1837). L'année suivante, il donne au Palais-Royal Monsieur de Coyllin ou l'Homme infiniment poli. D’emblée, il s'est adjoint des collaborateurs : Auguste Lefranc, Marc-Michel, les premiers d’une longue série d’auteurs mineurs qui grâce à lui connaîtront la gloire, Alfred Delacour, Adolphe Choler, Édouard Martin. Seuls parmi eux Anicet-Bourgeois, coauteur de l'Avare en gants jaunes (1858), et Émile Augier (pour le Prix Martin, 1876) possèdent encore un semblant de notoriété propre... Peut-être cette méthode de travail doit-elle plus à une réelle modestie — Labiche semble affecté d’une sorte de complexe d’infériorité face à la « grande » comédie — qu’à une impuissance devant l'effort solitaire; car il écrira seul l’une de ses meilleures comédies, Vingt-Neuf Degrés à l'ombre (1873). Sans doute aussi est-il guidé par un souci d’efficacité : dans ses grandes années, Labiche signe couramment une demi-douzaine de productions. En 1851, avec Un chapeau de paille d'Italie, il donne cinq autres pièces; de même en 1860, pour accompagner le Voyage de Monsieur Perrichon. 1864 est une cuvée exceptionnelle : la Cagnotte, Moi, Un mari qui lance sa femme, le Point de mire, joués respectivement au Palais-Royal, à la Comédie-Française, au Gymnase. Car l’auteur connaît bien son ou ses publics; ici, des amateurs de comédie de mœurs ou de caractères, là, de vaudeville : « Soyons gymnase! » dit le héros d'un vaudeville... joué au Palais-Royal (l'Avocat pédicure, 1848). Il choisit aussi avec soin ses comédiens : les « bouffons » Grassot ou Hyacinthe, Geoffroy spécialisé dans les rôles de père de famille; « Geoffroy, c'était le Bourgeois », dit Sarcey qui s’y connaissait. Une présence plus inattendue, celle de Sarah Bernhardt à vingt ans dans Un mari qui lance sa femme (rôle de Douchinka).

 

Ce critique acéré mais jovial de la morale bourgeoise n’est pourtant pas un révolutionnaire : le conformisme ne prête à rire, à ce rire-là, qu’autant que l'ordre règne. Un ordre politique : candidat malheureux à la députation en 1848, Labiche règle ses comptes à l’agitation qua-rante-huitarde dans le Club champenois. Un ordre de langage et d’écriture : Deux Papas très bien (1844) s’en prend à l’argot à la mode et dans les Précieux (1855) il attaque avec cruauté au nom d’un « bon sens » à la Pon-sard les romantiques attardés, en leur opposant comme modèle... Paul de Kock!

 

Maire de Souvigny en Sologne où il possède un château bien gagné, Labiche s’y retire pendant la guerre de 1870. En 1877, après l'échec de la Clé, il cesse d’écrire

 

pour la scène et prépare la publication de son Théâtre complet (1878-1879), ne retenant que cinquante-sept pièces : moins du tiers de sa production. Entré à l’Académie française en 1879, il se partage entre la Sologne et Paris où ses chefs-d'œuvre sont repris triomphalement. Il meurt à Paris âgé de soixante-treize ans.

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« misme de son théâtre.

Mais son génie est d'avoir com­ pris, comme Flaubert et à la différence de pseudo­ moralistes comme Augier ou Dumas fils, qu'un groupe social se définit par son langage autant que par ses mœurs; surtout lorsqu'il s'agit de la pontifiante bour­ geoisie du second Empire.

D'où, ici, la particulière perti­ nence de la forme théâtrale, et la modernité d'un discours coupé du réel dont 1 'absurde annonce parfois Vitrac ou Ionesco : «Ce n'est pas pour me vanter, mais il fait joliment chaud aujourd'hui! » (Vingt-Neuf Degrés à l'ombre).

Un bourgeois organisé La jeunesse d'Eugène Labiche est celle d'un bour­ geois de la seconde génération, qu'un patrimoine fraî­ chement accumulé autorise à des activités désormais >, par quoi le bourgeois sort de sa condition : par le bas, en nouant des liaisons ancillaires comme Edgard et sa bonne (1852) ou Alzéa­ dor du Loiret dans ce Voyage autour de ma marmite ( 1859), au titre symbolique; ou vers le haut, en affichant une situation de fortune qu'il n'a pas (la Poudre aux yeux), en recherchant pour ses filles des partis trop élé­ gants (Un mari qui lance sa femme) ou trop riches (le Point de mire).

Le ton ici se fait plus âpre, comme si la tentation était plus grande, et la comédie frôle parfois le drame.

Labiche dénonce le cynisme de mères prêtes à tout pour décrocher le gros lot : « Quand on a une fille à marier, il n'y a plus d'amis» (le Point de mire), de parents sacrifiant froidement leurs enfants : «Nous nous sommes dit : Célimare n'est pas jeune, Célimare n'est pas beau; mais la jeunesse, la beauté, ça passe, tandis que quarante mille livres de rente, quand on a de l'ordre, ça reste! >> ( Célimare le bien-aimé, 1863).

En revanche, il est admis qu'un jeune homme de bonne famille appâte des grisettes en leur promettant le mariage, à condition de rompre définitivement au moment de se ranger (les Marquises de la Fourchette, 1854).

Enfin.

au-delà du millionnaire ct de la fleuriste,« points de mire >> d'excur­ sions dangereuses mais tolérées, commence le domaine de 1 'Autre.

celui que le bourgeois n'a pas à connaître et que Labiche rejette dans le néant de la caricature : bohè­ mes (les Précieux), hobereaux (Deux Merles blancs, 1858), yankees excentriques (les Trente Millions de Gla­ diator, 1 875), rastaquouères (Doit-on le dire?, 1 872),. »

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