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L'adolescence ne laisse un bon souvenir qu'aux adultes ayant mauvaise mémoire. François Truffaut

Publié le 22/02/2012

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Et Truffaut d'accumuler les informations, d'un entretien à l'autre, attestant la profonde parenté qui unit Antoine Doinel et lui-même. Ainsi emprunte-t-il à son expérience familiale de nombreux faits qui s'appliquent à l'existence d'Antoine : disputes conjugales, solitude de l'enfant unique, mensonges inventés par l'adolescent et destinés à couvrir l'école buissonnière ou les fugues. Un entretien accordé par Truffaut à Radio-Canada, en décembre 1971, met directement en cause, cette fois, la conduite de sa mère : «... et puis ma mère ne supportait pas le bruit, enfin je devrais dire, pour être plus précis, qu'elle ne me supportait pas. En tout cas, je devais me faire oublier et rester sur une chaise à lire, je n'avais pas le droit de jouer ni de faire du bruit, il fallait que je fasse oublier que j'existais. »

« constituaient probablement une évasion encore plus forte.

»(Radio-Canada, décembre 1971)Comme ses parents vont au théâtre, l'enfant, échappé au cinéma, doit être de retour avant eux et donc manquersouvent une partie du film, ce qui explique que Truffaut associe, eu égard à cette époque, livres et cinéma àl'angoisse éprouvée lors de ces évasions coupables.Il n'empêche que Truffaut a beaucoup apprécié, pendant cette période, Le Roman d'un tricheur, de Sacha Guitry, etles films de Chaplin.

Il est significatif que, loin de chercher à s'identifier au héros, Truffaut fait cause commune avecles victimes qui, comme lui, sont exclues de la société, en particulier, « tous ceux qui se trouvaient en faute» (LesFilms de ma vie, préface, 1975).

Ainsi l'adulte Truffaut, âgé de 26 ans quand il tourne Les Quatre cents coups,ravive les souvenirs de son adolescence et s'efforce d'exorciser les mauvais moments vécus en cette période.Le tournage de ce film a aussi été l'occasion pour Truffaut de découvrir Jean-Pierre Léaud, l'interprète idéal qui, enquelque sorte, vient se substituer au personnage autobiographique qu'est Antoine Doinel.

Jean-Pierre Léaud, malgréquelques intermittences, accompagnera Truffaut pendant une grande partie de sa carrière.

Fait remarquable : unvéritable cycle Antoine Doinel s'instaure avec Les Quatre cents coups: Antoine et Colette, en 1962, premier sketchdu film L'Amour à vingt ans et première aventure amoureuse d'Antoine Doinel, qui a 19 ans et qui est magasinierdans une maison de disques; Baisers volés, en 1968, où Antoine Doinel est réformé, à 24 ans, pour « instabilitécaractérielle», comme Truffaut qui, engagé à 18 ans dans l'armée, pour trois ans, quitte l'armée comme insoumis,devient déserteur et connaît la prison; dans Baisers volés, Antoine devient détective privé, après avoir été veilleurde nuit et, si le couple qu'il forme avec Christine bat de l'aile, tout s'arrange dans Domicile conjugal, en 1970, où ilse marie à 26 ans avec Christine et a un fils.Suivent alors deux films, dans lesquels Jean-Pierre Léaud incarne un autre personnage qu'Antoine Doinel : il se mueen un critique et romancier dans Les Deux Anglaises et le Continent et se nomme Claude Roc (1971); dans La Nuitaméricaine (1973), il se nomme Alphonse et est acteur.

On retrouve Antoine Doinel dans L'Amour en fuite (1978) etce sera le dernier Antoine Doinel et le dernier Jean-Pierre Léaud (il a 33 ans, est romancier, auteur des «Salades del'amour»).Certes, à cet âge (33 ans), Antoine Doinel n'est plus un adolescent; pourtant, comme le déclare Truffaut, à proposde L'Amour en fuite, il est resté un enfant :« Je mentirais en disant qu'Antoine Doinel a réussi sa transformation d'adulte.

Il n'est pas devenu un vrai adulte, ilest quelqu'un en qui il reste beaucoup de l'enfance.

Dans tous les hommes, il reste beaucoup d'enfance, mais en lui,davantage encore.

»(dossier de presse de L'Amour en fuite, 1978)Précisément, l'acteur Jean-Pierre Léaud se caractérise, suivant le témoignage de Truffaut, par son anachronisme,son romantisme de jeune homme du XIX' siècle.

Et Truffaut de préciser :« Jean-Pierre Léaud est un acteur anti-documentaire, même quand il dit bonjour nous basculons dans la fiction, pourne pas dire dans la science-fiction...

Halluciné, le mot est lâché...

son réalisme est celui des rêves.

» (Pour le Studio43, février 1983)Ce dernier témoignage permet de comprendre que, grâce à Jean-Pierre Léaud, Truffaut peut recomposer sonenfance et son adolescence, il s'en empare pour la maîtriser et sans doute aussi, la refaçonner au gré de son désir.A propos de L'Enfant sauvage (1970), film dans lequel Jean-Pierre Léaud ne paraît pas, Truffaut, dans des proposadressés à Radio-Canada (en 1971), déclare que, si jusqu'alors il s'était identifié à l'enfant, il est devenu un adulte,un père, dont l'enfant spirituel (Jean-Pierre Léaud, alias Antoine Doinel) a cessé d'être un double idéal : « Jusqu'à L'Enfant sauvage, quand j'avais eu des enfants dans mes films, je m'identifiais à eux et là, pour la premièrefois, je me suis identifié à l'adulte, au père, au point qu'à la fin du montage, j'ai dédié le film à Jean-Pierre Léaud.

» C'est par l'intermédiaire du cinéma que Truffaut s'était annexé un père d'adoption : André Bazin, «le meilleur écrivainde cinéma en Europe» (selon Truffaut, dans « Adieux à André Bazin », Arts, le 19 novembre 1958).

C'est en effetBazin qui sort Truffaut du Centre d'observation des mineurs et lui offre des garanties d'emploi.

Bazin dirigeait lasection cinématographique de Travail et Culture et organisait des séances de cinéma dans les usines (en projetant,notamment, des films de Chaplin).

A 16 ans, Truffaut fait de lui son père spirituel :«Depuis ce jour de 1948 où il me procura mon premier travail de cinéphile à ses côtés, je devins son fils adoptif et luidois ainsi tout ce qui est arrivé d'heureux dans ma vie par la suite.

Il m'a appris à écrire sur le cinéma, il a corrigé etpublié mes premiers articles et c'est grâce à lui que j'ai pu accéder à la mise en scène.»(« Adieux à André Bazin », Arts, le 19 novembre 1958)C'est aussi sous l'égide du cinéma que Truffaut, à son tour, devient le père adoptif de Jean-Pierre Léaud.

AntoineDoinel, personnage inventé par Truffaut, n'est-ce pas l'enfant qui reste un enfant, même quand il se mue en unadolescent et en un adulte ? Truffaut ne peut lui attribuer que des activités ou des métiers de fortune.

Quand ilincarne au cinéma le docteur liard, dans L'Enfant sauvage, Truffaut n'est pas loin d'en finir avec son enfance.

Ce«quelqu'un qu'on va essayer d'aider», comme le déclare Truffaut à propos de cet enfant (sauvage) en 1970, c'estaussi bien l'enfant et l'adolescent qui sont en lui et qui cèdent le pas à l'adulte pourvu d'une bonne mémoire.Les cinéastes qui, en même temps que Truffaut, ont appartenu à cette génération que l'on a dénommée « LaNouvelle vague » (Godard, Resnais, Bresson, Becker, Melville, Chabrol, Rozier, Rouche, Demy, Rohmer, Rivette etc.)ont partagé la même passion pour le cinéma.

«Une vocation exclusive, oui, le cinéma a l'exclusivité absolue»,proclame Truffaut, à Radio-Canada, en 1971.Cinéma « filmé à la première personne» (Le Nouvel Adam, n°19, 1968), précise encore Truffaut avec pertinence caril s'agit de témoigner sur ce que l'on a vécu, dans l'enfance et dans l'adolescence.

Le film est conçu comme:. »

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