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Analyse linéaire de l’incipit de La peau de Chagrin

Publié le 20/04/2023

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« LL1 / La peau de chagrin (Balzac, 1831) - Le cerbère de la maison de jeu Introduction : Balzac publie La peau de chagrin en 1831.

À travers cette histoire du suicide d’un poète il entend présenter sa philosophie de l’existence.

Il y soutient une thèse qui lui tient à cœur à l’époque.

Elle postule que l’énergie vitale d’un être est une substance matérielle dont nous ne disposons que de manière finie.

Créer, vivre, désirer contribue à la dépenser, menant donc chaque être à sa propre destruction à plus ou moins long terme. Dans cet incipit, et de façon tout à fait originale, Balzac ne se concentre pas sur son personnage principal, qui ne sera d’ailleurs pas nommé avant de nombreuses pages.

C’est bien qu’il ne s’agit pas de faire de lui un héros.

Au lieu de cela c’est précisément le désir, sous sa forme la plus connue et identifiable, celle du démon du Jeu, qui tient le premier rôle dans ce texte.

(Nous étudierons l’originalité d’un incipit qui remplace la présentation attendue d’un personnage par celle d’une entité transpersonnelle : le désir.) Ce désir, principe vital précieux et toujours trop vite dilapidé, apparaît ici sous la forme du portier de la maison de jeu, véritable allégorie des effets de la passion sur les êtres interchangeables qu’elle détruit.

Nous étudierons cet extrait de façon linéaire, en suivant les mouvements du texte. Étude : Le texte s’ouvre sur des paroles rapportées au discours direct, laissant entendre la voix du portier de la maison de jeu.

« Monsieur, votre chapeau s’il vous plaît! » La caractérisation est dense, deux adjectifs flanquant chaque nom, voix et vieillard.

Ces adjectifs « petit » et « blême » et « sèche et grondeuse » sont péjoratifs.

Tout comme l’adjectif « ignoble » caractérisant la figure du portier. Ces précisions vont néanmoins à l’encontre d’un premier mouvement, dans ce début de texte, qui semble vouloir tirer en permanence les principes généraux d’une scène particulière.

Les termes de « type » sur lequel une « figure » serait « moulée », l’usage du « vous » générique (« À peine avez-vous fait un pas […] votre chapeau ne vous appartient plus ») ainsi que les deux abstractions « la loi » et « le jeu », tout comme l’usage du présent de vérité générale (« Quand vous entrez dans une maison de jeu la loi commence par vous dépouiller de votre chapeau »), tout cela semble indiquer que le texte propose, depuis la description particulière, une ligne de fuite vers le général. La phrase exclamative qui suit : « Est-ce une parabole évangélique et providentielle ! » va dans le même sens d’une loi générale tirée du particulier mais en faisant, en plus, en sorte de dégager l’aspect programmatique de cet incipit : Balzac nous livre ici le mode d’emploi de son texte mais aussi de son roman.

Il s’agira de le lire comme une parabole.

Il est important de repérer cette fonction programmatique car les autres fonctions traditionnelles de l’incipit (cadrage spatio-temporel, présentation des personnages, accroche du lecteur, choix de technique narrative) sont également présentes mais parfois de façon moins nette. Dans un passage saturé du « vous » générique, renforcé par le très didactique « mais sachez le bien » le narrateur s’adresse à son lecteur pour éclairer le sens de la parabole : donner son chapeau, pour insignifiant que cela paraisse, aboutira in fine à ne plus s’appartenir, et donc à tout donner de soi.

L’énumération « votre fortune, votre coiffe, votre cane, votre manteau » le rend plus frappant encore.

De plus, c’est la dynamique de la passion et de l’addiction qui est ici dévoilée, dans le passage qu’elle opère de l’objet insignifiant (le chapeau) à tout notre être (« vous »).

Cette totalité est exprimée par la formule lapidaire : « vous êtes au jeu ».

Plus d’oripeaux ici, mais la totalité de la personne, représenté par le pronom personnel. Le mécanisme se colore d’ironie quand, passant d’une figure de discours à une autre (de la « parabole » à « l’épigramme »), le narrateur souligne la fin annoncée de toute passion : le cruel dépouillement, chapeau excepté.

Le terme « épigramme », affublé de l’adjectif « atroce» et du complément de nom « en action », désigne la morsure de la fin lorsque le joueur a tout perdu mais qu’on lui rend son chapeau.

Le futur gnomique (« Le JEU vous démontrera ») prolonge l’aspect didactique. Le paragraphe suivant commence par mettre en position sujet de la phrase la réaction du jeune homme face cet échange étrange « une fiche numéroté en échange son chapeau ». Cette réaction, « l’étonnement », « indique » « une âme encore innocente ».

Ici, en accord avec la vocation de l’incipit, le ressort narratif est tendu : il s’agira, selon le stéréotype romanesque bien connu, de mettre un jeune innocent dans un lieu dangereux.

Si l’on veut aller plus loin et convoquer un autre topos, il n’est que de repérer que le vocabulaire utilisé : « âme », « cerbère », rejoint le motif du portier exigeant un objet comme droit de passage. Nous pensons à Charon et à son obole, et à la topique de la descente aux enfers.

D'Ulysse à Enée, celle-ci structure les récits fondateurs en les dramatisant.

La fonction d’accroche du lecteur est donc bien présente ici. Ce qui suit est le portrait de cet inquiétant Cerbère.

Dans une phrase à tiroir constituée de deux relatives, l’une d’entre elles débouchant sur une énumération, Balzac caractérise le vieillard et son regard (son « coup d’œil »).

L’image de l’enfer est ici à nouveau activée, par le biais de l’adjectif « bouillant ».

Mais ce qui compte surtout ici est le fonctionnement de la description, avec ses relatives qui semblent dévoiler les profondeurs, le passé et l’histoire (comme en témoigne le plus que parfait « avait croupi ») de ce vieillard.

C’est donc à un regard approfondi (celui d’un « philosophe ») que nous convie Balzac.

L’énumération est un dévoilement des malheurs qui ont mené.... »

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