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Analyse linéaire de l'incipit Au Bonheur des dames

Publié le 24/03/2023

Extrait du document

« Au Bonheur des dames, Emile Zola Incipit Denise était venue à pied de la gare Saint Lazare, où un train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe.

Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait.

Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrêta net de surprise. – Oh ! dit-elle, regarde un peu, Jean ! Et ils restèrent plantés, serrés les uns contre les autres, tout en noir, achevant les vieux vêtements du deuil de leur père.

Elle, chétive pour ses vingt ans, l’air pauvre, portait un léger paquet ; tandis que, de l’autre côté, le petit frère, âgé de cinq ans, se pendait à son bras, et que, derrière son épaule, le grand frère, dont les seize ans superbes florissaient, était debout, les mains ballantes. – Ah bien ! reprit-elle après un silence, en voilà un magasin ! C’était, à l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-Saint-Augustin, un magasin de nouveautés dont les étalages éclataient en notes vives, dans la douce et pâle journée d’octobre.

Huit heures sonnaient à Saint-Roch, il n’y avait sur les trottoirs que le Paris matinal, les employés filant à leurs bureaux et les ménagères courant les boutiques.

Devant la porte, deux commis, montés sur une échelle double, finissaient de pendre des lainages, tandis que, dans une vitrine de la rue Neuve-Saint-Augustin, un autre commis, agenouillé et le dos tourné, plissait délicatement une pièce de soie bleue.

Le magasin, vide encore de clientes, et où le personnel arrivait à peine, bourdonnait à l’intérieur comme une ruche qui s’éveille. – Fichtre ! dit Jean.

Ça enfonce Valognes...

Le tien n’était pas si beau. Denise hocha la tête.

Elle avait passé deux ans là-bas, chez Cornaille, le premier marchand de nouveautés de la ville ; et ce magasin, rencontré brusquement, cette maison énorme pour elle, lui gonflait le cœur, la retenait, émue, intéressée, oublieuse du reste.

Dans le pan coupé donnant sur la place Gaillon, la haute porte, toute en glace, montait jusqu’à l’entresol, au milieu d’une complication d’ornements, chargés de dorures.

Deux figures allégoriques, deux femmes riantes, la gorge nue et renversée, déroulaient l’enseigne : Au Bonheur des dames.

Puis, les vitrines s’enfonçaient, longeaient la rue de la Michodière et la rue Neuve-Saint-Augustin, où elles occupaient, outre la maison d’angle, quatre autres maisons, deux à gauche, deux à droite, achetées et aménagées récemment.

C’était un développement qui lui semblait sans fin, dans la fuite de la perspective, avec les étalages du rez-de-chaussée et les glaces sans tain de l’entresol, derrière lesquelles on voyait toute la vie intérieure des comptoirs.

En haut, une demoiselle, habillée de soie, taillait un crayon, pendant que, près d’elle, deux autres dépliaient des manteaux de velours. – Au Bonheur des dames, lut Jean avec son rire tendre de bel adolescent, qui avait eu déjà une histoire de femme à Valognes.

Hein ? c’est gentil, c’est ça qui doit faire courir le monde ! Mais Denise demeurait absorbée, devant l’étalage de la porte centrale.

Il y avait là, au plein air de la rue, sur le trottoir même, un éboulement de marchandises à bon marché, la tentation de la porte, les occasions qui arrêtaient les clientes au passage.

Cela partait de haut, des pièces de lainage et de draperie, mérinos, cheviottes, molletons, tombaient de l’entresol, flottantes comme des drapeaux, et dont les tons neutres, gris ardoise, bleu marine, vert olive, étaient coupés par les pancartes blanches des étiquettes.

À côté, encadrant le seuil, pendaient également des lanières de fourrure, des bandes étroites pour garnitures de robe, la cendre fine des dos de petit-gris, la neige pure des ventres de cygne, les poils de lapin de la fausse hermine et de la fausse martre.

Puis, en bas, dans des casiers, sur des tables, au milieu d’un empilement de 8 coupons, débordaient des articles de bonneterie vendus pour rien, gants et fichus de laine tricotés, capelines, gilets, tout un étalage d’hiver, aux couleurs bariolées, chinées, rayées, avec des taches saignantes de rouge.

Denise vit une tartanelle à quarante-cinq centimes, des bandes de vison d’Amérique à un franc, et des mitaines à cinq sous.

C’était un déballage géant de foire, le magasin semblait crever et jeter son trop-plein à la rue. « Au Bonheur des Dames » est un roman écrit pas Émile Zola, chef de file de l'école du naturalisme.

Ce roman est paru en 1883, lorsque la France connait la Révolution Industrielle.

Il est le 11ème volume de la suite romanesque Les Rougon-Macquart.

Le roman raconte l’histoire d’une famille d’orphelins, Denise et ses deux frères, venus à Paris pour fuir la misère.

Ils découvrent alors l’univers des grands magasins.

L’extrait à l’étude est l’incipit. Il est in medias res et alterne narration et description pour raconter l'arrivée de Denise et ses frères à Paris et la découverte du grand magasin. LECTURE MOUVEMENT : Début -> « mains ballantes » : l’introduction des personnages et du cadre spatio-temporel : Un incipit qui éveille l’intérêt du lecteur Suite : description du magasin comme s’il s’agissait d’un personnage à part entière : L’importance du grand magasin Ainsi nous allons nous demander dans quelle mesure peut-on parler d’esthétique naturaliste pour cet incipit ? - Denise était venue à pied de la gare Saint Lazare, où un train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe.

Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait.

. Le premier nom évoqué, qui est le premier mot du texte est « Denise ».

Denise est le personnage principal.

Elle est mise en relief au début contrairement à la mention des 2 frères qui est retardée.

La toponymie est ensuite abondante « gare Saint Lazare », « Cherbourg », « vaste Paris », « rue de la Michodière ».

Zola établit de cette manière le cadre spatiotemporel de son roman.

Le récit se déroule à Paris.

La vraisemblance et la précision des indications géographiques contribuent au style réaliste du roman.

Quant à l’introduction des personnages, elle est soulignée par le registre pathétique.

En effet, ils sont pauvres puisqu’ils avaient « passés une nuit sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe » mais aussi perdus comme le prouvent les termes « effarés et perdus ».

Cette pauvreté et leur égarement suggèrent qu’ils y viennent pour la première fois, certainement pour améliorer leur situation financière.

D’après leur position, « Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait » Denise parait jouer un rôle maternel pour ses deux frères. - Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrêta net de surprise. – Oh ! dit-elle, regarde un peu, Jean ! Et ils restèrent plantés, serrés les uns contre les autres, tout en noir, achevant les vieux vêtements du deuil de leur père. Denise est la première à être surprise et à le manifester en « s’arrêtant net de surprise ». Le discours direct souligné par les exclamations marque la surprise de Denise.

Cette surprise est aussi exprimée par l’immobilité « la jeune fille s’arrêta net de surprise », « Et ils restèrent plantés ».

Le registre pathétique continue d’être exprimé grâce aux expressions « tout en noir » et « les vieux vêtements du deuil de leur père ».

Les enfants sont en effet dans une situation douloureuse.

Ils sont orphelins : leur père est mort et l’on peut deviner qu’ils n’ont pas non plus de mère puisque Denise apparait comme une figure maternelle. - Elle, chétive pour ses vingt ans, l’air pauvre, portait un léger paquet ; tandis que, de l’autre côté, le petit frère, âgé de cinq ans, se pendait à son bras, et que, derrière son épaule, le grand frère, dont les seize ans superbes florissaient, était debout, les mains ballantes. Les renseignements sur les personnages (leur âge, les liens familiaux, leur attitude) sont réalistes.

Cette période syntaxique confirme, de plus, que la protagoniste Denise est la plus âgée des trois, bien qu’elle soit « chétive ».

Elle est présentée comme une figure protectrice pour ses frères.

Elle a donc des responsabilités d’adulte malgré son jeune âge et tous les trois se trouvent perdus dans ce « vaste Paris » alors qu’ils n’y connaissent encore rien à la vie. - – Ah bien ! reprit-elle après un silence, en voilà un magasin ! C’était, à l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-Saint-Augustin*, un magasin de nouveautés dont les.... »

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