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Kabir 1440-1518 Dans l'abondant lyrisme religieux que l'Inde a produit, plus spécialement entre le VIIe et le XVIe siècle, l'Occident s'est plu à mettre à part le cas de Kabir, surtout depuis les traductions, enjolivées, que Tagore a données en anglais.

Publié le 05/04/2015

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Kabir 1440-1518 Dans l'abondant lyrisme religieux que l'Inde a produit, plus spécialement entre le VIIe et le XVIe siècle, l'Occident s'est plu à mettre à part le cas de Kabir, surtout depuis les traductions, enjolivées, que Tagore a données en anglais. Il serait vain de chercher à savoir s'il est vraiment le plus grand parmi tant d'autres ; il n'est certes pas le poète le plus habile ou le plus harmonieux ; il n'est sans doute pas le plus pathétique. Mais on peut le considérer comme le représentant, non moins que le confluent, des grands courants mystiques qui se sont croisés alors dans l'Inde, et qui confèrent à cette Inde médiévale un éclat spirituel unique dans l'histoire humaine et une puissante séduction. Kabir est né vers 1440 ; il a vécu ses meilleures années à Bénarès, dans un pays conquis depuis plus de deux siècles par les Musulmans. La majorité de la population demeurait hindoue et attachée aux traditions exprimées dans les textes sanskrits. Les conquérants musulmans étaient, non des Arabes, mais des Turco-Iraniens convertis à l'islam ; peu nombreux, installés comme des colonisateurs, ils avaient apporté non seulement leur administration, mais aussi leur culture arabo-persane : le soufisme, venu de l'Iran, se rencontrait, sur la terre de l'Inde, avec le théisme hindou. Une synthèse était possible ; elle a été tentée plusieurs fois, et notamment par Kabir. Sa vie nous est assez mal connue. On discute sur la date de sa naissance, donnée comme très antérieure à 1440 par une tradition qui ferait vivre Kabir cent vingt ans. Mais il est certain que les circonstances l'ont prédisposé à devenir un trait d'union entre l'hindouisme et l'islam. On raconte en effet qu'il était un enfant trouvé : c'est dire qu'il échappait aux cadres rigoureux de la société brahmanique et de son ritualisme. Hindou, mais de caste inconnue, il aurait été élevé par un pauvre tisserand musulman et sa femme. Enfant des rues de Bénarès, écolier, il eut pour compagnons de jeux des Hindous et des Musulmans : ces derniers le traitaient de kafir " païen ", quand il récitait le nom de Râm. Il prit le métier de son père adoptif : tisserand ; il devait, plus d'une fois, inclure dans ses poèmes des allusions à la technique du tissage. Il fut donc un manuel ; il se fit autodidacte, et non sans succès, car son oeuvre atteste une certaine connaissance des textes brahmaniques. Il subit, on ne sait trop par quelle voie, l'influence du maître R&aci...

« de sa fin : c'était, pour lui, des noces avec Râm : “ Je pars rejoindre mon époux, qui est l'Un et l’immortel.

” Les Hindous voulaient brûler son corps, comme c'est leur usage ; les Musulmans voulaient lui donner une sépulture : les deux partis allaient en venir aux mains quand, dit la légende, une voix se fit entendre, ordonnant de soulever le linceul : au lieu et place du corps, le drap ne recouvrait plus qu'un amas de fleurs.

De tels récits prouvent au moins la popularité de Kabir et la ferveur des disciples qui nous ont légué ces données biographiques. L' œ uvre de Kabir se compose d'un nombre assez modeste de courts poèmes, dont l'authenticité pose des problèmes.

Car il est probable qu'il ne les a pas fixés par écrit lui-même, mais transmis oralement à ses disciples.

La langue est, dans la rédaction actuelle, un hindî archaïque.

Une partie de cette œ uvre a été incorporée au Livre sacré des Sikhs, l' âdi granth , dont la compilation date de 1604.

D'autre part, il existe un recueil attribué entièrement à Kabir, le Bîjak , qui aurait été réuni par un de ses disciples aux environs de 1570 ; le Bîjak est une collection de pièces diverses, désignées par des noms particuliers selon leur mètre et leur forme : par exemple les Ramaini, exposés doctrinaux en six lignes environ, ou moins, et les Shabda “ paroles ” : ce sont généralement, en quelques lignes, des exclamations, des boutades, des v œ ux, des prières, des apostrophes. Plus brefs encore sont les Sâkhî , sortes d'apophtegmes en deux lignes.

Enfin le volume se termine par un poème plus long résumant la doctrine.

En outre, il circule, sous le nom de Kabir, et notamment en tradition orale, des centaines d'autres poèmes du même genre dont l'authenticité est suspecte. Le premier trait qui frappe, en Kabir, c'est son esprit critique, sa position négatrice et destructrice.

Il raille, d'une façon souvent mordante, le ritualisme hindou ; il s'attaque à tout pharisaïsme, soit hindou, soit musulman.

Il n'a pas son pareil pour secouer le sentiment de sécurité dont se laissent volontiers envahir croyants, dévots et théologiens. Baignades ou offrandes des Hindous, prosternations ou psalmodies des Musulmans, aucun de ces gestes n'est une assurance de salut.

L'ascétisme même ne trouve pas grâce à ses yeux : voyant un ascète nu, il dit : “ A la bonne heure, le cerf des bois est sauvé lui aussi.

” Car la pénitence la plus cruelle ne nous garantit rien ; elle ne nous acquiert rien par elle-même.

Il pourchasse cette illusion du stable et de l'acquis jusque dans l'activité intellectuelle : pas plus que les gestes dérisoires du dévot, l'intellect constructeur de dogmes ne nous tire d'erreur.

Aussi Kabir se livre-t-il à un jeu de massacre sur les principaux thèmes de la philosophie hindoue ; passablement informé des diverses doctrines, il les plaisante comme un joyeux élève de scolastique en rupture de ban ; certains passages ne sont pas sans évoquer Rabelais, son cadet d'un demi-siècle.

Même la méditation personnelle et l'introspection sont sujettes aux mirages de la mâyâ , autant que la perception du monde extérieur : l'homme ne peut trouver en lui-même son point d'appui. Il en résulte des instants de découragement, de noir pessimisme, d'incertitude totale ; plus d'un passage retentit d'un violent et amer : “ Tout est vanité ”, et fait songer irrésistiblement à l'Ecclésiaste. Cependant, loin de le conduire à l'agnosticisme, cette critique est une exigence de sa foi ; elle n'a pas d'autre rôle que de nous montrer que “ tout vient de Dieu, et rien de son serviteur ”.

Ce maître suprême, il le nomme volontiers Hari ou Râm, termes hindous vichnouites ; mais qu'on l'appelle Allah ou autrement, peu lui importe.

Et l'aspect sous. »

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