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LES IDÉES ET LES MOEURS AU XVIIIe siècle

Publié le 28/06/2011

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Personne alors n'a tenu en place. Montesquieu est allé à la recherche des constitutions; Diderot, après avoir longtemps résisté, a pourtant fait le voyage de Russie. Un beau jour, le jeune Goldsmith a décidé qu'il partirait pour le continent ; et il est parti, en effet, sans argent, sans protection, sans itinéraire fixe, jouant de la flûte aux portes des chaumières, pour obtenir des paysans une écuelle de soupe, une place dans la grange. Holberg quitte le Danemark, prend la route, comptant sur sa belle voix comme' Goldsmith comptait sur sa flûte ; le voici qui passe de pays en pays; à Paris, il apprend le français, à Oxford il l'enseigne, il n'est pas gêné pour si peu. Ils sont la mobilité même, ces curieux que rien ne rassasie, et qui jamais n'ont assez vu. L'exil ne leur est pas amer, ils ne souffrent pas à gravir les escaliers d'autrui, le pain de l'étranger n'a pas un goût de sel; jetés hors de leur patrie, ils profitent de l'occasion pour se faire une âme nouvelle. Voltaire n'est pas tellement malheureux à Londres; il connaîtra la langue, la littérature, les moeurs de l'Angleterre, autant de gagné. L'abbé Prévost n'est pas tellement malheureux en Hollande où il jette décidément sa gourme ; encore moins dans l'île heureuse qu'il ne quitte qu'à regret, en chantant un hymne à sa grandeur. Bolingbroke devient sans peine une manière de grand seigneur français : il a son château, ses jardins, il se fait une clientèle, il règne. Winckelmann trouve en Italie sa vraie patrie. Combien de philosophes persécutés ne prirent-ils pas plaisir à se grouper autour de Frédéric II, à Berlin ? L'image tragique du Refuge tend à s'effacer ; il n'y a plus de bannis, il y a des cosmopolites.

« font partie des sociétés secrètes : on a pu voir, en ce temps-là, un aventurier religieux, Ramsay, qui fut l'un desmaîtres de la maçonnerie.

Bien plus ! Ces êtres qui ont en soi quelque chose de mystérieux, ayant étudié danstoutes les Universités, à ce qu'ils disent, guerroyé dans toutes les armées, connu familièrement tous les grands de laterre ; ces êtres qui semblent appartenir à la catégorie des apparitions, qui tout d'un coup se manifestent et toutd'un coup s'éclipsent, météores, sont les maîtres des puissances surnaturelles.

Ils exploitent, ici encore ; ilsexploitent un fond de crédulité superstitieuse, que la raison n'abolit pas, et qui à mesure que le siècle s'avance,prend sa revanche sur la raison.

Sorciers, cabalistes, occultistes, magnétiseurs, prophètes et mages, ils découvrentdes trésors, prédisent l'avenir, composent des philtres qui rajeuniront les douairières et leur rendront leur beauté deseize ans ; ils guérissent les malades ; il s'en faut de peu qu'ils ne ressuscitent les morts.

Celui-ci possède lapanacée, cet autre a trouvé la pierre philosophale; cet autre encore a vaincu le temps.

Il demande à son famulus «Te rappelles-tu le jour où le Christ fut crucifié ?» Et l'autre répond : « Monsieur oublie que je suis à son servicedepuis quinze cents ans seulement.

» Cagliostro, Grand Copte, tandis que sa femme est la Reine de Saba, a bul'élixir dont il avait trouvé le secret, l'élixir d'immortalité.Cela ne l'empêchera pas de mourir dans un cachot, devenu fou ou simulant la folie.

Car lui-même et ses pareils nemènent pas jusqu'à la fin leur comédie, et le dénouement est triste.

Ils sont pauvres après avoir gaspillé,emprisonnés après avoir été la liberté même, abandonnés le lendemain du jour où on leur faisait fête.

Ils n'ont pasmême, pour retrouver une conscience morale, le remords : ils n'ont que le regret.

Quelquefois, l'ironie du sort veutqu'ils traînent une longue vieillesse, pleine de grogneries et d'aigreurs.

Enfin punis, ils le sont cruellement.La société reprend ses droits, apercevant en eux des dissolvants, qu'elle condamne.

Elle ne leur en a pas moinsoffert un milieu favorable, hors duquel ils n'auraient pu prospérer.

Ils ont poussé jusqu'à l'excès, jusqu'au paradoxe,et jusqu'au vice, quelques-unes des idées du temps.

The Glittering century, le siècle qui brille : ils ont été sespaillettes.

Le siècle de l'intelligence : ils n'ont pas pillé les diligences, volé à main armée ; ils se sont servis de leursubtilité, de leur esprit, de leur psychologie, voire avec un certain mépris pour les benêts qui se laissaient prendre ;c'est un fonds excellent de revenu pour les petits, disait le Chevalier des Grieux, que la sottise des riches et desgrands.

Ils ont été les artistes de leur propre vie.La littérature exploite ce type humain.

Dans le roman, le picaro tend à devenir l'aventurier.

Au théâtre, Goldoni est àl'affût de sujets : de même qu'un jour il prend pour matière les prodigieux effets de la Madre Natura, et qu'un autrejour il met en scène Il filosofo inglese, disciple de Locke et de Newton, de même il donne, l'année 1751, L'aventuriereonorato, l'honorable aventurier.

Mais la littérature reste pâle, et ses réussites sont douteuses, par comparaisonavec l'aventurier vivant.

Car des jours qui lui ont été donnés, celui-ci a fait un chef-d'oeuvre.

Il les a employéscomme il le voulait, pour les fins qu'il voulait, en sculptant amoureusement sa propre statue.

Il y a des monumentsde toute espèce ; c'en est un que l'Esprit des Lois, c'en est un que l'Essai sur les Moeurs; c'en est un autre, ettoujours portant la marque du dix-huitième siècle que les Mémoires de Casanova.

LA FEMME. Le Temple de Gnide; Le Voyage à Paphos; mieux encore Il Congresso di Citera, d'Algarotti (1745).

Amour a disparudu monde, il s'est retiré dans son île, et a convoqué son conseil au sujet d'une contestation qui s'est récemmentélevée : les différentes nations se disputent sur la manière d'aimer.

Aussi délèguent-elles chacune une ambassadricedevant le conseil d'Amour ; Mme de Jasy représente la France; Lady Gravely, l'Angleterre; Béatrice, l'Italie; le rôlede rapporteur sera confié à la Volupté.

Il est bien entendu qu'un point restera hors de conteste : la suprématie duplaisir, dont la nature a versé le sentiment dans les coeurs.

Lady Gravely est amère : ses compatriotes dédaignentles femmes, et ils les ennuient.

Mme de Jasy vante l'amour volage; fi de la passion gothique, mieux vaut un capriceassaisonné d'élégance et d'esprit : piacere senza pena.

Béatrice vante le culte de la beauté idéale.

Aucune nedéfend la bonne cause : la Volupté résume le débat et communique la volonté du Dieu.

Il n'est pas au pouvoir del'homme de choisir celle qu'il aime, il est conduit vers elle par une fatalité.

Que son unique tâche soit donc de luiplaire, en la louant, en critiquant les défauts de ses rivales, la voix de Chloé, les dents de Lesbie ; en s'efforçant dene pas la contrarier, car on devient le maître en feignant d'être esclave ; en la divertissant ; en usant de petitsmoyens de conquête, les lettres habiles, la complicité de la femme de chambre, les.

promenades, les fêtes; enchoisissant son moment : qu'il se garde de faire sa déclaration le jour où sa belle vient de voir sur sa rivale une robed'une façon nouvelle !C'est bien cela; on eut l'illusion, on se donna l'air de croire qu'on pouvait avoir le plaisir sans avoir la peine, piaceresenza pena.

Le plaisir ne fut plus humiliant, secrètement toléré par quelque compromis, racheté par le repentir : ildevint glorieux en même temps que facile.

S'il comporte quelque idée étrangère à lui-même, ce fut celle d'uneostentation : liberté dans les moeurs ; les sens protestèrent pour leur part contre les rigueurs d'autrefois.

Écartés,dans la mesure du possible, les hypothèses fâcheuses, la prédestination, le mal originel ; étant admis que tout cequi était dans la nature était bon, que le plaisir était dans la nature et que le plus grand des plaisirs était la volupté: non pas toutes les femmes, mais les femmes à la mode, se conformèrent au nouvel art d'aimer.Divinités frivoles, poudre et rouge et mouches, failles, satins, brocarts, dentelles, bijoux, de leur pas léger elless'avancèrent au premier rang.

Le luxe s'organisa pour elles ; autour d'elles se fit comme un remous d'argent.

Bals,dîners, soupers, furent les moments de leur grande fête continue.

On s'empressa de satisfaire leurs désirs, àcondition qu'elles ne fussent plus que caprice.

La passion insensée ? La foi donnée ? Le respect du mariage ? Cen'était pas dans la règle du jeu.

Usbek constatait qu'il n'y avait pas de pays au monde où les maris jaloux fussent enplus petit nombre que chez les Français : non qu'ils eussent confiance dans la vertu des femmes, au contraire : ilsétaient si fiers de leur infortune qu'ils n'avaient plus qu'à en prendre leur parti.

Le prince Angola fait son éducation :son ami Almaïr lui recommande le seul remède contre l'ennui, c'est-à-dire le changement ; le prince regarde bientôtles jolies femmes comme des effets qui sont dans le commerce, et qui passent de main en main.

« Nous nous. »

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