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L'Europe centrale au temps de la Révolution et de l'Empire par F.

Publié le 05/04/2015

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L'Europe centrale au temps de la Révolution et de l'Empire par F. G. Dreyfus Professeur à l'Université de Strasbourg Lorsque la Révolution française éclata, une bonne partie de l'intelligentsia centre-européenne l'accueillit avec une très grande faveur. Les philosophes, comme Kant, les poètes, comme Klopstock ou Wieland, entraînèrent derrière eux une partie de l'élite. Mais cette élite demeura très limitée et son enthousiasme décrut très vite. Pourtant, la Révolution et surtout l'Empire marquèrent d'une empreinte profonde l'histoire des divers États de l'Europe centrale. L'Europe centrale et la Révolution française Les milieux littéraires et philosophiques firent à la Révolution un accueil favorable. En bien des endroits, les idées nouvelles furent adaptées : les sociétés de lecture, les loges maçonniques se développèrent. Un peu partout apparut une presse diversifiée et libérale, groupant autour d'elle des intellectuels souvent de grande valeur. Dans les régions catholiques, le conflit qui opposait l'Empereur et certains prélats au Saint-Siège favorisa la naissance d'un mouvement catholique national. Tout cela montre bien une certaine agitation des esprits dans les années 1788-1789. On sait que lorsque Kant apprit la nouvelle de la Révolution, il modifia l'itinéraire de sa promenade habituelle, et il suivit avec passion les événements de France. Plus tard, il pleurera de joie en apprenant la proclamation de la république. Cela n'a rien d'étonnant de la part d'un homme qui avait pris parti pour les colons d'Amérique révoltés contre l'Angleterre. L'intelligentsia centre-européenne était fort bien renseignée sur ce qui se passait en France. En effet, il existait à Paris une véritable colonie d'intellectuels allemands et polonais dont certains d'ailleurs, tel Charles-Frédéric Reinhard, entrèrent au service de la France. Même quand ils ne se firent pas naturaliser, ces hommes furent très favorables à la Révolution française dont ils furent souvent les thuriféraires, et ils entretinrent leurs correspondants dans l'admiration de la Révolution. La presse en effet tint régulièrement ses lecteurs au courant des événements de France, et le 14 juillet conduisit vraiment à une explosion d'enthousiasme. De nombreux journaux publièrent des poèmes sur la prise de la Bastille. Un Suisse au service de l'électeur de Mayence écrivit que " le 14 juillet était [...] le plus beau jour depuis la décadence de l'Empire romain ". Même enthousiasme chez Klopstock, Wieland, dans le Staatsanzeiger. En Prusse Même, il y eut un réel enthousiasme, car on trouvait une certaine parenté entre la Révolution et la Prusse frédéricienne où tout reposait sur la souveraineté de la loi et sur les Droits de l'homme. Le 14 juillet 1790, une grande réunion fut organisée à Hambourg pour l'anniversaire de la prise de la Bastille, et Klopstock y lut son ode Eux et pas nous. D'ailleurs, l'organisateur de la fête, Sieveking, constitua un peu plus tard une société qui prit rapidement l'allure d'un club jacobin, dont les activités furent jugées subversives. Ainsi, en 1789-1790, la Révolution a-t-elle été accueillie avec faveur. Mais très vite on commença à craindre les troubles et les désordres. En Rhénanie, la " grande peur " amena une agitation assez sensible dans un certain nombre de villes et au moment des journées d'Octobre la presse allemande redoutait le radicalisme de la Révolution. Une bonne partie de l'opinion publique prenait peur et seule une petite minorité resta favorable à la Révolution. Les violences qui se développaient à travers toute la France commencèrent à être stigmatisées par la presse, qui s'empressa de brûler ce qu'elle avait adoré. Ce phénomène fut particulièrement sensible à partir de 1791. La fuite à Varennes marqua un tournant très important pour l'attitude allemande. On nota désormais " une aigreur générale parmi les habitants de toutes classes contre la Révolution ". Mais cette hostilité se développa surtout lorsque le gouvernement français instaura une politique nettement antireligieuse. Même chez les fébronianistes ou les joséphistes, la constitution civile du clergé fut accueillie avec réticence. Peu à peu, la très grande majorité de ceux qui avaient salué la Révolution avec ferveur s'en détournaient et prenaient à son égard une attitude très hostile. L'anticléricalisme affecté par les Français gênait de plus en plus les Allemands, profondément attachés à leurs traditions religieuses. Surtout, le nationalisme français faisait peur non seulement aux princes mais à une grande partie de la population, en particulier dans le Palatinat, où le souvenir de la dévastation ordonnée par Louis XIV et par Louvois était resté si vivace qu'on en avait célébré le centenaire avec quelque solennité quelque temps auparavant. Dans l'Empire, tant que Joseph II et Léopold II avaient régné, les tendances favorables qui persistaient avaient pu s'exprimer sans trop de difficultés. Le tournant de 1791-1792 modifia la situation. D'abord la crainte de la France se généralisa. Dans certaines régions, on pourchassa les intellectuels favorables à la Révolution. Dans nombre d'universités, les professeurs qui se réclamaient de Kant furent contraints d'abandonner leurs chaires. En Prusse et à Vienne, les souverains devinrent beaucoup plus intransigeants, et très vite on lutta dans les divers États allemands contre les manifestations en faveur de la Révolution. Dans les États autrichiens, les chefs de ceux que l'on appelait les jacobins furent poursuivis et exécutés. Il est vrai que la politique anti-révolutionnaire des princes allemands excitait le nationalisme français. Au lendemain de Varennes, l'empereur et le roi de Prusse se rencontrèrent à Pillnitz et lancèrent un véritable avertissement à la Révolution française. D'autre part, en vertu des principes révolutionnaires, les princes allemands possédant des droits seigneuriaux en Alsace s'en voyaient dépouillés. En effet, le 13 juin 1790, les délégués des gardes nationales d'Alsace affirmèrent à Strasbourg qu'ils étaient français, non point en vertu des traités internationaux, mais parce qu'ils voulaient être Français. Toutefois, un problème se posait. Les " princes possessionnés " d'Alsace avaient-ils droit à une indemnisation ? Oui, disaient-ils, en vertu du droit international ; non, disait l'Assemblée nationale française : l'Alsace était française et seule s'y appliquait la loi nationale. Cette proclamation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes allait résonner profondément dans toute l'Europe centrale, d'autant plus que la plupart des États étaient constitués d'une multitude d'enclaves et faits de peuples différents. Le confit entre les princes allemands et la France ne cessa de s'aggraver et malgré les amis de Robespierre, l'Assemblée législative votait, le 20 avril 1792, la déclaration de guerre contre le roi de Bohême et de Hongrie. Au moment même où la guerre éclatait, un véritable nationalisme se développait en France. Un Allemand, Cloots, avait publié en 1785 Les Voeux d'un gallophile, dans lequel il réclamait pour la France la frontière du Rhin, incluant la Belgique et la rive gauche du Rhin. Ce nationalisme avait déjà amené la France à annexer le comtat Venaissin. A l'automne 1792, après Valmy, les troupes françaises pénétrèrent en Rhénanie. Si l'on en croit certains historiens français, ils furent reçus avec enthousiasme. Il ne faut pas se faire d'illusions : la rive gauche du Rhin n'accueillit pas " les Français en libérateurs ". Sans doute, l'armée française abrogea-t-elle le système féodal et les traces de l'Ancien Régime. A Mayence même se constitua un club qui groupa quatre cent cinquante-quatre membres, dont près d'un quart étaient des étrangers. Ce club important n'était pas vraiment représentatif de l'opinion mayençaise. En mars 1793, à la demande des clubistes, la Convention parisienne décida l'élection d'une Convention nationale rhéno-germanique, qui fut élue par une toute petite minorité de la population. Dans certaines communes, il n'y eut qu'une dizaine d'électeurs. En fait, l'opinion rhénane était largement hostile à la présence française, d'abord parce que les français étaient des occupants, ensuite parce que le nouveau système fiscal apparut vite presque aussi lourd que le système lié au régime féodal qu'on venait d'abroger. Sans doute en raison de la présence française, se développèrent, malgré les gouvernements établis, quelques mouvements à tendance révolutionnaire, en particulier en Silésie, en Saxe et en Allemagne du Sud. Mais ces mouvements n'eurent jamais qu'une influence limitée et, dès 1793, la plupart des écrivains allemands se montrèrent d'une neutralité très réservée, tels Schiller et surtout Goethe et Wieland. Les Entretiens d'émigrés allemands montrent bien, autant qu'Hermann et Dorothée, combien Goethe avait évolué. D'autres pourtant, comme Fichte, eurent une attitude beaucoup plus favorable. Dès le début, il avait pris position, et il envisagea à plusieurs reprises de se mettre au service de la France ; quand on lui proposa, en 1798, une chaire de philosophie à Mayence, il écrivit : " Je n'ai pas de plus grand désir que de consacrer ma vie au service de la Grande République, en vue de lui former de futurs citoyens. " Mais la plupart des écrivains allemands contribuent à faire de l'Allemagne un des hauts lieux de l'idéologie contre-révolutionnaire. Cette attitude s'explique sur le plan politique par certains excès de la
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