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René Descartes par Ferdinand Alquié Professeur à la Sorbonne Quelques formules résument, dans

Publié le 05/04/2015

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René Descartes par Ferdinand Alquié Professeur à la Sorbonne Quelques formules résument, dans la mémoire des hommes, la pensée de Descartes : " Je pense donc je suis " ; il ne faut affirmer que ce qui se présente " si clairement et si distinctement " à l'esprit qu'on n'ait " aucune occasion de le mettre en doute " ; nous pourrons, en connaissant les lois des choses, " nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ". Telle est la rançon de la gloire. On réduit la philosophie la plus profonde à des propos d'une évidente banalité, à des affirmations qui, comme Descartes le remarque lui-même, auraient pu " tomber sous la plume de qui que ce soit ". Chacun peut, dès lors, se dire cartésien. En revanche, les commentateurs trouvent tant de difficultés à comprendre Descartes qu'ils ne parviennent même pas à se mettre d'accord sur le sens général de son oeuvre. Pour l'un, Descartes fut un apologiste religieux, pour l'autre, un sceptique et un athée. Celui-ci le croit tout occupé de physique, celui-là le tient pour le fondateur de la métaphysique moderne. De fait, le lecteur découvre en ses écrits mainte contradiction. Descartes affirme que l'homme est libre, et que tout ce qu'il fait résulte de l'opération de Dieu. Il voit l'essence de la liberté dans la détermination de notre conscience par la connaissance du Bien, puis dans le pouvoir de refuser ce Bien lui-même. Il réduit la substance à son attribut, et pourtant l'en distingue. Il professe le primat de la pensée, et celui de l'Être. Il distingue l'âme du corps, et conseille à la princesse Élisabeth de les confondre, pour retrouver l'homme concret. Il rêve de constituer une médecine mécaniste et déclare à Burman qu'il faut suivre la nature, telle que la révèlent les désirs du malade. Descartes dissimule-t-il donc son plus profond dessein ? Certains l'ont pensé, et ont accordé l'importance d'un programme à la phrase qu'à vingt-trois ans il écrivit sur un carnet intime : larvatus prodeo (Je m'avance masqué). En vérité, l'on ne saurait méconnaître, en Descartes, quelque dissimulation. Vis-à-vis des pouvoirs et de l'Église, sa prudence paraît souvent excessive. Soucieux de son repos, il s'abstient de publier celles de ses opinions qui ne peuvent obtenir un accord unanime. Parfois aussi, le désir de conserver le privilège de ses inventions le conduit à laisser demeurer des obscurités en ses écrits : c'est le cas en sa Géométrie, et dans l'Introduction à la géométrie ; texte qui, s'il n'est pas de sa main, fut rédigé sous son inspiration directe, et qu'il autorise Mersenne à répandre. Et, dans sa Dioptrique, il va jusqu'à proposer une inexacte démonstration de la loi des sinus, qui est une de ses plus fameuses découvertes. En tous les domaines Descartes demeure celui qui prit pour devise : bene vixit, bene qui latuit (Il a vécu heureux, celui qui est demeuré dans l'ombre), et qui, dans ses Méditations, ne demande d'abord la vérité qu'à l'exaspération de sa défiance. Mais on ne saurait croire qu'il ait caché, en quelque obscur dessein, l'essentiel de sa pensée. La conviction qu'il entraîne, l'impossibilité que nous éprouvons, en le lisant, de nous soustraire à l'empire de ses raisons témoignent de sa sincérité. En vérité, l'obscurité de Descartes, ses contradictions elles-mêmes viennent de son souci de philosopher à niveau d'homme, et de ne rien laisser perdre de l'homme. Or, au temps de Descartes, l'homme se trouve déchiré. Les découvertes de la science et celles de l'histoire, les recherches et les voyages semblent élargir à l'envi l'espace et le temps, situent la Terre dans un univers qui n'est plus à notre mesure, révèlent pays nouveaux et civilisations inconnues. La vision médiévale du Monde se trouve ainsi ruinée, que nous soient offerts d'autres buts de vie, d'autres valeurs. D'où la nécessité de choisir entre des conceptions dont chacune semble laisser perdre une partie de notre vérité. Faut-il maintenir l'idée d'un monde fait pour l'homme par un Dieu qui lui-même s'est fait homme, ou reconnaître que nous sommes perdus dans l'immensité d'une matière qui nous ignore ? Doit-on voir en l'Église la médiatrice entre l'homme et Dieu, ou, sous l'inspiration de la Réforme, estimer que le rapport de l'individu et de Dieu peut être immédiat, et comme vertical ? Convient-il, selon l'esprit de la Renaissance, de chercher dans la Nature forces occultes et pouvoirs cachés, ou de réduire ses phénomènes à de purs changements locaux s'effectuant dans un espace homogène ? Certains s'enthousiasment alors pour le mécanisme, d'autres, à la suite d'Agrippa de Nettesheim ou de Sanchez, soulignent " l'incertitude et la vanité des sciences et des arts ". La philosophie de Descartes consistera, avant tout, à mettre en lumière la véritable situation de l'homme par rapport à cette science qu'il construit et qui, déjà, l'effraie. Mais sa solution ne sera pas de synthèse, ou de système. Elle sera d'analyse, de distinction et d'équilibre. René Descartes naquit le 31 mars 1596 à La Haye, en Touraine, de Joachim Descartes, conseiller au Parlement de Rennes, et de Jeanne Brochard. Sa mère étant morte un an après sa naissance (et non, comme il l'écrit par erreur, quelques jours après), et son père s'étant remarié, il fut d'abord élevé par sa grand-mère maternelle. En 1604, à l'âge de huit ans, Descartes entre au Collège Royal de la Flèche, tenu par les jésuites. Ses dons et sa santé fragile lui valent un traitement de faveur : il se lève à son heure et prend le loisir de réfléchir longuement en son lit, habitude qu'il conservera toute sa vie. Mais bientôt, si du moins on en croit le récit du Discours de la Méthode, Descartes remarque que les leçons qu'il écoute ne lui donnent, en la vie, aucune " assurance ". La science est riche d'applications pratiques, mais elle ne renseigne pas sur les fins à poursuivre, elle n'apprend pas à la volonté, comme le dira la première des Règles pour la direction de l'esprit, quel est " en chaque circonstance de la vie... le parti à prendre ". Quant à la morale, les jésuites l'enseignaient de façon littéraire, à l'aide d'exemples principalement tirés de l'Antiquité. Or Descartes compare les écrits des moralistes anciens à " des palais fort superbes et fort magnifiques " qui ne seraient " bâtis que sur du sable et de la boue ". Il rêve donc d'une science démonstrative des fins, et veut donner à la sagesse une certitude qu'il ne rencontre que dans les mathématiques. En 1614, Descartes quitte le collège. En 1616, il est reçu bachelier et licencié en droit à Poitiers. En 1618, il s'engage dans l'armée de Maurice de Nassau, aux Pays-Bas. C'est là, au mois de novembre de cette même année, qu'il rencontre Becckman. Celui-ci, très informé des progrès scientifiques de l'époque, et lui-même savant estimable, provoque, chez Descartes, une adhésion passionnée au mécanisme. Sans prendre le temps et la peine de critiquer la philosophie thomiste et suarézienne qu'il avait apprise au collège, Descartes adopte la nouvelle physique, et rédige, selon son esprit, ses premiers essais (dont un petit traité de musique). Puis, en avril 1619, il quitte la Hollande, gagne, par le Danemark, l'Allemagne, où il s'engage<...
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