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ABERRANT, -ANTE, adjectif.

Publié le 27/09/2015

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ABERRANT, -ANTE, adjectif.  

A.—  PHILOSOPHIE.  Qui s'écarte de la norme attendue, qui va contre la logique ou la vérité : 

Ø 1.... j'imagine des objets ou des personnes dont la présence ici n'est pas incompatible avec le contexte, et pourtant ils ne se mêlent pas au monde, ils sont en avant du monde, sur le théâtre de l'imaginaire. Si la réalité de ma perception n'était fondée que sur la cohérance intrinsèque des « représentations », elle devrait être toujours hésitante, et, livré à mes conjectures probables, je devrais à chaque moment défaire des synthèses illusoires et réintégrer au réel des phénomènes aberrants que j'en aurais d'abord exclus. Il n'en est rien. Le réel est un tissu solide, il n'attend pas nos jugements pour s'annexer les phénomènes les plus surprenants ni pour rejeter nos imaginations les plus vraisemblables.

MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, page V. 

Ø 2.... nous disposons de ces raisons de l'âme par où s'exprime l'accord profond d'un homme avec des vérités qui le dépassent. Elles se heurtaient chez beaucoup à ce faux réalisme court de vues, plus aberrant que toute chimère, qui prétend ne se fonder que sur les données de l'instant

FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances,  1946, page 121. 

Ø 3. Or en remontant aux premières attitudes émotionnelles on est conduit à contester que l'émotion soit une conscience qui se comprenne par elle-même et qui réalise un brouillage du monde de l'action dans un sens magique, c'est-à-dire finalement aberrant

PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté,  1949, page 251. 

Remarque : Dans la langue parlée, on rencontre la tournure exclamative : Mais c'est aberrant! C'est de la folie! 

B.—  Emplois scientifiques et techniques. 

1. BIOLOGIE.   [En parlant d'individus envisagés par rapport à l'espèce]  Qui présente des caractères non conformes à la norme biologique attendue : 

Ø 4. D'après M. et Mme.  Magrou, des oeufs d'oursin, après avoir été exposés au rayonnement de certaines cultures bactériennes (bacterium tumefaciens), se développent d'une façon irrégulière et donnent naissance à des larves aberrantes, opaques et globuleuses, très différentes des larves normales, transparentes et élancées.

JEAN ROSTAND, La Vie et ses problèmes,  1939, page 82. 

Ø 5. Il est possible (encore que peu probable) que ces particules énormes ne forment plus aujourd'hui dans la nature qu'un groupe exceptionnel et relativement restreint. Mais, si rares qu'on les suppose, si modifiées même qu'on les imagine par association secondaire avec les tissus vivants qu'elles parasitent, il n'y a aucune raison pour en faire des êtres monstrueux ou aberrants. Tout porte au contraire à les regarder comme représentant, fût-ce à l'état de survivance et de résidu, un étage particulier dans les constructions de la matière terrestre.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain,  1955, page 85. 

Ø 6. Regardés d'abord comme des êtres singuliers et aberrants, étroitement confinés en Afrique du Sud, ils [les théromorphes] sont maintenant définitivement identifiés comme représentant, à eux seuls, un stade complet et particulier de la vie vertébrée continentale.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain,  1955 page 138. 

—  Par extension.  [Dans le domaine psychique, en parlant d'écarts par rapport à la norme] :

Ø 7. Toute l'histoire humaine, en tant qu'elle manifeste la pensée, n'aura peut-être été que l'effet d'une sorte de crise, d'une poussée aberrante, comparable à quelqu'une de ces brusques variations qui s'observent dans la nature et qui disparaissent aussi bizarrement qu'elles sont venues. Il y eut des espèces instables, et des monstruosités de dimensions, de puissance, de complication, qui n'ont pas duré. Qui sait si toute notre culture n'est pas une hypertrophie, un écart,...

PAUL VALÉRY, Variété III,  1936, page 263. 

2. LINGUISTIQUE.  \" Une forme aberrante est celle qui par quelque particularité se distingue des formes avec lesquelles elle se groupe d'ordinaire;... \" (Lexique de la terminologie religieuse (JULES MAROUZEAU) 1951, page 11). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 55. 

 

Forme dérivée du verbe \"aberrer\"

 aberrer

ABERRER, verbe intransitif.  

A.—  Sens propre.  [Le sujet est un animé humain]  Aberrer dans la foule. S'égarer dans la foule. [Le sujet est un inanimé capable de mouvement (un astre, un rayon lumineux)]  S'écarter de la voie normale, dévier. 

B.—  Au figuré.  [Le sujet désigne un animé humain]  S'écarter de la vérité, de la bonne règle, se tromper : 

Ø 1. Je crois avoir écrit bien lisiblement mes corrections; elles sont absolument définitives. Si vous voulez bien, je vérifierai moi-même leur mise en pages; ce serait l'affaire d'une heure, avec vous, soit à Asnières soit chez vous, attendu qu'il serait fâcheux d'aberrer quand on se donne (comme moi dans cette étude) de petits airs scientifiques.

PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Correspondance générale,  1886, page 150. 

Remarque : 1. Le verbe aberrer ne s'emploie pratiquement qu'à l'infinitif (exemple 1). 2. La documentation fournit un exemple de participe passé employé comme substantif : un aberré (confer un égaré) : 

Ø 2. Mais si l'on peut admettre que ce sommeil de plomb est l'une des phases connues de cet état encore mal observé du vampirisme; si l'on peut croire que Gilles de Rais fut un aberré des sens génésiques, un virtuose en douleurs et en meurtres, il faut avouer qu'il se distingue des plus fastueux des criminels, des plus délirants des sadiques, par un détail qui semble extrahumain, tant il est horrible!

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 15. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1. 

 

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