Définition et usage du mot: BARRE, substantif féminin.

Définition et usage du mot: BARRE, substantif féminin. I.— Pièce étroite et longue, généralement de section régulière, d'une rigidité et d'une résistance variables selon la matière dont elle est faite : Ø 1. Au bruit de pas qui descendaient, de lui-même le concierge tira le cordon et Tisselin en un clin d'oeil ôta la barre, ouvrit le second battant,... JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 308. Ø 2.... nombreux [sont] à Paris et en province les parents éloignés qui attendent sa mort, tandis que nous causons intimement tous les deux, matin et soir, lui à la barre de mon lit ou moi à la barre du sien. MARCEL JOUHANDEAU, Monsieur Godeau intime, 1926, page 246. A.— En particulier, pour des techniques diverses. 1. MARINE. Tige actionnant le gouvernail et, par extension, tout dispositif servant à gouverner un bateau. — Au figuré. Coup de barre. Changement brusque de direction dans la conduite d'une personne, d'une société. Être à la barre, prendre la barre. Diriger. 2. MINES. Barre à mine. Tige d'acier à extrémité taillée en biseau, utilisée pour forer les trous de mine. 3. PHYSIQUE NUCLÉAIRE. Barre de contrôle. " Barre absorbant les neutrons et dont l'enfoncement dans un réacteur permet de réduire la réactivité à la demande, donc de piloter le réacteur " (Dictionnaire atomique (VICTORIN CHARLES) 1960). Barre de sécurité. " Barre ayant même propriété qu'une barre de contrôle, mais dont le déplacement dans le réacteur est extrêmement rapide pour pouvoir, en cas d'incident, stopper brutalement le développement de la réaction en chaîne " (Dictionnaire atomique (VICTORIN CHARLES) 1960) : Ø 3. Le contrôle de la pile se fait en déplaçant des barres d'alliages, comme l'acier au bore, qui absorbent les neutrons et influent sur la réaction en chaîne; des barres analogues, dites de sécurité, peuvent arrêter automatiquement la pile en cas d'accident. BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques, 1962, page 210. B.— Par extension. Objet servant ou aboutissant à séparer ou à appuyer. 1. [Sert ou aboutit à séparer] a) [De manière à protéger] — JUSTICE. " Barrière qui autrefois séparait les juges du public dans la salle d'audience " (Vocabulaire juridique (HENRI CAPITANT)). · Par métonymie. Actuellement lieu de la salle d'audience où comparaissent les témoins et où plaident les avocats. Comparaître, être appelé à la barre : Ø 4. Cette femme-là a un amant qu'elle aime; on la soupçonne, on la tourmente, (...); elle est effrayée, elle va perdre l'homme qui remplit sa vie, (...). Son mari se lève en sursaut, (...); il la réveille, il veut la traîner à la barre d'un tribunal. ALFRED DE MUSSET, Le Chandelier, 1840, III, 2, page 73. — MANÈGE. " Longues pièces de bois rondes suspendues horizontalement à deux cordes, pour séparer les chevaux dans les écuries " (Dictionnaire de l'Académie Française). b) [De manière à être une entrave] — OCÉANOGRAPHIE. Accumulation d'alluvions fluviales qui se forme parallèlement à la côte devant l'entrée d'un estuaire. — JEUX. Jeu de barres. Jeu de course entre deux camps limités chacun par une barre tracée sur le sol : Ø 5. Dès le collège, un besoin impérieux le tourmentait d'exceller en tout, aux barres comme à la balle, au gymnase comme au laboratoire de chimie. JULES VERNE, Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 21. · Expression figurée. Avoir, prendre barre(s) sur quelqu'un. Avoir l'avantage sur lui : Ø 6. Mon cher Monsieur Lecou, n'ayez pas de relâche que vous n'ayez fait régler les in-12 à Souverain, tant que j'ai quelque chose à livrer, vous avez barre sur lui;... HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1839, page 559. Ø 7. Elle avait eu barre sur le fils pendant quelques heures — onze, le chiffre de la transgression — ... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 2, 1903, page 159. Remarque : Toucher barres (vieilli). Partir à peine arrivé : Ø 8.... si je vous écris aujourd'hui, c'est surtout par ennui de ne l'avoir pas fait depuis longtemps. Je ne vais à Paris que pour y toucher barres. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Correspondance [avec Alexis de Tocqueville] , 1855, page 222. 2. [Sert d'appui, de support] a) AUTOMOBILE. Barre d'accouplement. Pièce métallique destinée à assurer le parallélisme des roues directrices : Ø 9. Chez Panhard (modèle « dynamic »). Cette disposition [la direction au milieu] entraîne la suppression de la barre d'accouplement, chaque roue étant commandée individuellement. HENRI TINARD, L'Automobile, 1951, page 329. b) CHORÉGRAPHIE. " Tringle cylindrique placée dans les studios de danse parallèlement au mur de manière à ce que les élèves aient un point d'appui pour effectuer les exercices " (Dictionnaire des arts du spectacle (CÉCILE GITEAU) 1970). c) CONSTRUCTION. Barre d'appui. " Barre en métal ou en bois scellée dans les tableaux d'une fenêtre, à hauteur d'appui " (Terminologie de la pierre de taille (PIERRE NOËL) 1968). d) IMPRIMERIE. Barre du châssis. " Pièce de fer qui traverse, dans le sens de la hauteur ou de la largeur le châssis dans lequel on assemble ou on impose les pages " (Dictionnaire de l'Académie Française). e) SPORTS. Barre fixe. Barre soutenue par deux montants verticaux. Barres parallèles. Barres maintenues à égale distance par des montants verticaux. C.— Populaire. 1. Coup de barre. Grande fatigue subite (Confer Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT) 1966) : Synonyme populaire : coup de pompe. 2. C'est le coup de barre. C'est très cher (confer coup de fusil). II.— Par analogie. A.— ANATOMIE ANIMALE. Barres du cheval. Partie de la mâchoire du cheval, entre les molaires et les incisives, où s'appuie le mors. Il faut ménager les barres d'un jeune cheval (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932). — Argot : Ø 10. « Ne compte que sur le liquide pour te rafraîchir les barres, cavalièrement parlant » (A. Lecomte, [18] 61). LORÉDAN LARCHEY, Dictionnaire historique d'argot, 1878, page 29. — Au figuré. Crispation douloureuse : Ø 11. Elle dit à Marie de Lados qu'elle se sent une barre sur l'estomac et qu'elle n'aurait pas dû reprendre de l'anguille;... FRANÇOIS MAURIAC. Génitrix, 1923, page 382. B.— Usuel. Trait tracé à la plume, au crayon : Ø 12. 18 d'instruction civique plus 25 de chant plus 50 de cosmographie plus 75 de notions d'hygiène; tirez une barre et additionnez : total : zéro. Total, un médiocre. HENRI DE MONTHERLANT, Fils de personne, 1943, III, 3, page 323. Ø 13.... le caractère était décomposé en une multitude de traits, à chaque trait de l'esprit correspondait un trait de plume; la barre de vos T devenait la plus indiscrète et la plus péremptoire des confidentes. EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 204. — En particulier. Premier exercice d'écriture pour les jeunes écoliers. Cet écolier ne fait encore que des barres (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). — Spécialement. 1. HÉRALDIQUE. Trait oblique qui sépare l'écu du haut de la partie gauche au bas de la partie droite. 2. MUSIQUE. Barre de mesure. " Trait perpendiculaire sur la portée musicale, pour séparer les mesures d'un morceau de musique " (Dictionnaire général de l'art musical (PAUL ROUGNON) 1935). Barre horizontale. " Nom donné à chacune des cinq lignes de la portée de musique. Petite barre horizontale placée au-dessus ou au-dessous d'une note dans la musique de chant et de piano, indiquant qu'il faut accentuer la note avec un léger appui " (Dictionnaire général de l'art musical (PAUL ROUGNON) 1935). Barre double. Traits perpendiculaires sur la portée musicale pour indiquer la fin d'un morceau de musique ou la fin d'une partie de morceau (d'après Dictionnaire général de l'art musical (PAUL ROUGNON) 1935) : Ø 14. Or, c'est ce dont aucune des éditions n'a tenu compte; et les doubles barres, abusivement réintroduites, ont favorisé la tendance, (...), à disloquer la construction générale, pour des effets de contrastes exagérés. ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 2, 1928, page 427. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 362. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 091, b) 2 393; XXe. siècle : a) 2 304, b) 2 225. Forme dérivée du verbe "barrer" barrer BARRER, verbe transitif. I.— [Correspond à barre I] . Munir d'une barre. A.— Consolider au moyen d'une barre. Barrer une table, barrer le fonds d'un tonneau (Dictionnaire de l'Académie Française). B.— Fermer à l'aide d'une barre : Ø 1. Il avait fallu barrer les portes, faire de nuit des rondes avec un fusil autour des bâtiments. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 259. 1. Par extension. a) Fermer un passage (en plaçant un obstacle en travers), obstruer. Deux pièces de canon et des fourgons barraient la porte (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 308) : Ø 2. Le postillon descendit et jeta un cri d'alarme en trouvant des cordes tendues d'un arbre à l'autre, ce qui barroit le chemin :... HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, 1824, page 111. Ø 3. Un, deux... cinq miliciens quittèrent le camion renversé, coururent vers les arbres, tombèrent l'un après l'autre. Le camion barrant la route, ceux qui le suivaient s'étaient arrêtés. ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 484. Remarque : Une personne peut aussi barrer un passage : Ø 4. Armé du pistolet d'arçon du maréchal des logis, Fabrice avait repris fièrement sa faction lorsqu'il vit arriver à lui sept hussards montés : il s'était placé de façon à barrer le pont,... HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 65. Ø 5. Mais les gens de l'hôtel de la Tête noire n'étaient pas assez nombreux pour barrer entièrement la rue;... JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, page 6. — VÉNERIE. Barrer une enceinte. La parcourir avec un chien barreur*. — Par métaphore ou au figuré. · Barrer quelque chose. S'y opposer. Avec une froide et infranchissable règle, elle barrait tous mes caprices (CHARLES BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, 1867, page 194 ). Barrer la route, le chemin (à quelqu'un). Faire obstacle (à quelqu'un) : Ø 6. J'ai soutenu brillamment à Châlons-sur-Marne la candidature d'un radical modéré, pour barrer la route au conservateur. GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 420. Ø 7. Tu prétendais non à l'amour mais à un culte. Tu as barré ma route. Tu t'es dressée sur mon chemin comme une idole. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 867. · Barrer quelqu'un.. L'empêcher d'agir à sa guise, entraver ses projets. b) Spécialement. MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. Barrer une veine. " Empêcher le sang d'y arriver au moyen d'une ligature " (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). — Au figuré. Causer une sorte de contraction à. L'angoisse lui barrait l'estomac (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 195) : Ø 8.... à ce moment, la vue de la viande déposée sur la table, lui souleva le coeur; il prescrivit qu'on la fît disparaître, commanda des oeufs à la coque, tenta d'avaler des mouillettes, mais elles lui barrèrent la gorge;... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours, 1884, page 218. 2. Par analogie. Être disposé en travers de : Ø 9. Elle s'était laissée glisser, assise à demi contre le mur, muette de terreur, devant le poing dont le prêtre la menaçait. Ses cheveux se dénouaient, une grande mèche blanche lui barrait le front. ÉMILE ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, page 1176. Ø 10. Les missels tremblaient dans leurs doigts. Angles verts, aurore et bleus, des rubans hiérarchiques barraient les pèlerines plates des pensionnaires que guidaient, mains jointes, des dominicaines entraînant de longs manteaux noirs ouverts sur la croix de Malte de leurs robes en bure jaune. PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 327. — Spécialement. VÉNERIE. " On dit d'un chien qu'il barre lorsqu'il balance sur la voie et la cherche à droite et à gauche " (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834). Barrer une enceinte. " Passer à travers une enceinte avec un limier pour tâcher de mettre le cerf debout " (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834). Remarque : Attesté dans les dictionnaires du XIXe. et du XXe. siècle. II.— Par analogie. [Correspond à barre II B] .. Marquer d'une ou de plusieurs barres : Ø 11. «... vous ne barrez point vos t. Comment pouvez-vous ignorer à votre âge qu'un t doit être barré? C'est inexplicable! » ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Désirs de Jean Servien, 1882, page 155. Ø 12.... Issy-les-Moulineaux nous avait renvoyés, juste pour Noël, deux mois et demi après la commande. Ces bons étaient barrés d'un gros trait au crayon bleu, une main énergique avait écrit dans un coin : Bons retournés. JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 297. — Spécialement. · Rayer quelque chose d'un trait pour l'annuler : Ø 13. Je crois qu'il faudra barrer deux ou trois phrases qui pourraient faire rire hors de saison. PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1898, page 324. · DROIT COMMERCIAL. Barrer un chèque. Tracer en diagonale sur un chèque deux barres parallèles afin qu'il ne puisse être touché que par l'intermédiaire d'un institut bancaire ou un centre de chèques postaux. — Argot. · Abandonner. Balanstique ta garce, barre-la sans secousse (ARISTIDE BRUANT, Dictionnaire français-argot, 1905, page 2 ). · Emploi pronominal. S'en aller : Ø 14. Si tu l'avais vu se barrer avec sa patte amochée, je te jure qu'il était marrant ROLAND LECALELÉ, DIT ROLAND DORGELÈS, Les Croix de bois; 1919, page 217. III.— MARINE. Tenir, manoeuvrer la barre du gouvernail : Ø 15. Le pilote (...), fit un geste amical au matelot de barre qui ne se départit pas pour cela de son flegme nordique, remercia pour l'excellent accueil qui lui avait été fait, enjamba le bordage et disparut le long de la coque. Le matelot, qui barrait son voilier, le reçut à bras ouverts, et bientôt de la passerelle de l'Étoile-des-mers, en route de nouveau, on aperçut le petit navire dansant comme un bouchon, à un mille, sur une houle grise,... ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 9. — Absolument : Ø 16. — Tu as déjà navigué? — Oui. — Où çà? — En Suisse, sur le lac de Neuchâtel. — Tu sais barrer? — Bien sûr. J'avais un petit lougre qui filait comme une flèche, remontant le vent au plus près. BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 172.