Dictionnaire en ligne: DÉSENCHANTÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Dictionnaire en ligne: DÉSENCHANTÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de désenchanter* II.— Adjectif. A.— [En parlant d'un objet concret] Qui a perdu son charme. Les lieux les plus vantés de la terre sont tristes et désenchantés lorsqu'on n'y porte plus ses espérances (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Pensées et maximes, 1869, page 21) : Ø 1. Nous regardions avec étonnement, sous le ciel terne, tout le décor désenchanté; et le morne jardin de l'hôtel qui nous paraissait si charmant quand s'y promenait notre amour. ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste, 1902, page 461. B.— [En parlant d'un être humain, d'une collectivité humaine] Qui a perdu sa foi, son enthousiasme, ses espérances. Rien à attendre du peuple, oublieux de son idéal, désenchanté de ses espérances (GEORGES CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, page 490 ). Jeunesses ardentes ou jeunesses désenchantées (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 109 ). PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : blasé, déçu, dégoûté, dépité, désabusé, désappointé, désespéré, désillusionné. b) (Quasi-)antonymes enchanté, enthousiaste. — Par extension. [En parlant (d'un trait) du caractère, du comportement] Vallagnosc, dans la joie de leur rencontre, gardait son air las et désenchanté (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 449 ). Un visage pensif et fin aux longues moustaches blondes, au regard bleu et désenchanté (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 67) : Ø 2. Avant d'avoir vécu, j'étais lassé de vivre. Je me retirais, pour ainsi dire, de l'existence dans un recueillement désenchanté, et dans cette solitude du coeur que l'homme se fait quelquefois à lui-même en coupant tous ses rapports avec le monde et en se séparant de toute participation au mouvement qui l'agite. ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences, 1849, page 339. — Substantif. Personne qui a perdu ses illusions, sa foi, son enthousiasme. Les désenchantées (ROMAN DE JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, 1906). Il [Barrès] mêlait ses décourageantes confidences de désenchanté avec des drôleries (JACQUES-ÉMILE BLANCHE, Mes Modèles, 1928, page 22) : Ø 3.... de la satiété et de la plénitude, ceux qui ont épuisé l'épreuve de la vie le savent, il ne sort que dégoût et néant. (...) Ces désenchantés ce ne sont point seulement ceux qui vieillissent et qui meurent dans l'ensorcellement des bagatelles (...) ce sont les meilleurs, les plus éprouvés, les plus compétents... MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, page 25. Fréquence absolue littéraire : 133. Forme dérivée du verbe "désenchanter" désenchanter DÉSENCHANTER, verbe transitif. A.— Rare. Détruire un enchantement, rompre un charme magique, un pouvoir surnaturel : Ø Le château d'Artus est intoxiqué, drogué. Les uns mettent cela sur le compte du Graal, tabou mystérieux, relique du Christ qui enchante ou désenchante la Bretagne; les autres s'y complaisent ou se révoltent. JEAN COCTEAU, Les Chevaliers de la Table Ronde, 1937, préface, page 73. PARADIGMES. (Quasi-)antonymes charmer, émerveiller, enchanter, ensorceler, ravir. B.— Faire cesser une illusion, faire perdre à un objet son caractère illusoire ou le charme, l'attrait, le mystère qui peuvent lui être prêtés (notamment par la voie de l'imagination, du souvenir, de l'amour). (Quasi-)synonymes : décevoir, dépoétiser, désappointer. La vérité désenchante toujours. L'art est là pour la falsifier (JULES RENARD, Journal, 1909, page 1250 ). 1. [L'objet désigne une chose, une entité] Plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l'homme dessèche le coeur, désenchante la nature (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 34 ). Nous avons tous dans le passé un jour qui nous désenchante l'avenir (LOUIS BERTRAND, DIT ALOYSIUS BERTRAND, Gaspard de la nuit, 1841, page 45 ). — Emploi pronominal. Perdre son charme, son attrait, son mystère. La vie présente, la beauté de ce monde, le chant de la terre et cet immense amour qui le transfigure chaque jour en un hymne céleste, tout cela devra se désenchanter (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 90 ). 2. [L'objet désigne une personne] Si j'ai un conseil à vous offrir, c'est (...) de la traiter comme une simple esclave. Ahasvérus. — Tu peux la tuer, mais tu ne peux pas désenchanter cet être tout céleste (EDGAR QUINET, Ahasvérus, 1833, 3e. journée, page 256 ). C.— Faire perdre à quelqu'un ses illusions, son enthousiasme, son engouement. La médiocrité de ces strophes composées pour les pèlerins (...) ne pouvait pas, non plus que l'accent lorrain de la chanteuse, désenchanter ce petit monde (MAURICE BARRÈS,La Colline inspirée, 1913, page 145 ). PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : dégoûter, désabuser, désillusionner; (quasi-) antonymes enthousiasmer, illusionner. — Emploi pronominal. Perdre son enthousiasme, son engouement pour quelqu'un, quelque chose. (Quasi-)synonyme : se lasser. Il vient tôt ou tard un moment où le monde vous quitte, où le public qui vous avait porté se désenchante de vous, se retire de vous (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 9, 1863-69, page 359 ). Remarque : On rencontre dans la documentation désenchantant, ante, participe présent et adjectif. Qui désenchante, qui fait cesser une illusion, qui prive d'enthousiasme. (Quasi-)synonyme : décevant Rien n'est en effet, plus désenchantant, plus pénible, que de regarder, après des années, ses phrases (JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours, 1884, préfixe page I). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 48 (désenchantant : 2).