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  Le meurtre des enfants innocents est un problème célèbre, soulevé dans le texte de parashat Noach.

Publié le 06/01/2014

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  Le meurtre des enfants innocents est un problème célèbre, soulevé dans le texte de parashat Noach. Parashat Bereishit, un récit ostensiblement consacré à la Création, s'achève sur le constat dégoûté de Dieu que « la méchanceté de l'homme était grande sur la terre », constat qui le conduit -- il y a de nombreux commentaires énervés sur cette notion -- a « regretter » d'avoir fait l'homme. (« Qu'est-ce que cela pourrait bien signifier ? demande Friedman. Si Dieu connaît l'avenir, comment Dieu pourrait-il regretter une chose, une fois qu'elle s'est produite ? ») L'humeur mélancolique de Dieu ne dure qu'un bref instant, comme nous le savons, puisqu'il déclare immédiatement après qu'il va « dissoudre » l'humanité, les animaux, les oiseaux et toutes les choses qui rampent. La cause de l'ire de Dieu, la nature du péché qui provoque son dégoût, est décrite au début de Noach. La terre, comme Dieu en devient conscient dans Genèse 6, 11, a été corrompue (vatishacheth) ; elle a été corrompue (nish'chathah) - le mot revient immédiatement dans le verset suivant -- parce que toute chair a corrompu sa voie (hish'chith). Quelle est la nature exacte de cette corruption ? Rachi note que la racine consonante du verbe hébreu qui revient, de manière frappante, si souvent au cours de ces versets, sh-ch-th, dénote l'idolâtrie (c'est le verbe employé dans le Deutéronome 4, 16, quand Dieu met en garde son peuple vis-à-vis des images sculptées s'ils ne veulent pas se corrompre) et suggère surtout une grossière immoralité sexuelle. Il glose sur « toute chair a corrompu sa voie » de la manière suivante : « Même les animaux domestiques, les bêtes sauvages et les oiseaux avaient des apports avec ceux qui n'étaient pas de leur espèce. » La nature de la corruption a donc à voir avec le mélange incontrôlable de catégories qui sont censées rester distinctes - une préoccupation de cette religion particulière, comme cela devient de plus en plus clair à travers la Torah, depuis cet acte originel de Création cosmique, décrit comme un processus de séparation et de distinction, jusqu'à l'insistance rigoureuse, dans les livres plus tardif comme le Lévitique, sur la séparation des genres et des espèces de choses, par exemple la séparation des produits laitiers et des viandes, des serviettes avec la bande rouge et des serviettes avec la bande bleue. Et, en effet, lorsqu'il donne des instructions à Noé pour la construction, l'équipement et la cargaison de l'Arche, Dieu lui rappelle que les paires d'animaux avec lesquelles il repeuplera la terre plus tard (ce deuxième acte de Création) doivent être « chacune selon son genre » - une précision que Rachi explique de la façon suivante : « Celles qui sont restées foncièrement attachées à leur propre espèce et n'ont pas corrompu leur voie. » Le châtiment pour ce type particulier de corruption reflète de manière tout à fait appropriée la nature du crime. Car le Déluge que déclenche Dieu a pour effet d'effacer les distinctions entre les choses : à mesure que les eaux montent, l'océan engouffre la terre ferme, et les montagnes et tous les traits distinctifs du paysage disparaissent ; lorsqu'ils finissent par réapparaître -- comme ils étaient apparus au début de parashat Bereishit, lorsque Dieu avait séparé l'eau de la terre -nous sommes censés le ressentir certainement comme une seconde Création. Ce lien entre le crime et le châtiment, autre instance du souci, dans Noach, concernant la façon dont les opposés coïncident secrètement peut-être, est rendu évident dans un élément verbal frappant du texte : car le mot que Dieu emploie quand il dit « Je suis sur le point de détruire » toute chair est mash'chitham, qui est, comme les mots pour dire « corruption », dérivé de la même racine, sh-ch-th. Dans Noach, le châtiment colle littéralement au crime. Compte tenu de cette préoccupation obsessionnelle de séparer, de distinguer, de purifier, ce qui est frappant dans le récit de l'insatisfaction de Dieu vis-à-vis de sa Création et de sa décision de déclencher un Déluge qui va l'oblitérer, c'est sa détermination de détruire « toute chair ». Le mot « toute » soulève quelques difficultés, puisqu'il implique que certains innocents au moins vont périr dans le désastre. Car nous pouvons présumer que dans la désignation de « toute chair » son inclus, par exemple, les petits enfants ou même les bébés -- une catégorie de personnes peu susceptible d'avoir été engagée dans le métissage des espèces. De façon surprenante, dans la mesure où il fait preuve d'une grande humanité par ailleurs, Friedman ne montre aucun intérêt pour cette implication troublante que Dieu pourrait être capable de tuer des innocents ; il préfère s'attarder sur la « pureté » de Noé et son absence de « tache », de façon à montrer combien les auteurs de ce récit étaient larges d'esprit (« Et il est important qu'une histoire composée par des Juifs ait souligné la vertu de quelqu'un qui n'est pas un Juif... » ; et ce passage a été en effet invoqué dans certains débats pour soutenir l'idée qu'il pourrait y avoir une catégorie de gens appelés les Justes, c'est-à-dire des non-Juifs qui ont essayé de sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale -- des gens, probablement, comme Ciszko Szymanski sur qui j'allais apprendre, en temps voulu, beaucoup de choses). Rachi, de son côté, se débat, brièvement certes, avec les implications sombres de Noach. Son unique commentaire sur l'expression « la fin de toute chair » est le suivant : « Là où on rencontre la promiscuité, la catastrophe envahit le monde et détruit à la fois le bien et le mal. » Cela semble impliquer que soit le péché même signalé par sh-ch-th souille tous ceux qui y sont vaguement liés, y compris, disons, les victimes passives du métissage ; soit les coupables, à travers leur activité pécheresse sans discrimination, provoquent le châtiment des innocents -- interprétation qui a la vertu de ne pas imputer le blâme à Dieu. Rien de tout cela, il faut le dire, ne semble très satisfaisant quand on abandonne les abstractions des commentateurs et qu'on prend le temps de se demander à quoi peut ressembler l'extinction de la vie d'un petit enfant par noyade ou autrement. Même après avoir médité le commentaire de Rachi, il est difficile de ne pas penser, vu la façon dont la Torah se préoccupe de maintenir des distinctions entre les choses, que l'annihilation des innocents et des coupables sans discrimination dans le récit du Déluge a quelque chose de relâché et de non cascher, qui est à la fois inhabituel et dérangeant. Mais peut-être que dans certaines circonstances -- lorsqu'on exécute des projets à une échelle gigantesque, par exemple, des projets de reconfiguration du monde entier - l'habilité de garder à l'esprit tous les détails, de faire certaines distinctions, devient contreproductive.   EST-ce que quelqu'un savait avec certitude quand Shmiel et Ester avaient péri ? ai-je demandé au bout d'une heure et demie environ de notre conversation, le jour où le groupe était réuni. J'avais déjà adopté le verbe de Jack, périr. Meg a dit qu'elle pensait que c'était au cours de la seconde Aktion. Jack a dit, Oui, c'est ce que je pense aussi, au cours de la seconde Aktion. Je ne les ai plus vus après ça. Mais je n'en suis pas certain, a-t-il ajouté. J'ai demandé si l'un d'entre eux les avait vus entre la première Aktion et la seconde. Après la première Aktion, vous savez, a dit Bob, la vie a changé, bien sûr. Nous devions porter des brassards. J'ai hoché la tête. Parmi les instantanés apportés par Meg se trouvait une photo qui avait été prise, de toute évidence, pendant cette période : Pepci Diamant marchant dans la rue avec une autre fille - que Meg avait identifiée comme une des Flüchtling, les réfugiés des environs qui étaient arrivés en ville à mesure que les Allemands marchaient à travers la Pologne -, toutes les deux portant le brassard blanc avec l'étoile de David bleue. Sur la photo, les deux jeunes filles sourient. Je me suis demandé qui l'avait prise ; et je me suis demandé aussi ce que Pepci Diamant pouvait avoir en tête lorsqu'elle l'avait collée dans son album qui, nous le savons, allait lui survivre. Jack a dit, Après la première Aktion, on ne pouvait plus aller... on ne pouvait plus sortir dans la rue. Il y avait un temps alloué pendant lequel on pouvait apparaître, une heure ou deux par jour. Le Judenrat, a continué Bob, devait fournir des gens pour le travail et toutes sortes de choses, et c'est comme ça que ça se passait. Et bien sûr... (je me suis demandé pourquoi il disait bien sûr de cette façon, et j'ai supposé qu'il voulait simplement dire, avec la malchance des Juifs) ... au même moment un déluge a commencé. Un déluge ? ai-je demandé. Pendant un instant, j'ai cru qu'il employait une métaphore. Un déluge de malheurs, un déluge d'ennuis, quelque chose dans le genre. Mais non : c'était un vrai déluge. Il pleuvait énormément, a dit Bob, et la pluie emportait tout dans les champs, donc la nourriture est devenue très chère tout à coup. Il y a eu une famine. Lorsque le printemps de 1942 est arrivé, beaucoup de Juifs mouraient - et pas un ou deux par semaine, mais par jour. De faim, tout simplement. J'ai pensé à Shmiel et à Ester, aux trois filles, vivant dans l'angoisse et la terreur dans la maison peinte en blanc. Dans ses lettres à mon grand-père, à son cousin Joe Mittelmark, à Tante Jeanette et à son mari, il se plaignait constamment des problèmes d'argent, des dépenses encourues pour envoyer les filles à l'école, du fait qu'il n'avait pas assez d'argent pour récupérer son camion au garage. À présent, disons, à Pâque de 1942, il n'y avait plus du tout de travail et les gens étaient affamés. Comment vivent les gens, m'étais-je demandé, quand il n'y a plus d'économie ? Ils ne vivaient plus ; ils mouraient de faim. Meg a dit, à voix basse, Tout le monde parlait de la faim, après la première Aktion. Il m'arrivait de rêver de pain. Pas de gâteaux, mais de pain. Matt a demandé, Je sais que ça va paraître idiot, stupide, mais je veux dire... est-ce que je peux vous demander quelque chose ? Bien sûr, ont-ils répondu en choeur.

« choses :à mesure queleseaux montent, l'océanengouffre laterre ferme, etles montagnes et tous lestraits distinctifs dupaysage disparaissent ;lorsqu'ils finissentparréapparaître — comme ilsétaient apparus audébut de parashat Bereishit, lorsque Dieuavait séparé l'eaudela terre -nous sommes censésleressentir certainement commeuneseconde Création.

Celien entre le crime etlechâtiment, autreinstance dusouci, dans Noach, concernant lafaçon dontles opposés coïncident secrètement peut-être,estrendu évident dansunélément verbalfrappant du texte :car lemot queDieu emploie quandildit « Je suissurlepoint dedétruire » toutechair est ma sh'ch i th am, qui est, comme lesmots pourdire« corruption », dérivédelamême racine, sh-ch-th.

Dans Noach, le châtiment collelittéralement aucrime.

Compte tenudecette préoccupation obsessionnelle deséparer, dedistinguer, depurifier, ce qui estfrappant danslerécit del'insatisfaction deDieu vis-à-vis desaCréation etde sadécision de déclencher unDéluge quival'oblitérer, c'estsadétermination dedétruire « toutechair ».

Le mot « toute » soulèvequelques difficultés, puisqu'ilimplique quecertains innocents aumoins vont périr dansledésastre.

Carnous pouvons présumer quedans ladésignation de« toute chair » soninclus, parexemple, lespetits enfants oumême lesbébés —une catégorie de personnes peususceptible d'avoirétéengagée danslemétissage desespèces.

Defaçon surprenante, danslamesure oùilfait preuve d'unegrande humanité parailleurs, Friedman ne montre aucunintérêt pourcette implication troublantequeDieu pourrait êtrecapable detuer des innocents ;il préfère s'attarder surla« pureté » deNoé etson absence de« tache », de façon àmontrer combien lesauteurs decerécit étaient largesd'esprit (« Etilest important qu'une histoire composée pardes Juifs aitsouligné lavertu dequelqu'un quin'est pasun Juif... » ; et ce passage aété eneffet invoqué danscertains débatspoursoutenir l'idéequ'il pourrait yavoir unecatégorie degens appelés lesJustes, c'est-à-dire desnon-Juifs quiont essayé desauver desJuifs pendant laSeconde Guerremondiale —des gens, probablement, comme CiszkoSzymanski surqui j'allais apprendre, entemps voulu,beaucoup dechoses). Rachi, deson côté, sedébat, brièvement certes,aveclesimplications sombresdeNoach.

Son unique commentaire surl'expression « lafindetoute chair » estlesuivant :« Là oùon rencontre lapromiscuité, lacatastrophe envahitlemonde etdétruit àla fois lebien etlemal. » Cela semble impliquer quesoitlepéché même signalé parsh-ch-th souilletousceux quiysont vaguement liés,ycompris, disons,lesvictimes passives dumétissage ;soit lescoupables, à travers leuractivité pécheresse sansdiscrimination, provoquentlechâtiment desinnocents — interprétation quiala vertu denepas imputer leblâme àDieu. Rien detout cela, ilfaut ledire, nesemble trèssatisfaisant quandonabandonne les abstractions descommentateurs etqu'on prend letemps desedemander àquoi peut ressembler l'extinctiondelavie d'un petit enfant parnoyade ouautrement.

Mêmeaprèsavoir médité lecommentaire deRachi, ilest difficile denepas penser, vulafaçon dontlaTorah se préoccupe demaintenir desdistinctions entreleschoses, quel'annihilation desinnocents et des coupables sansdiscrimination danslerécit duDéluge aquelque chosederelâché etde non cascher, quiestàla fois inhabituel etdérangeant.

Maispeut-être quedans certaines circonstances —lorsqu'on exécutedesprojets àune échelle gigantesque, parexemple, des projets dereconfiguration dumonde entier– l'habilité degarder àl'esprit touslesdétails, de faire certaines distinctions, devientcontreproductive.

  EST -ce que quelqu'un savaitaveccertitude quandShmiel etEster avaient péri?ai-je demandé au bout d'une heure etdemie environ denotre conversation, lejour oùlegroupe étaitréuni. J'avais déjàadopté leverbe deJack, périr.. »

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