Devoir de Philosophie

MÉMOIRE

Publié le 02/04/2015

Extrait du document

MÉMOIRE

Traditionnellement, la mémoire est une faculté par laquelle on explique les activités psychiques et cognitives des animaux ; sa définition est bien souvent tributaire du vieux mythe des « facultés «. On peut atteindre le phénomène par l'expérience conjointe de l'oubli et du souvenir, une étude de l'apprentissage, ou encore des maladies de la mémoire (amnésie, paramnésie, aphasie). Dans un survol critique des théories de la mémoire, le développement récent des sciences humaines oblige à distinguer une problématique philosophique tradi­tionnelle d'une problématique positive moderne.

1.   Problématique philosophique traditionnelle

La mémoire est une fonction psychique permettant la repré­sentation du passé comme tel ; elle suppose non seulement la possibilité pour le passé d'être présent, c'est-à-dire conservé, niais pour ce présent, celle d'être rapporté à une absence, à ce qui a déjà eu lieu et qui n'est plus. A partir de cette définition générale, la mémoire peut être considérée selon quatre déterminations, qui sont autant de problèmes.

1 — Mémoire et conscience. La mémoire est ce qui rend possible la conscience (sans mémoire, je ne saurais pas que je suis moi), les autres opérations psychiques (l'imagination, voire la perception) et le savoir qui nécessite la reconnais­sance (cf. la réminiscence de Platon). Inversement, la mémoire suppose la conscience comme possibilité de rapporter le souvenir à un passé qui est mien.

2 — Mémoire et temps. Tout souvenir est rapporté à un passé ; la mémoire est fonction du passé, comme le projet est fonction de l'avenir ; elle suppose une conscience de temps. Inversement, que serait une conscience du temps passé indépendante de la mémoire ?

3 — Mémoire et reproduction. Se souvenir c'est reproduire un événement psychique. Mais cette reproduction n'est-elle pas une production, le passé n'est-il pas non seulement enregistré, mais aussi pensé et reconstruit ? (cf. Proust)

4 — Mémoire et signe. La mémoire est production du signe ; sans mémoire, comment associer tel être à tel autre, de façon à ce que l'un devienne le signe de l'autre ? Inver­sement, un souvenir indique ce dont il est souvenir, il est un signe et rien d'autre. Le paradoxe de la mémoire comme présence d'une absence tient à son être de signe ; pour que je puisse dire que A est le souvenir de B, il faut que je me souvienne de B, or, le souvenir de B c'est A ; il y a la même différence entre A et B qu'entre les deux « rouge « dans le « rouge est nommé rouge «.

La mémoire, cette capacité paradoxale, est au centre de débats dont l'enjeu n'est pas seulement la connaissance positive d'un élément fondamental de la connaissance ou de la vie psychique, mais la valeur des explications matéria­listes et idéalistes des activités humaines. La thèse matéria­liste (Hobbes) ou empiriste (Locke, Condillac) identifie souvenir et trace, que celle-ci soit spirituelle du simplement marque dans le cerveau ; elle explique les différences de persistance des traces par les répétitions, et la reconnaissance d'un phénomène déjà vu par la coïncidence de l'image actuelle avec la trace mnésique. La thèse idéaliste tend à faire du souvenir un être immatériel comme l'idée (voir Bergson).

Le propre de l'analyse traditionnelle de la mémoire est la nécessité, inscrite dans la notion de souvenir de tenir compte du vécu de conscience. Le souvenir, c'est à la fois ce dont j'ai conscience et ce par quoi j'ai conscience, le vécu de ma conscience et son objet ; d'emblée se pose le problème philo­sophique de déterminer si le processus de mémorisation doit être référé à l'instance spécifique d'une conscience. La psychanalyse (avant Lacan), tout en apportant des éléments nouveaux (Freud : les hystériques souffrent de rémi­niscences), et en obligeant à tenir compte de souvenirs inconscients, n'exclut pas le débat. Si on peut distinguer aujourd'hui une nouvelle problématique, c'est parce que les études récentes utilisent moins la notion de souvenir que celle d'information (voir communication).

2.  La problématique positive moderne

La mémoire en général est la propriété de conserver certaines informations : l'hérédité, conservation et transmission géné­tique des informations nécessaires à la vie, doit être consi­dérée comme une mémoire. Le rapport de l'information au temps diffère de celui au souvenir du temps : pour l'infor­mation, le temps n'est pas un facteur constitutif, mais une variable libre. Ceci change considérablement les associations conceptuelles familières : le programme génétique est une « mémoire « qui associe le mie du souvenir tourné vers le passé à celui du projet tourné vers l'avenir. La mémoire humaine peut être définie comme la capacité de restituer l'information contenue dans un message précédemment reçu, ou de reconnaître cette information parmi d'autres. Elle donne lieu à des approches distinctes selon le style de diffé­rentes disciplines :

1 — Cybernétique : Le but est de reproduire les perfor­mances mnémoniques humaines à l'aide de machines ; par là on obtient des modèles permettant, soit d'interpréter les expériences faites par la psychologie, soit de les guider.

2 — Neurophysiologie : Le but est de déterminer quelles sont les structures nerveuses jouant un rôle dans la mémoire, voire les bases chimiques de celles-ci (acide ribonucléique).

3 — Psychologie : Supposée l'intégrité mécanique de la mémoire, on peut s'intéresser à l'information contenue dans un message, et à ses conditions de réception, et de resti­tution par l'individu en faisant varier divers paramètres (contenu du message, code, conditions physiques de réception et d'émission etc.).

 

On peut voir dans cette nouvelle problématique la solution scientifique du débat traditionnel ; l'étude neuro-psycho-logique de la mémoire, prenant pour hypothèse qu'à tout « sou venir « d'activités mentales ou comportementales correspond une certaine trace imprimée dans le tissu nerveux, semble confirmer la thèse matérialiste. En fait, la nouveauté consiste à ne pas poser directément le problème. Si l'étude de la mémoire est concernée par la réflexion philo­sophique, ce n'est plus que celle-ci ait à élaborer une théorie de la mémoire, mais parce qu'elle prend les théories scienti­fiques pour matière.

Liens utiles